Comment l'esprit vint à l'humain …
Ces deux récits se suivent et ne se ressemblent pas. Le premier se passe dans l'univers matériel et le second dans l'univers spirituel.
Le premier est cosmologique (cosmogonique, plutôt) et se termine sur l'émergence de l'humain biologique, mâle et femelle, au soir du sixième jour, juste avant le repos sabbatique.
Le second est noologique et relate "comment l'esprit vint à l'homme".
Ainsi, par exemple, le jardin d'Eden est-il le lieu de l'esprit où est placé cet "esprit" humain non encore advenu : l'humain n'est encore qu'animal à ce stade. Puis, pas à pas, se déroulera l'initiation de l'humain, l'émergence de l'esprit et de ses quatre pôles (mémoire, volonté, sensibilité, intelligence) symbolisés par les quatre fleuves qui sortent du jardin. Puis émergent les deux tensions qui animent l'esprit, symbolisés par des Arbres sacrés.
L'humain, semble-t-il, est assez tôt poussé à "nommer" les choses et les êtres ; il analyse et découpe et démonte le monde extérieur, donc.
Mais voilà que surgit, "de son côté", la conscience vivante : 'Hawah qui est la parèdre de l'esprit naissant (la personnalité, Yshah, de la personne, 'Yish). C'est elle qui va permettre à l'esprit de sortir de ses contradictions quadripolaires ; c'est elle qui va permettre la convergence des facultés mentales jusque là antagoniques et désordonnées ; c'est elle qui va assurer la cohérence globale de l'esprit.
C'est par elle, aussi, que va naître la confusion entre Vie et Connaissance.
Car en effet, le récit de l'émergence noologique de l'esprit humain se place aux confins du sixième jour … au moment de l'allumage des "deux lumières du Shabbat", symbolisées par l'Arbre de la Vie – qui est le seul à être planté "au milieu du jardin" et qui est, en fait, celui dont la conscience naissante mangera du fruit - et l'Arbre de la Connaissance bonne et mauvaise – qui est planté ailleurs et dont l'humain ne mangera pas, quoiqu'il en ait cru.
L'humain vit la Vie, mais ne connaît pas la Connaissance. Pour connaître la Connaissance, l'humain doit devenir "homme" en dépassant l'humain ; il doit sortir du jardin d'Eden qui symbolise l'innocence un peu niaise d'un esprit naissant, encore puéril et infantile.
L'esprit de l'humain est armé pour survivre, mais pas pour connaître. C'est là que commence son long cheminement qui dépassera très vite Hévèl (Abel), le pasteur, l'humain encore primitif … et devra choisir de passer soit par Qayn (Caïn), l'agriculteur, qui symbolise la voie industrieuse (il est père de tous les arts et industries, symbole de l'esprit pratique et ingénieur qui veut créé son monde artificiel), soit par Shèt (Seth) qui est la voie sacerdotale (avec son fils, 'Ênosh, "on commença à appeler au nom de YHWH").
Marc Halévy
Physicien, philosophe et prospectiviste
Le 13/10/2020