Le Moi, le Monde, le Tout … et les autres.
Trois dimensions fondent toute méditation philosophique : le Moi, le Monde et le Tout.
Le Moi est le royaume de l'intériorité, du sujet, de l'esprit et de sa conscience (les tentatives cartésienne et kantienne, et toutes les philosophies du sujet après elles, comme le phénoménologisme ou l'existentialisme, ont espéré, en vain, éliminer la réalité du Monde (la science) et la transcendance du Tout (la métaphysique) de la perspective philosophique : échec patent !).
Le Monde est le royaume de l'extériorité, de l'objet, du corps et de ses mouvements (la réduction mécaniste en a été longtemps l'expression centrale).
Quant au Tout, il constitue la grande abstraction, inaccessible, dont le Monde et le Moi ne sont que des manifestations ; c'est évidemment autour de ce Tout que, devant les yeux de l'âme (qui ne sont ni ceux du corps, ni ceux de l'esprit), se déploient la métaphysique, l'ontologie, la mystique …
Du point de vue fondamental, ce triangle est complet et se suffit à lui-même.
Cependant, la philosophie a dépensé (perdu ?) énormément d'énergie dans un quatrième domaine : celui de l'humanité qui, bien sûr, comme tout ce qui existe, fait partie intégrante du Monde et, par ricochet du Tout, mais qui se distingue des autres étants par le fait qu'il partagerait la même intériorité que le Moi personnel, par le fait qu'il possèderait un Moi collectif dont le Moi personnel serait une émanation, une expression particulière. Si l'on accepte cette extension du Moi personnel à un Moi collectif en partage entre les humains, alors le triangle fondamental se transforme : le Monde, l'Humain et le Tout.
Le Moi, en s'étendant à l'Humain, n'est plus seulement le lieu de l'esprit et de la conscience, mais devient aussi le lieu de la morale (et du droit, de la politique, du social, du culturel, de l'esthétique, …).
Personnellement, je récuse clairement cette extension du Moi personnel à un hypothétique Moi collectif : les autres humains se placent radicalement dans mon extériorité, dans un lieu où des réflexions politiques, économiques et noétiques, esthétiques et morales peuvent être menées, mais hors du champ de la philosophie : il s'agit, alors, d'anthropologie ou de sociologie.
Il me semble essentiel d'épurer la philosophie de ces domaines bâtards qui la dissolvent dans des bains qui ne sont pas les siens. Pour le dire nettement, la morale (et moins encore le droit, etc …) n'est pas un domaine philosophique.
En revanche, l'éthique, dès lors qu'elle est personnelle et concerne le rapport évolutif et dynamique entre le Moi et le Tout (incluant, anecdotiquement, les autres humains), est pertinemment philosophique.
Le schéma ci-dessous synthétise, du point de vue du Moi, les relations qu'il entretient (ou devrait entretenir) avec, d'une part, le Monde (où se logent les autres humains) et, d'autre part, avec le Tout.
Dans les relations entre les humains, il n'y a absolument rien d'ontologique, seulement du phénoménologique. Exactement comme dans les relations avec tout le reste qui existe. Il n'y a, entre toutes ces relations, que des différences de degré, éventuellement, mais certainement pas de nature.
L'autre humain n'a absolument aucun statut particulier. Il participe, comme moi et tout ce qui existe, du même Tout qui le porte, le nourrit et lui donne sens à la condition qu'il y assume sa vocation spécifique, qu'il y réalise sa destinée.
Cela seul peut me rapprocher de lui ; mais, même alors, il ne pourra m'être plus proche que dans sa participation au Tout qui nous englobe tout deux. En tant qu'autre être humain en soi, il n'a pas plus d'importance à mes yeux que cette fourmi, cette pâquerette, ce lombric, cette pierre ou cette rivière.
Anti-humanisme radical ! Il faut abolir toutes les formes d'anthropocentrisme. Il y a l'Un qui se manifeste par de la Matière, de la Vie et de l'Esprit. Tout le reste n'est qu'anecdotique.
Marc HALEVY 16/2/2019