Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Lien social : que d'ambigüité dites et faites en ton nom !

Qu'est-ce que le lien "social" ? Qu'est-ce qui relie qui et à quoi ? Deux versions s'affrontent.


Dans la première, il s'agit d'un lien entre deux personnes qui entretiennent, entre elles, des relations d'échange de toutes sortes ; on peut généraliser cette première version en considérant un lien du même type entre une personne et un groupe ou une communauté de vie, quels qu'ils soient. Il s'agit toujours de relations interpersonnelles, électives et sélectives, relevant du domaine strictement privé, variable dans le temps et l'espace, mais toujours libres. Disons, pour compacter, qu'il s'agit du lien communautaire.

Mais il y a la deuxième version qui mesure, globalement, l'indice de cohésion d'une société, c'est-à-dire d'un espace public et politique, anonyme mais organisé par des institutions, comme une ville ou une nation. Il s'agit alors du lien sociétal qui, naguère, se confondait avec le civisme ou le patriotisme.

On le voit, la notion de "lien social" est terriblement ambiguë et ouvre la porte à les malentendus - donc à des manipulations idéologiques - sans fin.

Lorsque les tenants de la simplicité volontaire clament leur slogan : "moins de biens, plus de liens", je suppose qu'ils parlent du lien communautaire, familial, culturel, ludique, villageois, etc … ; ils déplorent la faiblesse des réellescommunautés de vie.

Mais lorsque les idéologues, les sociologues et les politiques déplorent le délitement ou la perte du lien social, ils parlent du lien sociétal donc de l'indice de cohésion d'une société prise comme un tout (donc du civisme, du patriotisme, du solidarisme, etc …).

Or, le constat d'aujourd'hui est que les liens communautaires se renforcent (c'est le tribalisme de Michel Mafessoli) alors que le lien sociétal s'effondre (ce qui entraine la refondation de solidarités électives et communautaires contre la "solidarité" anonyme, aveugle, clientéliste, démagogique, corrompue et fonctionnaire, monopolisée par l'Etat central).

Il n'y a pas vraiment de corrélations entre lien communautaire et lien sociétal, mais il est cependant assez clair qu'ils évoluent en sens inverse, ce qui démontre leur incompatibilité réciproque.

Globalement, il est une tendance lourde : notre époque récuse les structures sociétalistes (et les organisations pyramidales, hiérarchiques et centralisées) et engendre des structures communautaristes (et des organisations réticulées, complexes et intriquées). Au grand dam des carriéristes politiciens …


Marc Halévy, 31 août 2013