La violence et les guerres de demain
Les chiffres réels sont en totale discordance avec les discours politiques et médiatiques, et avec l'émotion et le ressenti de l'homme de la rue : la sale violence physique recule au grand galop !
La violence criminelle (500.000 victimes dans le monde en 2012 sur 56 millions de décès) fait quatre fois plus de morts que la violence militaire (120.000 morts en 2012). Alors que le suicide fait 800.000 victimes et le diabète en fait 1,5 millions du fait, essentiellement, de la malbouffe à la manière américaine. En 2010, le terrorisme a fait 7.697 victimes (et la majorité dans des pays du tiers-monde), ce qui est, à la fois, terrible et dérisoire. La lutte antiterroriste coûte un pont d'or aux contribuables, alors que la lutte contre la malbouffe (cause du diabète de plus en plus précoce), contre la pollution (cause évidente de la montée des cancers et des allergies graves) et contre les émissions de gaz carbonique (cause du dérèglement climatique et des catastrophes "naturelles") bénéficie de budgets ridicules (les lobbies financiaro-industriels veillent au grain).
En résumé : la violence matérielle est en train de se périphériser partout dans le monde.
Un chiffre résume tout : la "grande guerre " de 14-18 a fait 40 millions de tués par violence militaire alors qu'au même moment, la pandémie de grippe espagnole faisait pas loin de 100 millions de victimes en Europe.
Le terrorisme islamiste - bien lié à l'idéologie guerrière du Coran - est le plus typique des faux problèmes. Il est évident que ce terrorisme "viral et amateur" à low cost est répugnant et révoltant, et que chacune de ses victimes est un sacrilège innommable. Mais laissons là les émotions et regardons les choses avec recul. Le nombre de ses victimes en Europe est infime, largement inférieur aux décès sur la route ou dus aux erreurs médicales. Ce si faible nombre est complètement disproportionné vis-à-vis des "moyens de lutte" que les Etats lui opposent. Sans parler du fait que cette disproportion induit une suspicion qui fait de chaque musulman paisible un terroriste en puissance, elle amplifie surtout l'attrait de l'acte terroriste pour ces crétins ignares et psychotiques qui fleurissent dans nos banlieues. Plus les médias et les politiques en parlent, plus ils ont envie d'être le héros de la "prochaine". C'est notre appétit pour le sensationnalisme qui ensemence le terrorisme. Il suffit de ne plus en parler (comme on ne parle pas des morts sur la route, ou par diabète et cancer) pour que la veine terroriste se tarisse illico : ce sont les médias qui sont responsables du terrorisme !
Comme le martelait mon ex-patron, Ytz'haq Rabin, le conflit entre l'Etat d'Israël et des Palestiniens aurait été pacifiquement résolu depuis longtemps si les médias internationaux ne s'en étaient pas mêlés. Cette conviction lui a coûté le vie, à lui, prix Nobel de la Paix.
Les guerres militaires qui sont matérielles et physiques, visent les ressources matérielles et physiques, et se concentrent, sous nos yeux, là où se situent les plus rares et stratégiques d'entre elles : en Afrique pour les minerais et en Islamie pour le pétrole.
Or la connaissance et l'intelligence sont devenues la ressource économique primordiale (nous sommes entrés dans l'ère noétique), donc les guerres militaires s'effacent devant d'autres types de guerre non moins terribles …, les guerres de demain seront immatérielles et viseront à voler ou piller des connaissances et des intelligences.
Le discours (la guerre des discours avec les fausses nouvelles, le primat des émotions et la manipulation généralisée) et l'idéologie (la guerre des idéologies, non plus politiques - elles sont obsolètes et désuètes -, mais spirituelles - quel sens et valeur donner à l'humanité ?) seront - sont déjà - les vrais champs de bataille.
Les cinq camps idéologiques
Pour faire simple, aujourd'hui, cinq camps s'opposent à l'échelle mondiale (les frontières nationales, depuis longtemps, n'ont plus ni sens, ni utilité : ce sont des passoires tant pour les hommes migrants que pour les informations, surtout sensationnalistes et émotionnelles).
Ces cinq camps idéologiques émergent de la situation socioéconomique mondiale telle qu'elle se présente irréversiblement à savoir que l'ère de l'abondance financiaro-industrielle est révolue et que les technologies n'y changeront rien !
Face à cette donnée, cinq attitudes sont possibles, selon le schéma bien connu du "deuil" tel que découvert par Elisabeth Kübler-Ross.
Premier camp : celui du déni qui refuse le constat de l'entrée en pénurie, qui croit, malgré les évidences scientifiques, à la possibilité des "miracles" technologiques et qui veut continuer comme avant, dans le pillage des ressources et la folie de l'hyperconsommation.
Deuxième camp : celui de la vengeance : la pénurie est là, et il faut en trouver les coupables (l'Occident en général et surtout les Américains en particulier) et les châtier (c'est en gros la position des islamistes et des tiers-mondistes).
Troisième camp : celui de la négociation : comment faire pour éviter le pire et se donner du bois de rallonge : c'est le camp de "la transition énergétique", du "commerce équitable", de "l'agriculture raisonnée ou bio" et autre "développement durable" … il n'y a pas, il n'y aura jamais de développement durable. Il n'y a aucun autre choix que de réduire la consommation humaine globale en jouant sur les deux seuls paramètres disponibles : le nombre d'humains sur Terre (c'est la réduction démographique) et la consommation individuelle (c'est le principe généralisé de frugalité).
Quatrième camp : celui du désespoir : "Tout est fichu ; nous courons dans le mur, emprisonnés dans un train fou ; nous sommes sur une voie suicidaire ; bientôt l'humanité disparaîtra ; qu'importe alors ce que l'on pense, dit ou fait : les jeux sont faits !".
Cinquième camp : celui de la sublimation : il existe une autre façon de vivre, une autre manière de mener sa vie et de lui donner sens et valeur, loin de la consommation matérielle, dans une quête sereine et intérieure de la joie de vivre, de la félicité pauvre, du bonheur d'être au monde et dans le monde, dans le sens d'un accomplissement spirituel tranquille et plein.
Cinq camps s'affrontent sur les champs de bataille de demain.
Aujourd'hui, l'armée du déni est incontestablement la plus forte et la plus présente sur le terrain. Les mythologies californiennes, dont le ridicule mythe transhumaniste et l'imposture de "l'Intelligence artificielle", en sont le fer de lance. Cette armée du déni, avec le big-data, a déjà conquis la majorité des territoires de la Toile : vendre toujours plus, à plus de monde, plus de produits de plus en plus inutiles.
L'armée de la vengeance (en gros : les terroristes) ne représente rien en nombre et en capacité de nuisance et de destruction réelles, mais, par médias irresponsables interposés, elle voit sa petite voix fluette et ridicule diaboliquement amplifiée. Cette armée-là, quelque faiblarde et lâche soit-elle, fait beaucoup de dégâts moraux et affectifs, et détournent trop de monde des voies de la sublimation.
L'armée de la négociation est idéologiquement dominante en Europe, mais peu présente ailleurs. On y voit se promouvoir l'idolâtrie technologique : la technologie y est hissée au rang messianique. La démence démographique et la pénurie des ressources y sont occultées : "Tout ira bien car nos ingénieurs et techniciens veillent; vous verrez, bientôt, on (?) sera capable de faire quelque chose avec rien [au mépris total des premières et incontournables lois de la physique] ; nous allons tous faire un gros effort et ce sera payant ; on va mettre des éoliennes à rendement négatif partout, on circulera en voiture électrique [|tiens, au fait, comment on va la produire cette électricité ?] ; etc …".
L'armée du désespoir, elle, recrute de plus en plus jeune ; de ces jeunes qui fuient le monde réel dans les mondes virtuels des fausses amitiés, des faux sentiments, des fausses histoires, des fausses mythologies, des faux héros, de la fausse poésie et de la fausse musique. Ils ont leurs Savonarole et leur Raskolnikov …
L'armée de la sublimation est sans doute, aujourd'hui, la plus faible, la moins médiatisée, la plus élitaire (l'intelligence et la conscience ne sont guère prisées des masses) ; elle est pourtant la seule voie vers un monde de Vie (et d'Esprit) pour le futur. Elle n'a pas beaucoup d'armes de conviction massive puisqu'elle prêche pour l'intériorité, pour l'être et le devenir en lieu et place de l'avoir et du paraître, pour la joie au-delà des plaisirs, pour la spiritualité au-delà des matérialités, pour l'ascèse quotidienne simple et heureuse, pour la frugalité en tout, pour la fin des villes et le retour à la terre, pour la sédentarité, etc …
Quoiqu'il en soit, telles sont les armées des guerres de demain. Les batailles seront rudes - elles le sont déjà sur le terrain international des monnaies de référence, par exemple - et il y a aura des "dégâts collatéraux" aussi monstrueux que tragiques … mais discrets, ne heurtant pas ou peu la sensibilité émotionnelle des masses.
La violence physique, comme le choléra, la peste, la tuberculose ou la variole, sera - est déjà - largement éradiquée - un "vaccin" efficace est d'ores et déjà attendu et bienvenu. Cependant, elle sera - est déjà - remplacée par d'autres types de violence, moins sanglants, sans doute, mais tout aussi dramatiques.
Se coaliser et se mobiliser contre les violences d'hier (le terrorisme, par exemple) est la bonne manière de ne pas vouloir voir, comprendre et combattre l'émergence des violences de demain.
Marc Halévy, 9/9/2017