Heidegger et l'antisémitisme
Suite à la lecture d'un article - sur le site "massorti" - signé par Pierre Lazar (un ancien fonctionnaire banquier du FMI reconverti en "philosophe analytique") et intitulé "Heidegger et l'antisémitisme", bien des choses pourraient être dites.
Primo : Heidegger n'est pas le premier philosophe à appliquer à la lettre le "Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais".
Faut-il rappeler que : Rousseau, apôtre de la "nouvelle éducation", abandonna ses enfants à la misère ; que Voltaire, apôtre de la "nouvelle liberté", fut un lèche-botte mondain de haute volée (et un antisémite plus virulent que Heidegger) ; que Sartre, apôtre du maoïsme et de la libération, fut un collabo de Vichy (avec de Beauvoir) et un antisémite de haut vol (cfr. : "La question juive" - la cause de l'antisémitisme est les Juifs eux-mêmes !) ; que Sigmund Freud, apôtre de la psychanalyse, fut un faussaire notoire (ses "cas" de guérison sont imaginaires) en plus d'avoir été un cocaïnomane forcené (il en est mort par cancer de la mâchoire interposé) et un antisémite virulent (un Juif honteux, crachant à qui mieux mieux sur sa culture originaire) ; que Marx (encore un Juif honteux, converti au christianisme, et antisémite déclaré), apôtre de l'anticapitalisme, vécut toute sa vie aux crochets d'Engels, lui-même financé par son père banquier ; que Descartes, apôtre du rationalisme et de la hauteur de l'âme, fut un sbire mercenaire, bouffant à tous les râteliers politiques de son temps et planqué aux Pays-Bas par peur de représailles politiques ; etc …
Secundo : Martin Heidegger fut un lâche qui adhéra au mouvement nazi par peur de perdre sa chère place de professeur dans l'université allemande. On peut être très grand métaphysicien et très petit homme, attaché, comme un morpion à un pubis, à son petit confort bourgeois, à sa petite tranquillité et à sa petite notoriété opportuniste (la "gloire" de Heidegger ne date que des années 1950).
Tertio : Heidegger adhéra à l'idéologie nazie non pas du fait de l'antisémitisme (qui n'entra dans la "logique" de la "solution finale" que presque dix ans après son inscription de quelques mois comme membre du parti), mais du fait de son anticapitalisme, de son antidémocratisme, de son anti-égalitarisme (et ces trois convictions heideggériennes sont parfaitement respectables lorsqu'on voit les dégâts immenses causés, de nos jours, par le capitalisme financiariste, par le démagogisme démocratique et par l'égalitarisme castrateur et nivelant).
Le national-socialisme, il faut le rappeler sans cesse, comme le fascisme italien, est d'abord et avant tout un socialisme. Heidegger déchanta bien vite, mais resta dans le "système" nazi par opportunisme médiocre. De plus, il faut le rappeler, l'antisémitisme nazi est en phase avec le socialisme nazi : tous les socialismes et tous les communismes ont été farouchement antisémites pour deux raisons majeures : le communautarisme, l'élitisme et le particularisme juifs sont incompatibles avec l'égalitarisme socialiste, et l'image frauduleuse du Juif usurier ou banquier a alimenté tout l'imaginaire malsain de la gauche depuis le début du 19ème siècle.
l faut lire et relire le travail de Simon Epstein, "Un paradoxe français", qui montre que l'antisémitisme et le collaborationnisme français ont leurs racines à gauche, dans les mouvements socialistes et communistes, et non à droite où le moteur essentiel, tant de ses soutiens à Vichy que de la fondation de la Résistance, fut le patriotisme français, avant tout. En adhérant très tardivement à la "résistance", ces gauches ont réussi à se refaire une "virginité" (la gauche serait le dernier rempart contre les fascismes) d'autant plus facilement que De Gaulle avaient besoin d'elles pour accaparer le pouvoir.
Quarto : c'est faire peu de cas de l'intelligence des penseurs juifs, que de laisser croire, un seul instant, que son maître Husserl, sa maîtresse Hannah Arendt et ses disciples Levinas, Jonas, Marcuse, Raymond Aron, Derrida, tous juifs, aient tous été bernés par l'antisémitisme "sournois et caché" de Heidegger.
Quinto : reste les "Carnets noirs" et les indiscutables allusions clairement antisémites. Il est infantile de les nier. Il serait, en revanche, judicieux et scientifique d'en faire l'exégèse : quand, comment, pourquoi, dans quelles circonstances, face à quels événements privés ou publics, ces "Carnets noirs" ont-ils été rédigés ? Reflètent-ils des convictions profondes et durables, ou reflètent-ils des mouvements d'humeur (de toutes les façons éminemment condamnables !) ?
Sexto : le fait que Leonardo da Vinci ou Peter-Paul Rubens ne peignaient pas eux-mêmes leurs toiles, enlève-t-il quoique ce soit à la beauté de la "Joconde" ou de la "Nuit scène", et au génie grandiose de ces maîtres des arts qui ont fait école, imposé un style, inventé des techniques, pensé des thématiques ? C'est l'œuvre qui compte et non l'homme. C'est la grandeur de l'œuvre de Heidegger qui compte et non la petitesse du bonhomme.
Marc Halévy, février 2017