Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

L'après-modernité

La Modernité se meurt. Ses racines du 17ème siècle sont usées. Il est temps de dépasser le Mécanicisme.

L'apogée - l'acmé, diraient les hellénistes - de la Modernité se situe au 17ème siècle, d'ailleurs surnommé, par les Modernes, le "Grand siècle".

  • En philosophie : Descartes, contre Leibniz et Pascal, inaugure une métaphysique dualiste tout imprégnée de matérialisme et de mécanicisme, assortie d'une méthodologie analytique et réductrice.
  • En science physique : Newton, à la suite de Galilée et contre Leibniz, encore, fait de la réduction mécaniciste le cœur de tout ce paradigme physicien qui sévira jusqu'à nos jours sous les espèces des deux grands modèles standards (la mécanique relativiste cosmologique et la mécanique quantique des "particules").
  • En science biologique et anatomique : d'André Vésale à William Harvey, en passant par Ambroise Paré et tant d'autres Diafoirus, le corps devient machine et l'âme disparaît sous le scalpel.
  • En poésie et théâtre : avec les Boileau ("Enfin Malherbe vint, …"), Racine, Corneille et autre Vaugelas, sous le nom de "classicisme", tout est codifié, soumis à des règles strictes de rimes, de pieds, des trois unités, etc …
  • En musique de même, les gammes, genres et compositions sont enfermés dans des normes strictes, héritées du génie de Jean-Sébastien Bach, et scandées par les Lully, Haydn, Mozart (surtout dans ses œuvres frivoles … et il y en a beaucoup … trop) et même, Beethoven très jeune qui, heureusement, devint vite, tout à l'opposé, le fondateur du romantisme.
  • En peinture : Raphaël ! ce nom suffit à tout dire de Watteau à David, de Rubens ou Vermeer à Ingres ou Delacroix : une peinture figurative,  soumise à des règles de composition stricte, idéalisante, allégorique et mythologique …
  • En politique : c'est le triomphe du despotisme de Louis XIV à Frédéric de Prusse de Charles II d'Angleterre à Guillaume d'Orange, de Pierre le Grand à Marie Stuart : triomphe de la centralité, de la hiérarchie, de la courtisanerie, du protocole … et de l'hypocrisie.
  • En économie, les mercantilistes, d'abord, et les physiocrates, ensuite, fondent la plus grande escroquerie intellectuelle de tous les temps : l'idée que l'économie (donc l'art des échanges en tous genres) puisse être rationnellement modélisée et centralement pilotée.

A travers ces diverses facettes, il est loisible de voir que ce sont les mêmes doctrines qui sont à l'œuvre partout : rationalisme, mécanicisme, analycisme, réductionnisme, bref: le triomphe absolu du "cerveau gauche" contre toutes les expressions de ce "cerveau droit" qui se rebellera, au 19ème siècle, surtout dans les arts, avec le romantisme et l'impressionnisme.

La science, parce que plus astreinte aux contraintes de rigueur, est bien plus lente et commence seulement aujourd'hui, avec les sciences de la complexité, à sortir du carcan analytique, mécaniciste et réductionniste cartésien.

Quant à la politique et à l'économie … : elles sont en train d'exploser en vol tant leurs prémisses sont artificielles, fausses et irrécupérables. Les systèmes économiques et les idéologies politiques, quelles qu'elles soient, sont de pures chimères imaginaires, inventées avec le seul but de masquer - de tenter de masquer - l'irrationalité profonde des rapports et relations de l'homme à l'autre.

Il n'y a pas, il n'y aura jamais de "science politique" ou de "science sociale" ou de "science économique", bref, de "science humaine". En ce sens, le cas de Freud est le plus flagrant : il a théorisé, universalisé, abstrait, conceptualisé - par la seule introspection narcissique - ce qui n'était que ses propres fantasmes et complexes personnels - sommet d'orgueil et de nombrilisme. Il n'y a jamais eu d'autres malades du "complexe d'Œdipe" que Freud lui-même.

Bref : la Modernité qui meurt sous nos yeux, a forgé son paradigme au 17ème siècle et il n'est pas abusif de le ramener à un seul mot : mécanicisme. La civilisation, le progrès, c'est la "mécanicisation" de tout, du monde, de l'homme, de ses œuvres et de ses sociétés : culte de l'ordre mécanique en tout !

Cet ordre mécanique de la Modernité émergea des déficiences de l'ordre théologique de la Féodalité.

Nous vivons, aujourd'hui, l'émergence d'un nouvel ordre, post-mécaniciste : l'ordre complexe qui répond à la hiérarchisation et à la planification de l'ordre mécanique, par la réticulation (les organisation communalistes en réseau) et la synchronisation (la convergence des autonomies par la finalité partagée).

Marc HALEVY (mai 2010)