Cinq périodes, cinq leitmotivs …
Les historiens savent bien que l'humanité est travaillée par de grands cycles civilisationnels. Ces cycles n'expliquent pas le tout de l'histoire, mais ils font partie de l'histoire et en signent les ruptures et bifurcations majeures. Nous vivons une telle période de transition, de passage d'un cycle ancien et usé vers un cycle nouveau et à inventer.
L'Europe (mais les autres grandes régions civilisationnelles comme l'Inde ou la Chine, tout autant) a vu se succéder cinq grands cycles qui, chacun, étaient porteur d'une valeur clé, d'un concept central, d'un mot éponyme qui révèle sa quête de sens.
- L'Hellénité cherchait la SAGESSE collective, la cité harmonieuse, le meilleur vivre-ensemble.
- La Romanité préféra l'ORDRE, la codification des Lois, la soumission des peuples, la citoyenneté impériale.
- La Gothicité partit, par les méandres d'une myriade d'hérésies, de synodes et de conciles, à la recherche de DIEU, de ce dieu chrétien que les derniers empereurs romains avaient promu sans qu'il soit bien défini en cohérence.
- La Féodalité prit alors la main : le problème de Dieu étant résolu par les théologiens et le dogme, il fallait s'occuper du SALUT des âmes au sein (inquisition) ou en dehors (croisades) de l'Eglise.
- Puis vint la Modernité et sa nouvelle religion : celle du PROGRES, celle de la libération de l'homme du joug de l'Eglise au nom de l'humanisme, du joug de la Nature par la science, du joug des Rois par les révolutions et la démocratie, du joug des famines par l'industrie, du joug de la pauvreté par l'égalité et le partage, etc …
Nous en sommes là. Avec une religion du Progrès et de la Libération qui est morte, qui a épuisé tous ses charmes, qui a désenchanté même les plus naïfs.
Nous entrons dans un nouveau cycle civilisationnel qui veut donner du sens autrement, en se dotant d'un nouveau leitmotiv, d'un nouveau cœur de système, d'une nouvelle quête, d'un nouveau mot-clé donc.
On peut émettre, là dessus, bien des hypothèses … ma conviction est que ce mot sera JOIE (et non pas ni ce bonheur qui est une question de chance, ni ce plaisir qui n'est qu'éphémère et dépendant du monde extérieur). Je parle ici de la Joie telle qu'elle fut décrite par Spinoza, comme conséquence et manifestation de la réalisation de soi, de l'accomplissement de soi, de l'épanouissement de soi. De la Joie qui naît, comme l'écrit Nietzsche, lorsque tu "deviens ce qui tu es et fais ce que toi seul peut faire". Je parle de la Joie qui vient de la volonté, de l'effort, de la difficulté (ce qui est facile ne vaut rien), de la discipline et de l'ascèse, de la sculpture de soi et de sa vie comme d'une œuvre d'art : la Joie n'est pas au bout du chemin, la Joie EST le chemin.
Marc Halévy, Le 01/03/2012