Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Bipolarité contre Dualité.

Qu'est-ce que l'anti-occidentalisme ?

Les personnes sans la communauté qui les porte et les soutient, ne sont rien.

La communauté sans les personnes qui la forment et la vivifient, n'est rien non plus.

La communauté offre du territoire (des lieux, des groupes, des relations), de la mémoire (de la tradition, de l'identité) et de l'éthique de vie (des règles pour tous les jours).

La personne offre de la présence (de la sensibilité, de l'affection), de l'énergie (du projet, de la volonté, du courage) et de la constructivité (de l'inventivité, de l'intelligence, de la critique).

 

Que peut-il bien y avoir de contradictoire, là-dedans ? Je n'y vois que des complémentarités richissimes et fécondes.

Que se passe-t-il, dès lors ?

L'occident (appelons-le comme ça, par facilité) a mondialisé (d'abord par le colonisation, puis par le commerce, puis par l'industrie, puis par la morale droit-de-l'hommiste et démocratiste, puis par la technologie) un modèle (dit "individualiste") qui a hypertrophié, jusqu'à la caricature, l'essentialité de la personne devenue totalement égocentrique, et a dénigré, jusqu'à l'oppression, l'essentialité de la communauté devenue symbole d'aliénation.

 

C'est ce modèle égocentrique radical qui est dénoncé par ce que l'on appelle l'anti-occidentalisme, à tort à mes yeux, car il s'agit plus d'anti-américanisme que d'anti-européanisme (sauf en ce qui concerne le colonialisme lointain, accusé d'avoir détruit ou perverti des modes de vie peu enviables, mais dont on s'invente aujourd'hui une nostalgie émue).

 

Derrière ce soi-disant anti-occidentalisme, se cache une immense nostalgie (souvent largement réinventée sur base de vieux souvenirs fleurant bon les fleurs séchées) des enracinements communautaires et familiaux (au sens de la famille large et unie, d'avant les familles "recomposées" ou "monoparentales") d'antan, d'avant, du "bon vieux temps".

 

Je n'ironise aucunement, dans ces propos ; j'essaie simplement de mettre face à face deux bêtises colossales : celle du roi "individu totalement émancipé et libre" et celle de la reine "communauté profondément enracinée et intégrée".

 

L'humanité est à la fois mémoire (enracinement) et projet (émancipation) ; ces deux pôles sont indissociables. Il ne peut y avoir de projet sans mémoire (ne serait-ce que pour s'en souvenir) et il ne peut y avoir de mémoire sans projet (ne serait-ce que l'alimenter et l'enrichir). Tout comme il ne peut y avoir de communauté sans personne(s), ni de personne sans communauté (sauf quelques ermites perdus au fond des bois).

 

Comme toujours, il arrive qu'une bipolarité indispensable se transforme en dualité inconciliable. On passe alors du "ET" inclusif au "OU" exclusif.

Nous en sommes là, aujourd'hui. Il y a le camp de l'essentialisation groupale et il y a le camp de l'essentialisation individuelle. Et ils se détestent ; et ils s'opposent ; et ils se font la guerre comme en Ukraine, en Palestine, en Iran, en Chine ou ailleurs.

 

Il est donc vital pour le paix du monde, mais aussi pour l'évolution positive de ce monde (qui a aussi beaucoup d'autres chats à fouetter, dont ses rapports avec la géosphère) que l'on sorte de cette logique délétère de dualisation antagonique et destructive, pour revenir à une logique saine de bipolarisation dialectique et constructive.

 

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