Violence
Constat terrible, cause du déclenchement du Déluge… : la Terre se remplira de violence.
La violence : voilà
le Mal, voilà l'abjection, voilà la cause de la corruption de tout.
Et à cette violence, il sera répondu par le Déluge, par la grande purification
par l'Eau.
La violence ('HMS) corrompt (Sh'HT) tout !
"Et YHWH regrettera comment
Il fit avec l'homme en Terre
Et Il s'attristera pour son cœur." (Gen.:6;6)
Ainsi YHWH regrette : il n'avait donc pas prévu, il ne savait pas, il n'est donc pas omniscient… La cause ignore ses effets, et les découvre a posteriori … lorsque le mal est fait.
Ce point est théologiquement essentiel : la divinité regrette donc elle ne savait pas.
Le créateur, comme tout créateur, comme tout artiste, crée sans savoir ce qu'il est en train de créer.
Les mots de
l'écriture s'enchaîne les uns aux autres et se tirent les uns les autres sans
que l'écrivain n'ait prévu chaque mot … Il a bien une idée générale, une fil
conducteur (qui parfois se brise ou se tarit ou bifurque …) mais guère plus.
Dieu est un créateur-artiste plongé dans de même processus imprévisible,
indéterminé, irréversible.
Irréversible car on peut détruire l'œuvre, la remanier, biffer, ajouter,
raturer, mais ce qui a été fait demeure sous les corrections ou parmi les
cendres.
Le tesson brisé est encore l'amphore ratée…
Par ailleurs, et ici encore le fait est d'une importance théologique
essentielle, YHWH s'afflige en son cœur : il est triste, il souffre.
Il connaît son échec et Il s'en attriste.
Souffrance divine philosophiquement incompatible avec l'impossible perfection
extra-temporelle et extra-mondaine de ce "Dieu-le-Père" inaccessible
et étranger au Monde.
Le Dieu de la Bible
juive n'est pas le Dieu de la théologie chrétienne.
Celui-ci est installé dans une transcendance absolue, hors du monde, premier
pôle du dualisme idéaliste, face au monde, à la matière et à l'homme : ce
Dieu-ci ne peut souffrir et Il sait tout (Il est mort puisque parfait).
Celui-là est vivant dans une radicale immanence au monde, à la matière et à
l'homme qui n'en sont que des émanations : ce Dieu-là souffre, crée, espère et
se trompe parfois !
Quand Nietzsche fait
dire à Zarathoustra : "Dieu est mort !", c'est du Dieu chrétien,
transcendant, parfait, immuable dont il parle ; par du Dieu vivant (qui, par
définition, vit donc ne peut être mort), créateur, artiste, immanent à tout ce
qui existe et vit.
Ce Dieu vivant-là est le Dieu de la Torah, il est Dionysos, il est Shiva.
Ce meurtre-là
pourrait échapper au concept de violence ?
Ou la violence naît-elle là sans encore avoir de nom ?
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Un texte écrit par Marc Halévy le 8 mars 2003 et mis en ligne le 25 mai 2013.