La métaphore musicale
En musique, on distingue le mélomane, le compositeur et l'instrumentiste.
Le mélomane peut être un critique professionnel ou un connaisseur. Le compositeur peut être un génie ou un technicien. Et l'instrumentiste peut être un virtuose ou un exécutant. Question de degré de talent et de compétence.
Bien sûr, ces diverses catégories ne sont pas étanches et bien des hybridations sont possibles.
Et puis, il y a la masse de ceux qui n'y connaissent rien, qui n'y comprennent rien et qui n'y entendent rien (dans les deux sens de ce verbe).
Et pour cette masse inculte, des marchands ont inventé la pseudo musique : celle qui se fabrique à la chaine, celle qui s'invente sur quelques astuces élémentaires (rythmique marquée, mélodie rudimentaires, harmonie de trois accords au maximum), celle qui s'exhibe en spectacles vulgaires et populaires.
Mais revenons à la musique, la vraie. Qu'il s'agisse d'un mélomane, d'un compositeur ou d'un instrumentiste, un règle essentielle prévaut : beaucoup de travail, d'exercice, d'effort. Il faut un maître auquel il faut se soumettre car il s'agit d'une initiation, d'une ascèse, d'un apprentissage long et difficile.
Bien sûr, au départ, il faut un minimum de don, d'oreille, de doigté. Il faut aussi une réelle attirance, un goût vrai et profond, une passion … sinon l'âpreté de l'ascèse aura vite raison de l'envie musicale naissante.
L'excellence musicale n'est jamais égalitaire, égalitariste. Elle est élitaire, foncièrement, farouchement. Car si les techniques s'apprennent, souvent laborieusement et patiemment, le talent - ne parlons même pas de génie -, lui, ne s'apprend jamais nulle part. Le talent ou le don est inné ; et la Nature est terriblement inégalitaire dans leur distribution.
Face à cet inégalitarisme souverain, les marchands ont vu une belle occasion de se remplir - ô combien - les poches en démocratisant la "musique" et en la mettant à portée de toutes les oreilles, de toutes les ignorances et de toutes les bourses. Ainsi naquit ce star-system débile tellement envahissant qui tend à faire croire aux plus fragiles - les adolescents - qu'il ne sert à rien d'entreprendre un long et fastidieux apprentissage pour "aimer" la musique et "faire" de la musique.
La "musique" est devenue "facile" c'est-à-dire médiocre, rudimentaire, primitive : du bruit rythmé !
Ce qui est vrai pour la musique, l'est aussi pour toutes les autres activités humaines, culturelles ou autres, artistiques ou autres, scientifiques ou autres.
La démocratisation des activités nobles mène inéluctablement à leur médiocrisation, à leur avilissement. Ce qui se nivelle, se nivelle toujours par le plus bas. L'inégalitarisme naturel est devenu insupportable aux médiocres qui croient être dans le vrai parce que les plus nombreux.
Face à eux, en musique, comme en tout, il reste une caste minoritaire de vrais mélomanes, de vrais compositeurs et de vrais instrumentistes qui, tous les jours, doivent se battre contre les marchands de médiocrité pour garder un petit territoire viable où continuer d'exceller.
Dans tous les domaines, dans tous les métiers, dans tout ce qui est difficile et qui, dès lors, a et fait valeur, il y a ceux qui conçoivent, ceux qui réalisent et ceux qui évaluent. Et il y a, en plus, l'immense cohorte des inaptes qui sont les victimes toutes désignées des marchands de facilités factices et des démagogues de l'égalitarisme.
Marc Halévy, 7 décembre 2012.