Les trois critères de plausibilité d'une théorie
Le premier de ces critères est "externe" et en aval, et relève de la notion de pertinence : la théorie considérée doit rendre compte, au plus près, des faits expérimentaux dûment constatés; mais ce critère est un critère faible car le champ expérimental est limité et la curiosité expérimentale est partiale et largement commandée par le paradigme ambiant.
Le deuxième critère est "interne" et exige la cohérence globale de la théorie ; ce critère de logique et de consistance est important, mais il est aussi un critère faible puisqu'il dépend du choix du système logique que l'on prendra en compte.
Le dernier critère est "externe" aussi, mais en amont : c'est le critère métaphysique qui inscrit la théorie scientifique concernée et toutes ses "consœurs" dans une même vision d'ensemble devant faire montre d'une belle élégance ; critère faible, encore, car la sensibilité mystique et esthétique qu'il appelle, est au fond inféodée à des résonances intuitives profondes entre certains hommes et "l'âme du cosmos".
Lorsque l'on s'intéresse à une théorie très spéciale, liée à un domaine étroit de phénomènes, le critère de pertinence suffit en général largement, malgré sa faiblesse intrinsèque : le hasard prendra en charge la révélation des failles que la curiosité biaisée aurait tendance à esquiver.
Mais lorsqu'il s'agit de physique fondamentale ou de cosmologie, force est d'admettre que, séparés, nos trois critères sont, chacun, trop faibles pour faire l'affaire et qu'il faille, alors, exiger leur satisfaction conjointe.
Les deux grands modèles standards actuels ne satisfont plus aucun des trois critères puisqu'ils se placent, tous deux, hors du champ de l'expérimentable (critère de pertinence), qu'ils sont truffés de contradictions internes (critère de cohérence) et qu'ils renvoient à une vison du monde si compliquée, si alambiquée, si tordue, si abracadabrantesque que même un dieu fou n'en voudrait pas (critère d'élégance).
Marc Halévy, 20/12/2012