La métaphore de la rivière spirituelle
La rivière unit ses deux rives "sous" le pont et non "par" le pont.
Cette métaphore est bien pertinente notamment quant au concept de Trinité puisque le Réel (Dieu) et l'Homme sont les deux rives qu'unit la rivière du Logos (l'Esprit) surplombée par le pont du Fils. Vue ainsi, cette Trinité n'a plus rien de chrétien du fait que si Dieu, l'Esprit et l'Homme sont des donnés, le pont qui les unit et surplombe, peut être infiniment multiple. Un pont est Jésus, peut-être, mais d'autres ponts peuvent, ailleurs, dans d'autres paysages, sous d'autres formes, s'appeler Moïse, Lao-Tseu, Bouddha, Muhammad, et bien d'autres.
Selon cette métaphore, il existe donc deux voies d'unification entre Dieu et l'homme, deux grandes familles de chemins de déification de l'Homme : celle des religions qui passe par un des multiples ponts, et celle de la mystique qui traverse la rivière à la voile.
La métaphore est riche et permet toute une série de déclinaisons.
· Si les ponts sont multiples, les rives et la rivières sont chacune unique.
· La voie mystique implique d'apprendre à nager (techniques spirituelles) et de quitter la berge (l'humanité) avant de se mettre à l'eau (changer de nature) et de se laisser emporter par le courant (le non-agir) jusqu'à atteindre, peut-être, l'autre rive en un endroit imprévisible.
· Le pont que l'on emprunte, quel qu'il soit, est une construction locale qui relie sans unir. Cette construction est rigide (dogmatisme) et nécessite des règles strictes de circulation pour éviter télescopages et embouteillages.
· La traversée de la rivière à la nage (l'approche mystique) rejette l'artifice du pont et assume la nature sauvage et naturelle de toutes ces choses.
· Le passage par le pont en marchant ou par la rivière en nageant sont mutuellement exclusives : on ne peut tenter l'une qu'en renonçant à l'autre.
· A la nage, partant d'un pont donné, on peut très bien accoster sous un autre pont.
· Nager, pour qui possède les techniques adéquates, peut devenir un délice en soi, avec la tentation conséquente de ne plus souhaiter accoster, de se perdre dans l'Esprit sans plus désirer atteindre le Réel.
· Etc …
Marc Halévy, février 2010