Temporalité et atemporalité.
Pour les questions métaphysiques qui concernent la réalité dernière du Réel, il est essentiel de bien distinguer ce qui relève de la temporalité c'est-à-dire de ce qui marque l'évolution du processus cosmique et la succession de ses états, de ce qui relève de l'atemporalité (ou de l'intemporel, comme on préfère).
Il ne s'agit pas de faire de l'atemporel une "cause première" car ce serait, par axiome de son antécédence, la ramener à la temporalité. Il n'y a pas de cause première. Il y a une réalité atemporelle qui se manifeste et s'exprime selon des modalité de plus en plus complexes dans des processus évolutifs qui, nécessairement, appellent de la durée.
Mais, selon moi, il n'y a pas de scission ontique entre ces deux strates, mais bien plutôt une continuité sans faille allant du totalement atemporel au fortement temporel.
L'Intention originaire ou le Désir fondateur sont, selon moi, ce qu'il y a de plus absolument atemporel. Plus on descend le spectre de la temporalité, plus cette Intention s'incarne dans des processus de plus en plus temporalisés, de plus en plus dynamiques, de plus en plus labiles.
Les kabbalistes anciens avaient bien approché cette vision avec l'arbre séphirotique au travers duquel l'énergie divine descendait continument de la "Couronne" au "Royaume" en passant par des strates successives (le monde des émanations, le monde du formage, le monde de l'engendrement et le monde de l'action) [cfr. ma "Kabbale initiatique" paru chez Dangles].
Pour les monothéismes dualistes, l'atemporalité (Dieu et le monde céleste) et la temporalité (l'univers et les hommes) forment deux mondes étanchement séparés, l'un engendrant et ordonnant l'autre, sans être aucunement altéré par les évolutions de cet autre.
Pour le moniste que je suis, temporalité et atemporalité sont des questions de mode, mais non de nature ; l'une ne va pas sans l'autre ; il n'existe aucune séparation ou sécession entre elles, mais bien une continuité ontique absolue.
Deux remarques restent à faire …
- Primo : comme l'homme (profane) appartient pleinement au monde de la temporalité, il ne peut atteindre, en Esprit, celui de l'atemporalité.
- Secundo : la notion de temps (comme l'ont bien compris Kant et Bergson) est un paramètre purement humain, destiné à mesurer (au sens physique) ce qui change, l'ordre de succession des états successifs d'un processus. Le temps n'est pas une donnée physique, mais une mesure humaine.
Marc Halévy
Physicien, philosophe et prospectiviste
Le 31/07/2019