Cinq pistes. Cinq défis.
Comme tous les 550 ans environ, l'humanité vit une fin de cycle. Le cycle de la Modernité (qui avait succédé à celui de la féodalité de 950 à 1500, après celui de la Christianité de 400 à 950, après celui de la Romanité de -150 à 400 et celui de l'Hellénité de -700 à -150, etc …) s'effondre sous nos yeux. Parce que le cycle suivant (celui, selon moi, de Noéticité) est à peine en émergence, une période chaotique notoire (de 1990 à 2040) bouscule notre quotidien.
Face à tout cela, trois profils humains se dessinent.
- Le premier est celui des parasites : tout ira bien et tout reviendra comme avant grâce aux technologies, aux experts, aux institutions, aux assistanats … un peu de patience et faisons le gros dos quelque temps ; en attendant gavons-nous de tout ce qui nous passe dans les mains : "du pain et des jeux". Le culte du présent.
- Le second est celui des nostalgiques : tout était tellement mieux avant ; il faut rétablir les archaïques empires autoritaires féodaux comme en Russie, en Turquie, en Iran, en Chine, en Corée du Nord ; il faut combattre l'autonomie personnelle et privilégier la puissance groupale. Le culte du passé.
- Le troisième profil, minoritaire, est celui des constructeurs qui ont le culte du futur ; c'est de ceux-là dont je voudrais parler ici.
Les cinq grands axes du changement comportemental qu'exige le nouveau paradigme sont : frugalité, noéticité, réticularité, utilité et spiritualité.
Ces cinq vertus sont les réponses (et sont des défis) aux cinq grandes ruptures que nous vivons aujourd'hui et qui sont la cause de la chaotisation du monde humain et de son écosystème (les nombreuses "crises" passées, présentes et à venir, dont la pandémie actuelle).
Voyons-les systématiquement.
Le défi de la Frugalité : "moins mais mieux !".
La réponse à la rupture sur les ressources.
Le ratio des quantités de ressources disponibles par être humain ne cesse de s'effondrer. C'est proprement suicidaire. Cela rappelle l'histoire du gars qui se jette du haut de l'Empire-State-Building et qui hurle, à chaque étage : "Jusqu'ici tout va bien".
Ce ratio repose sur deux paramètres : le nombre d'humains et la consommation par humain.
Le défi de la Noéticité : intelligence, connaissance et génie humains en vedette.
La réponse à la rupture sur les activités.
La révolution numérique a déplacé copieusement le centre de gravité des activités manuelles et intellectuelles de l'humanité.
Selon diverses études, en Europe, vers 2035, 40% des emplois aujourd'hui assumés par des humains, seront assumés par des machines numériques. Et, si l'on en croit (et il faut le croire) le principe de Gabor qui dit que : "Tout ce qui est techniquement faisable, possible, sera fait un jour, tôt ou tard", tout ce qui est robotisable, sera robotisé et tout ce qui est algorithmisable, sera algorithmisé. Que cela plaise ou non.
Ce qui aura valeur, demain, ce n'est plus le labeur humain, mais le génie humain. Ce qui fait déjà et fera toujours plus valeur, ce n'est plus la sueur humaine, mais l'intelligence humaine, celle qui élabore les robots et les algorithmes, et celle qui prend en charge tout ce que les robots et algorithmes ne pourront jamais assumer : l'intuition, la volonté, le courage, l'imagination, la compassion, la tendresse, la vision (au sens du visionnaire), … et tout ce qui ne relève pas de la logique booléenne, c'est-à-dire l'essentiel de la vie.
Le défi de la Réticularité : vivent les réseaux !
La réponse à la rupture sur les modèles.
Le modèle organisationnel "naturel" des humains est la pyramide hiérarchique, normative et procédurale. Mais la mise en œuvre de ce modèle dans un monde devenu hyper-complexe, n'est globalement plus efficace parce que trop lent et trop lourd. La structure des organisations doit être enrichie : plus de relations et d'interactions entre les acteurs de façon à pouvoir répondre ou réagir très rapidement, très souplement, très réactivement, très créativement. L'adaptabilité est cruciale et antithétique face à la rigidité des pyramides.
Enrichir les modèles organisationnels, concrètement, c'est passer de la pyramide au réseau. Le réseau est une ensemble de petite entités (moins de 50 personnes par entité) autonomes (mais pas indépendantes), en forte interaction les unes avec les autres, et fédérées par un projet commun puissant et enthousiasmant.
C'est la passion de tous pour ce projet qui tient le réseau ensemble. Il faut donc y organiser la contagion passionnelle.
Le défi de l'Utilité : l'usage plutôt que la propriété !
La réponse à la rupture sur l'identité.
Notre identité collective, au niveau quasi mondial, est fondée par le modèle financiaro-industriel dont les deux piliers sont la masse et le prix (bas), et dont les conséquences sont la financiarisation (spéculative) et l'hyperconsommation. Ces deux conséquences sont délétères, l'une pour notre bonne santé économique, l'autre pour notre bonne santé mentale.
Il faut donc revenir à l'idée simple que nos bonnes santés sont primordiales et que tout l'accessoire est superflu.
Le défi de la Spiritualité : ma raison d'exister !
La réponse à la rupture sur les projets.
La Modernité était "humaniste" et a débouché, au 20ème siècle sur des nihilismes parfaitement inhumains. Lorsque l'homme est seul service de l'humain, il tourne en rond et devient fou.
La bonne santé mentale, tant personnelle que collective, exige donc de mettre l'humain au service de ce qui le dépasse. Oui, mais quoi ?
C'est à cette question que tente de répondre toute démarche spirituelle, quelle que soit sa tradition, si elle en a une.
La spiritualité revient à répondre à la question : quelle ma bonne raison d'exister, de vivre, d'agir, de travailler, de m'impliquer, de m'engager, etc … ?
Ce sera la question centrale de ce 21ème siècle. Il ne s'agit pas de se fabriquer des "idéaux" ; on a vu où conduisent les "idéaux" : à des dictatures, à des prisons et à des camps de concentration. Il est vital de se débarrasser de toute forme d'idéalisme et d'accepter et d'assumer le Réel tel qu'il est et tel qu'il va. C'est donc dans ce Réel qu'il faut aller chercher sa bonne raison de vivre pleinement.
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