Des rapports entre individus et société
Le rapport individu/société appelle quelques éléments de réflexion :
1- La politique n'a jamais fait l'Histoire ; elle court derrière pour tenter de la rattraper et de se l'approprier. C'est une illusion très française que cette idolâtrie du politique et que le culte de ses mythes (comme la révolution française, l'épopée napoléonienne, la déclaration des droits de l'homme, la grandeurs des "grands hommes" qui, de Louis XIV à De Gaulle, n'ont été que des tyrans ou des idéologues déconnectés du réel, etc …).
2- La démocratie au suffrage universel est un leurre grandiose qui, en pratique, devient toujours, naturellement, le tremplin de la tyrannie des élites démagogiques professionnelles et le lieu de tous les électoralismes, de tous les clientélismes, de tous les césarismes.
3- L'évolution de la société est le fait de l'exemplarité des individus conscients et lucides, impliqués et responsables (de l'élite aristocratique face aux élites démagogiques). Cette exemplarité joue par contagion, par osmose et capillarité, par propagation virale. Chaque individu est le centre de son monde propre, connecté à quelques dizaines ou centaines d'autres mondes, au sein de communautés de vie. C'est là que l'histoire se fait, et nulle part ailleurs (et certainement pas à l'Elysée ou à Matignon, n'en déplaise aux énarques).
4- L'avenir de l'humanité est sombre car la probabilité que les peuples et leurs dirigeants adoptent spontanément (démocratiquement) les mesures de leur survie, est infime. Force est de conclure que seule une minorité humaine (1 milliard) survivra dans cent ans. C'est le fruit de la bêtise et de la cupidité humaines (dont je ne me sens nullement solidaire). Je rejoins, sur ce plan, les thèses de l'écologie profonde qui voit, dans le genre humain, une majorité d'animaux dénaturés qui pillent, saccagent, polluent et détruisent tout, en parfaits parasites terrestres qu'ils sont. Je fais une distinction nette et claire entre les hommes dignes de ce nom (une minorité consciente de sa place et de sa mission sur Terre) et les animaux humains (une horde sauvage et méprisable, dangereuse et délétère). Mais il faut être lucide : ce sont les animaux humains qui détiennent tous les pouvoirs … sauf celui de la pensée.
5- La solidarité humaine est un leurre. Chacun n'est solidaire qu'avec ceux qui composent son propre monde, sa propre communauté de vie. Le reste de l'humanité lui est totalement indifférent, à juste titre. L'équation que nous vivons est claire, tous ceux qui vivent (donc pillent) ailleurs mettent en danger la survie future de nos petits-enfants. Je sais que je prône là l'antithèse de l'humanisme et de l'humanitarisme. J'assume. Je suis antihumaniste : l'homme n'est pas la mesure de toutes choses. Je suis intensément nietzschéen : l'homme n'a le droit de vivre qu'en assumant son destin noétique, en harmonie parfaite avec tout le reste de la biosphère sinon, il n'est qu'un prédateur haïssable. Le magnifique stoïcisme grec avait pris pour devise : "Vis en harmonie". Il ne s'agit pas d'harmonie des hommes entre eux mais d'harmonie entre l'homme (chaque homme) et la Nature.
6- La société, le contrat social (que personne n'a jamais ni lu, ni signé, n'en déplaise à cette calamité idéologique que fut Rousseau), sont de pures illusions créées de toutes pièces par des idéologues pour prendre le pouvoir sur les masses. La "société", cela n'existe pas. Il n'existe que des communautés de vie, plus ou moins intriquées.
7- L'Etat qui prétend "incarner" la société, est une pure imposture, un artefact de pouvoir au service des apprentis tyranneaux qui ne rêvent que d'asservir les communautés de vie à leur idéologie débile (de gauche comme de droite ou d'ailleurs).
8- Chaque humain est en connexion avec les autres et doit donc gérer ses relations avec ces autres. Soit cet autre fait partie de sa communauté de vie et les règles éthiques de celles-ci s'appliquent, soit il n'en fait pas partie auquel cas la plus grande distance s'impose. Le principe de frugalité s'applique aussi aux relations humaines : moins l'on en a, mieux l'on se porte. N'oublions jamais cet avis sage et profond de Blaise Pascal : "Tout le malheur de l'homme vient d'une seule chose qui est de ne pas savoir rester seul dans une chambre". Eloge de la solitude, du silence et de l'étude ! Il faut choisir ses relations avec la plus extrême circonspection et appliquer, en tout, cette idée sérieuse : ce n'est pas du boulanger dont j'ai besoin, mais de son pain - le boulanger (et son monde à lui) m'indiffère tant que son pain est bon. Dans ce type de rapports, la plus stricte courtoisie et le minimalisme relationnel s'impose … comme en tout.
9- Tous les choix de vie individuels, faits en conscience, en conformité avec l'indispensable éthique qui s'impose aux élites aristocratiques, sont nobles et admirables. Mais ils sont faits par soi et pour soi, par fidélité à des convictions personnelles et certainement pas au nom d'une quelconque morale humaine transcendante comme en rêvait Kant. Une telle morale transcendante n'existe pas. Il n'y a pas de Bien et de Mal absolus. Il n'y a que des choix personnels vers le mieux ou vers le pire. Et l'immense majorité humaine choisit systématiquement le pire, par faiblesse, par bêtise, par cupidité, par ignorance, par lâcheté. Elle ne mérite ni aucune attention, ni aucune pitié : elle aura l'avenir qu'elle encourt.
10- En substance, il n'y a que
deux postures possibles : la posture démocratique, populaire et humaniste ou la
posture aristocratique, élitaire et antihumaniste. La première est délétère et
mène toute l'humanité à la mort. La seconde est la seule viable et mène une
petite part de l'humanité à la vie (contre ou malgré le reste de l'humanité).
Et cette posture élitaire et aristocratique n'est pas que sociale. Elle est
aussi spirituelle. Elle appelle une spiritualité mystique et laisse les
religions aux masses.
Marc Halévy, 1 avril 2013.