Pessa'h : le passage ! Passage de l'esclavage à la promesse de liberté. Changement de paradigmes
Aux yeux du pharaon, ce sont les Hébreux (les passants, les mutants) qui posent problème. Il les asservit, double leur peine et impose aux deux sages-femmes (ShFRH - la Beauté - et PWEH - la Clameur) d'en tuer tous les nouveau-nés mâles - ce qu'elles ne réussiront jamais à faire ! Le pharaon, devant son échec, donne ordre aux Egyptiens (les "bornés", les "limités", en hébreu) de noyer tous les garçons nouveau-nés.
Le pouvoir politique tente donc, en vain, de briser la fécondité des mutants en faisant appel à la séduction de l'Idéal (l'idéologie) et à la désinformation par le Discours (l'opinion médiatique).
Alors apparaît Moïse (Moshéh), frère cadet de Myriam et d'Aaron. Il est un lévite, fils d'un homme et d'une femme de la tribu de Lévy. La tribu de Lévy, la treizième tribu d'Israël, est la tribu sacerdotale, interdite de possession matérielle, dédiée exclusivement au Temple et au culte, et nourrie des offrandes sacrificielles des autres tribus. Ces sacrifices, outre l'exercice et la discipline du don, n'avait pas d'autre fonction que de nourrir les prêtres.
Moïse est recueilli et accueilli dans l'entourage du pharaon. Il y est élevé et promis à un bel avenir.
L'élite mutante est récupérée par le pouvoir politique de l'ancien paradigme.
Devenu homme, Moïse voit un Egyptien (un borné) frapper un Hébreu (un mutant), le tue et l'ensevelit dans les sables, avant de fuir loin de la ville, dans les montagnes, au pays de Madian ("juge", "jugement" - krisis en grec) où il devient pasteur de brebis, épouse la petite Oiselle, fille d'un sage (Yétro, "son jalon", surnommé Raouël : "son ami est Dieu"), bien décidé à demeurer hors du monde des bornés.
L'élite mutante rejette l'ancien paradigme et se résout à un exil de vie hors du monde ancien.
Un message divin apparaît à Moïse du milieu d'un buisson ardent, un buisson en feu qui ne se consumait pas, symbole d'une énergie d'une autre nature que l'énergie des thermiciens. Le message est clair : il faut libérer le peuple des mutants et le faire passer de l'esclavage à "un pays fertile et spacieux, dans une terre ruisselante de lait et de miel". Et surgit alors la parole métaphysique absolue : "Je deviendrai ce que je deviendrai". La marche du temps est inexorable, le destin est irréfragable, l'histoire est irréversible. La mission est donnée ; Moïse essaie de l'esquiver. En vain.
La question de revenir dans le monde pour sauver les autres mutants se pose : ceux-ci sont-ils prêts à tout quitter - leur esclavage repu et doré - pour partir vers un autre paradigme ?Le sort des bornés, lui, est scellé : ils disparaîtront.
Moïse se décide et part, béni par le sage qui lui dit : Lèkh lè-Shalom ("Va pour l'accomplissement"). Il est prévenu : la bataille sera rude car les bornés sont durs. L'alliance entre Moïse l'exilé et Aaron le prêtre resté parmi les esclaves se construit. Le peuple des mutants se laisse convaincre par trois prodiges : la verge (la punition) qui devient serpent (l'intelligence), la main lépreuse (la maladie) qui se guérit (la santé), l'eau (le minéral) qui devient sang (le vivant). Trois messages qui convergent : passer de la mort à la vie.
Le peuple des mutants doit être convaincu que le paradigme finissant conduit, inexorablement, à la mort si l'on ne le quitte pas très vite. La guerre est donc déclarée entre la minorité des mutants et la masse des esclaves et des bornés.
Moïse tente de convaincre Pharaon de laisser son peuple aller au désert quelques temps, pour rendre son culte au Divin. Pharaon répond en décuplant travail, persécution et souffrance. C'est la guerre. Cette guerre se joue entre Moïse (le pouvoir noétique) et Pharaon (le pouvoir politique). Elle se déroule en dix étapes, ponctuées, chacune, par une des dix plaies : pollutions des eaux, des sols et des airs, pandémies, épizooties, parasitoses, dérèglements climatiques, empoisonnements, invasions et mortalités infantiles.
Une séparation nette, irréconciliable et irrémédiable s'érige entre la minorité des mutants et la masse des esclaves et des bornés (Ex.:8;19).
Enfin, c'est le départ (la Pâque : le sacrifice de l'agneau qui sera rôti au feu, les pains azymes, les herbes amères, le vin - tout ce repas bien ordonné consacre le changement de vie vers la frugalité et la simplicité, vers la liberté et la responsabilité).
Les mutants ne pourront pas convaincre les bornés qui subiront toutes les conséquences de leur absurde logique de vie. L'époque sera calamiteuse. Le peuple des mutants, à l'écart des villes, sera épargné.
Sous la conduite de Moïse, les Hébreux traversent l'Egypte jusqu'à la mer des joncs. Là, les armées de pharaon tentent de les rejoindre. Moïse fait traverser la mer à son peuple. Les armées de pharaon s'y enlisent. Tout est consommé. Irréversiblement.
Mais tout est à reconstruire. Un nouveau code de vie doit être établi (ce sera le don de la Torah sur le mont du désert de Sin, commémoré par la fête de Shavouot). Puis il faudra traverser le désert, pendant quarante années, entre esclavage et liberté, entre délivrance et promesse (ces quarante années de "reconstruction" - et de rébellions et de nostalgies - sont commémorées par le fête de Soukot).
Les mutants seront pourchassés et ne se sauveront qu'en "passant définitivement de l'autre côté".
Passer de l'autre côté. En hébreu, un verbe dit tout cela : passa'h, d'où dérive le mot Pessa'h, la Pâque, le passage d'un paradigme d'esclavage et de mort à un paradigme de liberté et de vie.
Marc Halévy
Pâque 5773, 25 mars 2013.