De la causalité à l'émergence
Derrière toute explication, il y a une modélisation causale, une recherche de LA cause ou, à tout le moins, du très petit nombre de causes que l'on croit suffisantes pour faire entrer le phénomène dans une logique déterministe linéaire : si ceci(s) alors cela. Or ce mode causal ne fonctionne que pour les processus les plus élémentaires qui répondent aux principes du mécanicisme. Dès lors que le processus monte dans l'échelle de la complexité, le nombre des "causes" à convoquer devient infini puisque là, tout est cause et effet de tout. Il ne s'agit plus de causalité différentielle, mais de causalité intégrale comme l'avait bien conjecturé Ernst Mach.
Dans ces conditions, l'explication par la causalité mécanique doit être abandonnée et le principe d'émergence convoqué : un phénomène local surgit du fait d'une situation locale, fruit d'une causalité intégrale qui englobe tous les phénomènes et processus de l'univers depuis le big-bang. Cette situation locale est un nœud saturé de tensions pour lequel toutes les "solutions" mécanistes sont en échec. La dissipation de ces tensions appelle des structures émergentes auto-organisées, donc non causées du dehors mais générées du dedans (ce sont les structures dissipatives de mon maître Ilya Prigogine). En conséquence, de l'explication causale des choses, faut-il passer à la présentation émergentielle du processus en décrivant la structure du nœud saturé de tensions (c'est précisément la description de la crise locale latente) et les scénarii de dissipations possibles (mais contingents, non déterministes).
Marc Halévy, janvier 2013.