Contre l'athéisme ambiant
L'athéisme contemporain est une bien curieuse religion puisqu'elle dénonce, tout à la fois, l'existence d'un Dieu personnel (antithéisme que je partage), l'influence perverse des croyances religieuses (anti-religion), des institutions religieuses (laïcisme) et sacerdotales (anticléricalisme).
Ce qui est curieux, c'est que, ce faisant, l'athéisme militant se nie lui-même et oublie qu'il est croyance, qu'il a ses institutions idéologiques et ses clergés laïques.
L'athéisme, aujourd'hui, est une religion idéologique et une idéologie religieuse totalement incohérentes (ce que n'est pas l'antithéisme qui est une véritable position métaphysique).
Si l'on veut réhabiliter l'athéisme au rang des postures métaphysiques cohérentes et respectables (ce qu'il n'est plus depuis le temps de "Lumières" comme d'Holbach ou autres), il convient de le redéfinir comme la négation radicale de tout principe de cohérence dans le Réel. Dans ces conditions, et dans ces conditions seulement, l'athéisme a encore un sens qui va plus loin que l'antithéisme et pointe un nihilisme absolu.
Dès lors que l'on affirme l'existence d'un tel principe de cohérence au sein du Réel, on quitte l'athéisme à la recherche d'un vocable pour nommer ce principe : l'Un, le Divin, le Logos, le Brahman, le Tao, etc … Là commence toute spiritualité authentique !
Spiritualité et athéisme sont antithétiques, antinomiques et antonymiques : il ne peut pas y avoir de "spiritualité athée" contrairement à ce qu'ont affirmé certains "professeurs de philosophie" (Ferry, Comte-Sponville, Onfray) ; il s'agit d'un oxymore. En revanche, une spiritualité antithéiste est parfaitement concevable et constitue même, vraisemblablement, la voie royale de la religiosité de demain..
La question centrale est celle de la raison d'exister de tout ce qui existe, nous compris. La question est généalogique : "pourquoi ?" et téléologique "pour quoi ?" (qui sont, au fond, une seule et même question).
Si ces questions n'ont pas de réponse possible, alors la voie du nihilisme et du suicide collectif s'ouvre en grand, comme à notre époque.
En revanche, si cette raison d'exister est bel et bien plausible, elle ouvre la voie à la Foi et à la quête mystique et spirituelle. Cette raison d'exister fonde une rationalité cosmique. Cette raison d'exister fonde une éthique par le simple fait qu'exister implique de se mettre au service de sa propre raison d'exister, de remplir sa mission, d'accomplir sa vocation. Alors toute l'existence devient cohérente et prend sens et valeur.
Ensuite peut apparaître le dense écheveau des fils que cette Foi dévide en se déclinant, en se développant, en s'affirmant, en se transmettant, en s'approfondissant, en se déployant. De là naissent les diverses traditions spirituelles et les diverses sensibilités religieuses. Mais tout cela est assez subsidiaire, en somme.
L'essentiel, pour notre époque spécialement, c'est de dénoncer le nihilisme et l'athéisme ambiants, et d'affirmer que tout ce qui existe a une bonne raison d'exister et qu'il faut la chercher sans faillir.
Marc HALEVY, 4/2018