Découvrir la kabbale
Le mot hébreu Qabalah signifie "Réception" (du verbe Qibèl : "recevoir"). Et qu'y reçoit-on ? Une "caisse à outils" (qu'Abraham Aboulafia, au 13ème siècle, appela Tsérouf - ce qui "épure") pour décrypter, pour soi, le texte biblique.
La Kabbale est une voie mystique. Elle est une ascèse. Elle est une vaste discipline intellectuelle et spirituelle dont l'intention est de réaliser, pour "celui qui étudie", l'unification radicale entre le Soi et le Tout-Un.
Le texte biblique est le moyen, pour lui, d'entrer en reliance et en résonance avec l'Un (en hébreu, le Eyn-Sof, c'est-à-dire le "Sans-limite" dont le tétragramme YHWH ("Ce qui advient en devenant") n'est que la voix).
Car le kabbalisme est essentiellement un monisme ésotérique qui dépasse, mais sans s'y opposer nécessairement, le dualisme des religions exotériques et populaires qui considèrent l'opposition entre le monde naturel où les humains vivent, et le monde divin qui serait d'une autre nature.
La Kabbale ne parle pas de deux mondes, mais d'un seul : le Réel, mais dont la perception par les humains est très étagée allant de l'illusion des apparences fragmentées à la réalité profonde et unitaire.
L'herméneutique des lettres hébraïques ou le symbolisme de l'Arbre de Vie (et de ses dix "figures" - séphirot en hébreu), ne sont que deux des très multiples méthodes utilisées par les kabbalistes pour atteindre leur but.
Quel est ce but, depuis près de deux mille ans ? Réaliser l'Alliance entre le Ciel et la Terre, entre le Divin et l'humain. Accomplir l'épiphanie radicale.
La Kabbale est la tradition mystique et ésotérique propre à la culture juive. Son principe est de partir du texte biblique (les quatre premiers chapitres de la Genèse, le Buisson Ardent, le Décalogue, la Tente de la Rencontre, le Cantique des cantiques, la vision du Char d'Ezéchiel, etc …) afin d'en découvrir le "sens profond" pour soi ; le but n'est pas de comprendre ce que ces textes disent en vérité absolue, mais bien d'entendre ce qu'ils me disent à moi sur mon chemin de spiritualisation, de sacralisation, de sanctification et de divinisation.
Il s'agit d'atteindre la transcendance c'est-à-dire la vision du Tout-Un qui est au-delà de toutes les lettres, de tous les mots, de tous les concepts humains.
Pour reprendre un mot de Nietzsche, le but du kabbaliste est d'atteindre le Surhumain, tout au-delà de l'humain somme toute assez insignifiant et anecdotique.
Que la Kabbale puisse intéresser les scientifiques et les philosophes, je vais m'en expliquer. En revanche, en ce qui concerne les "stars de la pop", il faut dénoncer fermement la supercherie et la fumisterie "new-age" du faux et feu "rabbin" Philip Berg en Californie (qui semble fasciner cette idiote de Madonna et son brin de laine rouge au poignet) ; ce bonhomme, ancien vendeur de polices d'assurance, n'a aucune compétence kabbalistique.
Quant à l'intérêt que portent certains philosophes et scientifiques à la Kabbale, il vient du fait que l'intention kabbalistique est de comprendre la logicité (la "Loi") qui gouverne le Réel dans sa totalité, Réel qui est totalement dans le Divin, lui-même présent en tout, à la fois fondement du Tout et enveloppe du Tout. La Kabbale est un panenthéisme où se retrouvent, totalement, à la fois, la philosophie de Spinoza et la cosmologie d'Einstein.
Que dit cette logicité cosmique et divine (le Divin, le Réel, l'Univers, la Nature, le Cosmos, c'est tout un) ?
- Que tout ce qui existe, émane du Réel-Divin comme les vagues à la surface de l'océan.
- Que rien n'est séparé de rien puisque tout manifeste l'Unité absolue du Réel-Divin.
- Que le Réel-Divin est cohérent c'est-à-dire rationnel.
- Que cette rationalité est celle que souhaitent découvrir les métaphysiciens et les physiciens.
- Qu'il n'y a donc jamais de "miracles" sauf dans l'imaginaire humain.
- Que le Réel-Divin est tout entier soumis à l'intention de s'accomplir en plénitude et que tout ce qui existe, n'existe que pour contribuer à cet accomplissement.
- Que les notions d'immortalité de l'âme ou de vie après la mort n'ont aucun sens.
- Qu'en revanche, le kabbaliste, en fusionnant avec le Réel-Divin, peut atteindre l'intemporalité dans sa propre vie.
- Que le Réel Divin se révèle à l'humain sous trois hypostases complémentaires : la Matière, la Vie et l'Esprit.
- Que ce n'est pas moi qui existe, vis et pense, mais que c'est la Matière qui s'incorpore à travers moi, que c'est la Vie qui se vit à travers moi, et que c'est l'Esprit qui se pense à travers moi.
La Kabbale est suprahumaine et ne se préoccupe guère des démangeaisons humaines, par exemple de l'opposition supposée entre les hommes et les femmes. Son problème, c'est le Divin et non l'humain. L'humain y est anecdotique.
En revanche, la Kabbale perçoit clairement les bipolarités qui sont le moteur de la Vie (et, s'il le faut, on pourrait alors parler, entre autres, d'un pôle féminin et d'un pôle masculin, comme on parle d'un pôle de "miséricorde" et d'un pôle de "rigueur", d'un pôle divin global et d'un pôle humain local, etc …).
Mais ces bipolarités doivent être dépassées par un travail dialectique (au sens de Hegel).
Toute bipolarité pose des différences entre ses pôles. Et ces différences doivent être vues comme une immense richesse, comme la source de belles complémentarités. Parce qu'elle uniformise tout, l'égalité tue les différences qui sont le moteur de la Vie.
La Kabbale veut bien considérer le pôle masculin et le pôle féminin, mais à la condition qu'ils se transcendent dans une fusion unitive supérieur : le couple. C'est le couple qui est porteur de Vie nouvelle, de Vie renouvelée, de Vie transmise, de Vie continuée.
Il y a souvent une confusion gênante entre plusieurs concepts étrangers les uns aux autres : spiritualité (donc Kabbale ésotérique et mystique), religion (donc Judaïsme rabbinique et talmudique), laïcité (donc politique ; loi en France, de 1905, sur la séparation des pouvoirs), athéisme (donc anthropocentrisme et rejet de toute transcendance, donc de tout ce qui dépasse l'humaine condition), judéité (donc culture et histoire juives sans foi religieuse), orthopraxie (donc rites et pratiques traditionnelles sans signification spirituelle), orthodoxie (donc croyance et foi, même très pieuse, mais sans nécessairement d'élévation spirituelle), etc …
Ce n'est pas le lieu, ici, d'écrire une encyclopédie explicitant toutes ces notions (mais si un de vos lecteurs ou sponsors est prêt à financer de travail, je serais trop ravi de la faire).
Tel qu'il est posé, le problème me semble relever de cinq temps successifs :
- le simple fait de vivre éveillé pose des questions sur l'optimisation des relations avec soi, avec les autres, avec la Nature, avec le monde, avec le Cosmos, avec le Divin (au sens de Spinoza plus qu'à celui des monothéisme dualistes).
- Ou bien l'on décide d'enterrer ces questions et de les oublier (la médiocrité est effectivement une option très prisée), ou bien on décide de tenter d'y répondre. C'est le premier choix à faire.
- Si l'on fait le choix de tenter de répondre à ces questions, deux voies s'ouvrent : recevoir les réponses toutes faites de là où elles sont, dans les dogmes de la religion à laquelle on appartient ou que l'on rejoint ; chercher ces réponses par soi même en allant chercher l'inspiration dans des textes riches qui sont offerts là, à portée de la main. C'est l'option kabbalistique : les textes juifs de la tradition mystique et ésotérique (à commencer par la Torah et le Tanakh) sont des puits sans fond, riches de toutes les inspirations et de toutes les révélations possibles, pour tout cherchant sincère (mais il est d'autres textes dits "sacrés", appartenant à d'autres traditions, tout aussi riches qui peuvent être des supports d'ascèse spirituelle de grande qualité - j'ai cependant un grand doute quant à "Mein Kampf").
- Alors commence l'ascèse, le long périple, la libération des esclavages profanes, la révélation sinaïtique et la longue purification dans le désert avant d'atteindre la porte de la Terre de la Promesse.
- Et au fur et à mesure de ce long parcours mystagogal, peu à peu, les relations avec soi, les autres, le monde et le Divin s'apaisent, s'enrichissent, prennent une autre dimension où les croyances religieuses et les rites communautaires deviennent plus secondaires, même s'ils restent d'important ferments d'une communauté. A ce moment du périple, la Foi seule s'affirme, au-delà de toutes les croyances ; une Foi qui est certitude et qui confirme que l'existence vécue d'un humain ne prend sens et valeur qu'au service de l'accomplissement de ce Divin cosmique qui dépasse tout ce qui existe.
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