Une matrice éthique
Il est fécond de dresser une petite matrice à engendrer des idées, qui soit construite sur deux axes, l'un allant du naturel à l'artificiel, l'autre allant du nécessaire ou superflu.
La claire définition de la frontière entre le naturel et l'artificiel n'est guère aisée. Etymologiquement, est artificiel ce qui est le fruit de l'art des hommes. Mais tout ce qui est humain est alors artificiel, y compris les semailles de fleurs des champs ou la plantation d'un arbre. Se cantonner là reviendrait à opposer homme et Nature, en un dualisme ontique, stérile et mensonger, digne d'un Augustin d'Hippone ou d'un René Descartes. L'homme ne serait pas de la même nature que la Nature. Absurde !
Il faut aller plus loin. Parmi les œuvres humaines, certaines doivent être qualifiées de naturelles, d'autres, d'artificielles. Selon quel critère ? Il n'en est qu'un seul qui soit plausible et acceptable : celui de l'intention. Est naturelle toute œuvre dont le but est de servir la Nature à travers l'homme ; est artificielle toute œuvre qui a pour but de servir l'homme au mépris de la Nature.
Symétriquement, le distinguo entre le nécessaire et le superflu suit exactement la même voie : est nécessaire ce qui sert la Nature à travers l'homme, et est superflu ce qui ne sert que l'homme au mépris de la Nature.
On peut alors caser dans notre petite matrice à peu près tout ce qui fait la vie réelle et concrète de tous les jours : les besoins, les désirs, les plaisirs, les actes, les pensées, les paroles, les amours, les relations, les objets, les avoirs, les savoirs … et que sais-je encore.
Cette petite matrice offre au questionnement éthique un bien pratique outillage. Il me semble que la sagesse se définit, alors, comme le plein contentement de ce qui est naturel et nécessaire (c'est, au fond, la posture stoïcienne : ce qui sert la Nature ou le Cosmos ou Dieu - des synonymes - à travers l'homme), à l'exclusion de tout ce qui est artificiel ou superflu (ce qui ne sert que l'homme).
Ne fait sens et valeur que ce qui sert l'accomplissement cosmique !
Marc Halévy, 13 février 2014.