Deux catégories d'entreprises
Nous vivons une mutation paradigmatique qui donne deux catégories d'entreprises : les entreprises de l'ancien monde (ma "courbe rouge") et les entreprises du nouveau monde (ma "courbe verte").
Le livre "La Comédie (in)humaine" de mes amis Nicolas Bouzou et Julia de Funès, décrit parfaitement les entreprises de la courbe rouge (souvent grandes, lourdes, hiérarchiques, bureaucratiques, absurdes, kafkaïennes, etc … fonctionnant sur le modèle classique financiariste américain). En face, les entreprises de la courbe verte ne fonctionnent pas comme ça.
Le vrai problème d'aujourd'hui est celui-ci : les entreprises qui resteront sur la "courbe rouge" vont disparaître (comme les dinosaures à la fin du jurassique) si elles ne basculent pas dans l'autre modèle. C'est cela la "crise" (du verbe grec kritein : trier, tamiser, ne laisser passer que ce qui satisfait à certains "critères").
Il y a, aujourd'hui, une fuite en avant dans le ludique, dans le youkaïdi-youkaïda managérial où l'on joue puérilement à des jeux abêtissants, infantilisants, où l'émotionnel de base prend la place de l'intelligence, où les "coaches" (vous savez ces incompétents qui jouent aux psys) se prennent pour des sages.
Je sors de la convention nationale d'un gros réseau de cadres, à Carcassonne. C'était la caricature de ce que mes deux amis décrivent dans leur livre : des shows et discours illuminés de jeunes startupers devant 1500 cadres salariés pour les faire rêver d'entrepreneuriat, des papouilles collectives coordonnées, de l'émotionnel ras-des-pâquerettes, des séances "méditatives" à la noix, de la sensiblerie infantile, des "échanges" d'un vide abyssal, de la puérile "fête" fusionnelle, de la fausse communion extatique, …
Ce qui est lénifiant et cucul, ce ne sont, en général, pas les membres (ils viennent surtout pour rencontrer des experts et pour se retrouver entre eux à faire quelque chose d'intelligent ou de sympathique, en toute amitié), mais c'est "l'appareil" salarié parisien qui est sensible aux "modes" managériales exotiques et aux "consultants" venus d'ailleurs.
De plus en plus, cela sombre dans le "développement personnel" et le syndrome "coach" (made in Québec ou Finlande : c'est la mode). C'est triste.
Tout cela est navrant et cause de gros dégâts car le temps perdu à "se distraire" avec toutes ces fadaises n'est pas consacré à l'indispensable révolution managériale interne pour faire basculer les entreprises dans le nouveau paradigme.
Marc HALEVY, 13/10/2018