A propos d'indifférencialisme (En suivant Carlo Strenger)
Quand donc comprendra-t-on que le socialisme est populiste et que le populisme est socialiste. Les partis socialistes se sont vidés au profit des partis populistes, mais le fond reste le même : au-delà des étiquettes de "gauche" et de "droite", dont elle se fiche éperdument (et qui ne signifie plus rien, si elles ont un jour signifié quelque chose), au-delà du clivage factice entre internationalisme ou nationalisme, la populace - qui se fiche du monde entier et qui n'a d'intérêt que pour son nombril - va là où on lui promet la "lutte finale" contre la paupérisation et l'insécurisation.
Ses seuls slogans : assouvissement et amusement, c'est-à-dire "du pain et des jeux".
Les deux grandes peurs des médiocres : l'insécurisation et la paupérisation !
Le slogan : "Repu tranquille". Soit !
Mais il y a un prix à payer pour cela … et ces mêmes médiocres ne sont absolument pas prêts à le payer. Quelqu'un d'autre doit payer leur repos et leur réplétion à leur place : l'Etat, l'Europe, les "riches", les entreprises, … tout qui l'on veut, sauf eux-mêmes !
On fait procès à la culture européenne, exportée un peu partout, d'avoir organisé systématiquement l'oppression de la femme, du métèque et de l'homosexuel.
Ce procès a démarré en France avec Sartre, Althusser, Derrida et Foucault, et a fait florès sur les campus américains dits "de gauche", avant de revenir, comme la peste, en Europe.
Cette peste est la suite logique du luminarisme[1], du révolutionnarisme, du progressisme, du socialisme, du communisme, du maoïsme, du gauchisme …
Quels sont les sources profondes de cette haine de la civilisation helléno-judéo-chrétienne ?
D'abord, son succès qui rend jaloux tous les ratés de l'histoire …
Ensuite, le ressentiment de tous ceux qui sont restés derrière ou sur le côté …
Enfin et surtout, le fait que l'égalité des sexes, la tolérance culturelle et l'indifférence sexuelle soient son fait à elle, et qu'elle n'existe nulle part ailleurs !
Quand on voit une femme musulmane, battue et violentée, portant le voile, en train de hurler sa haine de l'occident, on comprend vite que c'est contre sa propre médiocrité qu'elle hurle !
Qu'elle retourne donc dans sa généalogie à elle où l'on pratique assidument la misogynie active, l'intolérance religieuse, les châtiments corporels, le patriarcat absolu, l'analphabétisme voulu, la haine des différences, la cruauté sociale et le despotisme primaire, alors elle verra son malheur de près !
La liberté - même partielle - n'est accessible qu'à ceux qui ont parcouru, avec succès, un long chemin intérieur.
Les autres sont des esclaves, d'eux-mêmes d'abord, puis des autres et du monde humain.
La liberté se mérite !
L'indifférentisme est l'expression la plus triviale du nihilisme du 20ème siècle (que certains appelle postmoderniste pour exprimer que ce siècle fut celui de l'effondrement de la modernité et la fin de la déconstruction de l'ère christiano-idéaliste).
L'indifférentisme proclame que tout se vaut, que rien n'est vraiment vrai ou beau ou bon ou bien ou sacré …
On a confondu cet indifférentisme du "tout se vaut", avec la tolérance du "dis, pense et fais ce que tu veux pour toi". C'est le relativisme du "pour toi" qui fait toute la différence.
Le ferment insidieux de l'indifférentisme et du nihilisme, est l'universalisme c'est-à-dire l'interdiction d'affirmer sa différence, de combattre l'uniformité et le conformisme, de refuser de se laisser noyer dans ce brouet appelé "humanité".
La tolérance, c'est l'exigence de l'esprit critique.
L'indifférentisme, c'est l'interdiction de toute critique.
Cette interdiction fonde le "politiquement correct" et prépare la dictature du "tout se vaut".
De Carlo Strenger :
"Le principe de critique universelle fut remplacé par celui du respect universel."
Derrière le postmodernisme nihiliste et indifférentiste, dernier bastion de l'égalitarisme délétère du socialisme et du populisme, il y a clairement une condamnation sans appel de toute forme d'élitisme et d'élitarisme, un rejet de toute forme de hiérarchisation, d'ordre, de structuration, etc …
On ne veut rien de tout cela : tout se vaut. Rien n'est ni supérieur ni inférieur à rien. Tout est égal.
Et si tout est égal (indifférencialisme), alors tout m'est égal (indifférentisme). Tout cela débouche sur un je-m'en-foutisme généralisé, accompagné d'un refus radical de toute forme d'autorité (j'écris bien "autorité" et non "pouvoir") spirituelle, intellectuelle, morale, scientifique, académique, politique, juridique, …
Et puisqu'il ne peut plus y avoir d'autorité, par exemple intellectuelle ou scientifique, et que tout se vaut, ouvrons bien grandes les vannes à tous les complotismes, à tous les charlatanismes, à tous les genrismes, à tous les rétro-activismes, à tous les imposteurs, gourous, démagogues, chamanes et autres rastaquouères de tous poils.
Lorsque les convictions et les croyances priment la connaissance, le chaos n'est plus très loin.
La rupture paradigmatique que nous vivons, est une émergence, donc un saut de complexité.
Aujourd'hui, ce saut est d'autant plus énorme que nous vivons, en même temps, l'effondrement de l'ère christiano-idéaliste (de 400 à 2050) et du paradigme moderne (de 1500 à 2050) qui est la phase de déconstruction de ladite ère.
De plus, il est probable qui nous vivons aussi la fin du cycle "éleveur-agriculteur" qui avait commencé au néolithique et qui avait remplacé le cycle "chasseur-cueilleur".
Bref : le cumul de ces trois niveaux de rupture induit un saut de complexité colossal.
Cela signifie que le pourcentage de la population humaine capable de comprendre de telles complexités, est infime, avec une double conséquence :
- la plupart des "constructeurs" (décideurs politiques et économiques) qui forment les 15% de la locomotive humaine, sont déboussolés et n'ont que trois scénarii à leur disposition : le déni de réalité, la régression nostalgique ou le saut dans l'inconnu ;
- la totalité des "profiteurs" (les masses) qui formes les 85% des wagons tirés par la locomotive, se sent en grand danger (sans savoir ni de-quoi ni pour-quoi) et exige ou fait un combat désespéré contre ce qu'elle croit être une vaste logique de paupérisation et d'insécurisation.
De Carlo Strenger :
"Autant la droite que la gauche ont érigé en principe
la méfiance vis-à-vis des élites"
Ici, le mot "élites" est utilisé pour désigner les élites intellectuelles et scientifiques … et non, comme on le fait trop souvent et malheureusement en France, pour désigner les dirigeants politiques.
Donc, à droite comme à gauche, du fait de la phénoménale baisse du niveau culturel, la méfiance - voire l'hostilité - à l'égard des intellectuels ne fera que s'accroître.
La connaissance réelle est toujours honnie par ceux qui "ne veulent rien savoir" et qui sont installés dans le déni de réalité, dans le pur émotionnel, dans la certitude de leurs croyances, … si souvent renforcées par "l'opinion" de la masse des ignares, telle que véhiculée et amplifiée par les médias populaires (dont les réseaux sociaux, horrible caisse de résonance de la crétinerie humaine).
Nous sommes entré dans l'ère du ressentiment où, par un délétère effet de retournement, ce sont ceux qui réussissent qu'il faudrait haïr. Culte de la médiocrité, donc, qui ne lèse personne puisqu'on se place au niveau le plus bas.
La faiblesse est devenue une force. Ceux qui ne sont pas intelligents, n'ont plus qu'à devenir malins.
Les idées d'effort et de mérite n'ont plus cours ! Quelle dramatique erreur.
Oui, la moyenne est médiocre.
Oui, il y a des humains inférieurs à la moyenne.
Oui, il y a des humains supérieurs à la moyenne.
Oui, dans ce schéma statistique, la loi de Pareto joue à plein : c'est la loi des 20/80 qui, en matière humaine, est plutôt la loi des 15/85.
Que l'on fasse enfin taire la rengaine égalitariste.
De Carlo Strenger, encore :
"Le politiquement correct doit à ses racines socialistes l'idée qu'il n'est pas acceptable qu'on puisse être doué (…) et que ce talent puisse engendrer des avantages (…)."
De là, une belle définition du socialisme comme refus de la réalité des gaussiennes.
Socialisme (ou gauchisme) = anti-gaussianisme !
Déni de réalité, donc : la réalité n'étant pas acceptable, vivons dans la rêverie idéalisante (idéale pour qui ?).
D'après Carlo Strenger, le philosophisme du 18ème siècle a été l'instigateur d'une anthropologie fondée sur le fait que chaque homme dispose de par sa naissance des mêmes droits fondamentaux :
- le droit au libre développement de sa personnalité,
- le droit à l'intégrité physique,
- la liberté d'opinion,
- la dignité humaine,
- l'égalité des chances,
- l'abolition de tout privilège,
- etc …
Il est évident que cette anthropologie concerne sans doute un homme idéal naissant avec tous les talents et toutes les énergies de la volonté, mais ne concerne aucunement les larves humaines dont nous sommes cernés.
De plus, cette anthropologie a dérivé, progressivement, vers un égalitarisme morbide d'où tout effort et tout mérite ont été éliminés et qui vise à éradiquer toutes les différences et toutes les évaluations au nom du "tout se vaut", au nom d'un idéal et d'une idéologie de l'indifférenciation.
Et notre auteur ajoute :
"L'analyse nietzschéenne du ressentiment garde ici toute sa pertinence : si au lieu de circonscrire le ressentiment on le transforme en vertu, il faut se préparer à en payer le prix fort. Il en résulte une culture du plus petit dénominateur commun, où tout ce qui pourrait exclure quelqu'un est interdit."
C'est cette culture que les maudits "philosophes" gauchistes français de l'après-guerre (Sartre, Beauvoir, Althusser, Derrida, Foucault, Merleau-Ponty, …) ont exporté aux USA et que les campus américains nous renvoie aujourd'hui (bien simplifié et bien radicalisé) : la culture de la non-différence. Il n'y a plus ni homme ni femme, ni Noirs ni Blancs, ni hétérosexuels ni homosexuels, ni musulmans ni non musulmans, ni catholiques ni non catholiques.
Il reste cependant des Juifs honnis de tous et des Palestiniens plaints de tous ; et il reste encore les Blancs anciens colonisateurs et les autres, éternelles victimes de ladite colonisation réinventée ; et il reste aussi des mâles patriarcaux et des femelles éternellement harcelées et violées.
Cette idéologie de la non-différence et de l'uniformisation est une grande victoire de l'entropie, bien plus puissante encore, pour la dégénérescence et l'effondrement de l'humanité, que la pénurie des ressources et le dérèglement climatique.
Toutes les pommes sont différentes et aucune ne peut être déclarée l'égale d'une autre, quelle qu'elle soit. Certaines sont délicieuses, d'autres insipides. Certaines sont croquantes, d'autres farineuses. Certaines sont juteuses, d'autres sèches. Certaines sont rouges carmins, d'autres jaunes dorées. Certaines sont grosses, d'autres petites. Certaines sont fondantes, d'autres dures. Certaines sont à croquer, d'autres à faire du cidre et du calvados.
Rien n'est jamais l'égal de rien. Tout est différent. Et chaque critère d'évaluation établit ses hiérarchies.
Il en va de même des humains : aucun n'est l'égal d'aucun et tous sont différents. Et selon le critère d'utilité ou d'efficience que l'on utilise, les humains sont hiérarchisés en supérieurs et inférieurs.
L'indifférencialisme exigé par les rétro-activismes, n'en est pas vraiment un puisqu'il prône un égalitarisme sélectif et rejette vigoureusement de son idéal égalitariste le Blanc mâle hétérosexuel, de culture judéo-chrétienne, descendant des colons des siècles passés.
Tous les humains sont égaux et indifférenciés pourvu qu'ils soient dans le camp, bien prédéfini, des "victimes" présupposées : femmes, Noirs, musulmans, homosexuels et autres LGTB, … ou encore ignorants, crétins, fainéants, assistés, … mais aussi gauchistes, marxistes, syndicalistes, chômeurs, "gilets jaunes", "black blocks", etc …
Face aux "victimes", il y a les "oppresseurs" qui, pour leur immense majorité, n'ont jamais opprimé personne et tâchent, autant que faire se peut, de mener une vie de travail zélé, dédié à leur famille et à son bien-être.
Il est devenu difficile, pour la majorité, de reconnaître quelqu'un comme supérieur et admirable. C'est la conséquence du nombrilisme et du narcissisme érigés en système.
Derrière ce fait, il y a un paradoxe : plus quelqu'un est inférieur en tout ou presque, plus il a difficile à accepter que quelqu'un lui soit supérieur.
Plus on tend vers zéro, plus on exige que tout le monde tende vers zéro.
Pour l'inférieur, le supérieur est une insulte, une accusation, une blessure narcissiques.
Il serait temps que la majorité reconnaisse qu'elle n'a pas la capacité de comprendre la complexité du monde réel et qu'elle doit s'en remettre à ceux qui savent.
Il faut dépasser la démocratie et instaurer une noocratie : le gouvernement par l'intelligence et la connaissance, le gouvernement par ceux qui savent.
Celles et ceux qui militent radicalement pour l'hyperféminisme, l'anti-patriarcat, la condamnation (légitime) des féminicides, des viols et des harcèlements sexuels ou séducteurs, sont les mêmes qui militent en faveur du droit au voile musulman, de la légitimité des lectures littérales du Coran ou des Palestiniens du Hamas (inféodé aux très salafistes Frères musulmans).
Il faudra qu'on m'explique … Où donc est la cohérence hors la religion des "victimismes" ?
Le principe de laïcité, tel que je le comprend et l'adopte, affirme qu'il ne peut y avoir d'autorité de quelque nature que ce soit, qui puisse imposer des croyances ou pratiques cultuelles à quiconque.
Ce principe n'exclut nullement le droit imprescriptible des personnes ou des communautés de juger ces croyances ou pratiques absolument inacceptables et condamnables.
Ainsi, pour nos cultures européennes, l'islamisme est absolument inacceptable et condamnable notamment du fait de son infériorisation des femmes, de sa pratique des châtiments corporels, de son impérialisme religieux, de son activisme terroriste, etc …
L'islam personnel, intime et intériorisé, oui ; l'islamisme communautaire, arrogant et conquérant, non !
Il est urgent que toutes les traditions spirituelles et religieuses qui s'appuient sur des textes dits sacrés, acceptent, assument et affirment, une bonne fois pour toutes, que ces textes vénérables doivent être lus et compris non comme des "vérités" littérales (qui seraient d'une bêtise et d'une nullité affligeantes au vu de toutes les connaissances positives, accumulées jusqu'à aujourd'hui), mais comme des écrits symboliques et ésotériques, invitant non pas à la croyance religieuse, mais à l'élévation spirituelle.
La seule Foi qui tienne, dit que le Réel est construit sur un principe de cohérence que les mystiques de tous les temps et de toutes les contrées ont rencontré au cours de leur ascèse et que les textes sacrés ne sont que des supports précieux pour nourrir cette Foi et cette ascension anagogique vers ce Divin.
Tout le reste n'est que croyances, c'est-à-dire superstitions et fadaises.
Une critique n'est offense que pour quelqu'un qui sait qu'il a tort !
[1] J'appelle "luminarisme" l'idéologisation du philosophisme kantien et humien revu par les obscures "Lumières" françaises.
Marc Halévy
Novembre 2019