Un pouvoir noétique au-delà de la droite et de la gauche
Les sociétés humaines émergent de l'exploitation de trois ressources : celle des territoires (le capital), celle de l'activité (le travail) et celle du génie (l'intelligence).
Marx n'avait vu que les deux premiers pôles et avait, de ce fait, sombré dans une vision dualiste, primaire et mécanique (le matérialisme dialectique) : en négligeant le pouvoir noétique, il avait réduit la sociologie humaine à un irréductible conflit entre forces du capital et pouvoir économique, d'une part, et forces du travail et pouvoir politique, d'autre part. Dans cette logique, les forces du travail, par le biais de la révolution politique, devaient écraser l'ennemi : les forces du capital (par la collectivisation des outils de production) et le pouvoir économique (par la dictature du prolétariat). Les diverses tendances socialistes fonctionnent toujours sur ce schéma boiteux.
Pour dépasser Marx et entrer dans une vision complète du réel, il faut passer de cette vision dualiste puérile à une vision ternaire bien plus complexe dont les multiples combinaisons possibles tuent dans l'œuf toutes les tentations d'idéologisation simpliste.
Ce ternaire empêche de croire qu'une "victoire" d'un des pôles est possible (dictature de droite ou de gauche) ou qu'un équilibre stable entre les deux est tenable (démocratie socialo-capitaliste). Depuis longtemps, ce sont les intellectuels (la force noétique) qui jouent les arbitres, au travers de leur présence dans les médias, par le jeu de leurs alliances avec l'un des deux camps du binaire (Jean-Paul Sartre vs. Raymond Aron). Mais il faut d'urgence sortir de cette politique d'alliance pour affirmer le pouvoir noétique en tant que tel, ni politique, ni économique : un pouvoir de l'intelligence irréductible ni au capital (la "droite"), ni au travail (la "gauche").
Marc Halévy, le 21/11/2010