Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

L'inégalité...

Les "forts" et les "faibles" : sur les voies de Nietzsche …

La philosophe socialisante, Catherine Kintzler, écrit ceci (magazine "Philosophie" n° 09521) :

"Qu'est-ce que l'inégalité ? C'est une dissymétrie susceptible de produire une dépendance pour celui qui en est la victime."

Le définition est subtile et échappe - enfin - aux simplismes des sempiternelles niaiseries égalitaires et égalitaristes. C'est le mot "dépendance" qui est central : l'inégalité vraie engendre une dépendance du disons "faible" (celui qui a besoin d'un autre pour faire ce qu'il doit faire ou ce qu'il désire faire) vis-à-vis du "fort" (celui qui n'a besoin de personne pour son action ou son projet).

Mais l'inopportun mot "victime" (socialisme de l'auteur oblige) affaiblit et ternit la subtilité de la définition car il sous-entend que la dépendance dont il s'agit, serait le fait du "fort", ce qui est bien rarement le cas. Dans la plupart des cas, la faiblesse trouve sa cause profonde chez le "faible" lui-même, dans sa génétique, dans sa débilité de caractère, dans la médiocrité de ses talents, dans sa paresse, dans son imbécillité, dans son ignorance, etc. …

Il faut donc impérativement distinguer les dépendances et inégalités intrinsèques (liées à la réalité du "faible" lui-même - de loin les plus fréquentes) et les dépendances et inégalités extrinsèques (liées à l'oppression d'un fort).

Tout le problème de l'inégalité alors vient du fait qu'un "faible" refuse toujours de reconnaître que sa faiblesse est intrinsèque et qu'elle est constitutive de son être sans que quiconque d'autre ne puisse en être tenu responsable ; un "faible" pense toujours que sa faiblesse vient du fait qu'il est "victime" de la force d'un autre : l'oppresseur. Il dévoie alors son énergie et, plutôt, que de la consacrer à se renforcer lui-même, il s'éreinte, par le ressentiment, l'envie, la contestation ou la coalition avec d'autres "faibles", à combattre ce supposé "oppresseur" qui, par essence, s'il est réellement "fort" - et non un bouc émissaire désigné -, se fiche comme d'une guigne de la faiblesse du "faible".

Et puisque la "force" revient à n'avoir besoin de personne pour faire ce que l'on doit faire ou ce que l'on désire faire, il y a diverses manières de devenir "fort", notamment en n'ayant ni devoir, ni désir.

Deux formes de "force" apparaissent donc : la "force" par le vide intérieur (ni devoir, ni désir) et la "force" par la puissance intérieure (développer ses talents et ses virtuosités personnelles pour les mettre au service d'un principe supérieur).

Alors surgit un troisième larron : le "démagogue" qui est un faux "fort" et qui, au nom de la lutte collective contre des "oppresseurs" imaginaires, s'appuie sur les ressentiments des "faibles", pour se doter d'un pouvoir qui lui donne l'illusion de la force, mais qui ignore que le besoin de pouvoir est une terrible faiblesse.

Ainsi se met en place une typologie utile en sept profils :

  • Les aristocrates : les vrais forts au service d'un principe supérieur,
  • Les libertaires : les vrais forts par le vide, sans devoir ni désir.
  • Les oppresseurs : les vrais forts qui exploitent la faiblesse des faibles.
  • Les démagogues : les faux forts coalisants, avides de pouvoir.
  • Les vindicatifs : les vrais faibles hargneux, rongés de ressentiment.
  • Les parasites : les vrais faibles qui font commerce de leurs faiblesses.
  • Les résignés : les vrais faibles qui se savent esclaves de leur faiblesse.

J'ai la faiblesse de croire que cette typologie possède une vraie force pratique pour comprendre et piloter nos relations aux "autres".

Marc Halévy, décembre 2017.