Qui est juif ?
A cette question, la réponse rabbinique d'aujourd'hui est : est Juif tout qui est né de mère juive (c'est la transmission naturelle par le sang) ou tout qui a été dûment converti par un rabbin autorisé (c'est la transmission cultuelle par la parole).
Cette réponse est très récente. Elle est issue du Talmud c'est-à-dire de la récupération du Judaïsme par les hérétiques dissidents du Pharisaïsme après la destruction de l'orthodoxie sadducéenne et du Temple de Jérusalem entre 70 et 135 de l'ère vulgaire.
Cette règle n'existe nulle part dans la Torah. D'ailleurs, si elle avait été appliquée aux temps bibliques, David et Salomon descendants de la Moabite Ruth, n'auraient pas été juifs. Ni Abram-Abraham, ni Isaac, ni Jacob-Israël, par ailleurs.
Cette récente réponse à la question de l'appartenance au peuple d'Israël a été suscitée par le fait de la diaspora, après que les Juifs eussent été chassés de leur terre par les Romains, pour cause d'avoir refusé leur joug et leurs dieux. Mais surtout, c'est l'Eglise catholique qui, par son ostracisme envers les Juifs, a impliqué une telle loi du sang qui est étrangère à la Torah qui permettait de mettre le holà au prosélytisme juif et aux conversions vers le Judaïsme.
Dans la Torah, qu'en est-il ? Même s'il faut distinguer le cas de l'homme et de la femme, nous y reviendrons, dans les deux cas, la judéité exprime un fait spirituel, religieux et culturel : celui d'accepter et d'assumer l'Alliance du Sinaï et de vivre selon la Torah en en appliquant les six cent treize mitzwot que sont, d'après un comput lui aussi assez récent, les trois cent soixante cinq interdictions (une par jour de l'année) et les deux cent quarante huit obligations (une par organe du corps).
Accepter et assumer l'Alliance et la Torah, donc. Cette acceptation se marque différemment selon que l'on est homme ou femme. Pour l'homme, né de père juif, la marque de l'acceptation de l'Alliance est la circoncision d'Abraham, au huitième jour après la naissance. Pour la femme, quelle que soit sa naissance, elle est le mariage consacré avec un Juif circoncis.
Une fois cette Alliance prise en soi et pour soi, l'obligation s'impose de vivre selon les préceptes toraïques, au risque sinon du 'hérèm : l'expulsion hors de la famille, de la tribu et du peuple, et le retour au statut d'étranger.
Il y eut donc une bifurcation majeure, aux premiers siècles de l'ère chrétienne, et un passage d'une transmission patrilinéaire à une transmission matrilinéaire: un passage majeur d'une transmission culturelle, spirituelle et religieuse par le père (la circoncision et le respect de l'Alliance par la Torah) à une transmission naturelle par la mère (biologique et chromosomique, en somme). Voilà le fait important et dubitable dans cette bifurcation talmudique et rabbinique.
Au fond, la réponse à la question : "qui est Juif ?" revient à ceci : est Juif tout qui accepte et assume l'Alliance avec le Divin et l'ascèse de la Torah. Quant à l'orthodoxie, comme l'exige l'étymologie, elle se mesure par le niveau de profondeur de cette acceptation et de cette assomption. Le reste n'est que bureaucratie.
Marc Halévy, 9 août 2013