Décrire les paradigmes humains
Un processus complexe, quel qu'il soit, est caractérisé par quatre grands moteurs d'évolution :
- Son Intentionnalité qui exprime sa raison d'exister, son projet, sa vocation …
- Sa Corporalité qui exprime ce qui, intrinsèquement, le distingue en termes de composants, de ressources, de matérialité, de constitution, ce qui fait de lui un processus distinct de ceux qui l'entourent …
- Sa Logicité qui exprime ses règles et normes dominantes, ses lois, sa logique interne, ses méthodes, ses modèles, ses références, …
- Sa Constructivité qui exprime ses organisations, ses modes opératoires, ses modalités de fonctionnement et d'évolution, ses dispositifs de gestion des conflits, de prise des décisions, de dissipation des tensions, …
Si l'on considère que chaque paradigme (et, a fortiori, chaque ère civilisationnelle composé de trois paradigmes successifs) de l'histoire humaine est un processus complexe qui naît, grandit, culmine, décline et meurt, il faut les décrire chacun en termes des cinq "moteurs" décrits ci-dessus en toute généralité.
En ce sens :
- L'Intentionnalité d'un paradigme historique humain s'exprime par son idéologie (son idéal global recherché, sa représentation de cette idéalité à construire, etc …)
- La Corporalité d'un paradigme historique humain s'exprime par sa socialité (ses modalité d'appartenance, d'interrelation, de hiérarchisation, de communautarisation, etc …)
- La Logicité d'un paradigme historique humain s'exprime par sa moralité (ses modalités de règlement des conflits, de prise de décisions, d'application des règles éthiques, …)
- La Constructivité d'un paradigme historique humain s'exprime par son économie (ses modalités de production, d'échange, de patrimonialité, de monétisation, …),
Cette tétrarchie doit être stipulée pour caractériser chaque ère civilisationnelle, puis déclinée spécifiquement pour chacun des trois paradigmes successifs qui la constitue.
Ainsi, l'ère civilisationnelle messianique qui se clôt sous nos yeux était caractérisée par :
- Une idéologie du salut eschatologique.
- Une socialité de la hiérarchisation pyramidale.
- Une moralité de la binarisation codifiée.
- Une économie de la consommation matérielle.
Chacun de ces principes fondateurs a été décliné en mots-clés par chacun des trois paradigmes successifs que furent celui de christianité (messianisme clérical), de la féodalité (messianisme royal) et de la modernité (messianisme électoral) :
- Salut eschatologique monacal, puis ecclésial, puis scientiste.
- Hiérarchisation pyramidale sacrale, puis territoriale, puis étatique.
- Binarisation codifiée évangéliaire, puis inquisitoriale, puis juridique.
- Exploitation matérielle agricole, puis marchande, puis technique.
L'enjeu de notre époque est donc de sortir, au niveau civilisationnel, du messianisme en remplaçant l'eschatologie par l'eudémonisme, en remplaçant la hiérarchie par la réticularisme, en remplaçant le binarisme par le holisme, et en remplaçant le consumérisme par le frugalisme.
Et plus précisément, au niveau paradigmatique, en remplaçant le scientisme par la spiritualisme, en remplaçant le patrimonialisme par l'autonomisme, en remplaçant le juridisme par l'optimalisme, et en remplaçant le technologisme par l'écosophisme.
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Plan civilisationnel |
Plan paradigmatique |
Intentionnalité (messianisme/idéologisme) |
Eudémonisme |
Spiritualisme |
Corporalité (hiérarchisme/étatisme |
Réticularisme |
Autonomisme |
Logicité (binarisme/juridisme |
Holisme |
Optimalisme |
Constructivité (économisme/technicisme) |
Frugalisme |
Ecosophisme |
Les huit mots-clés du nouveau monde qui s'ouvre …
- L'Eudémonisme (qui remplace le messianisme qui était l'intentionnalité du cycle civilisationnel précédent) :
La quête constante, à chaque instant présent, de la Joie de vivre et l'abandon de tous les mythes concernant le "salut", l'immortalité de l'âme personnelle et une vie personnelle et consciente après la mort.
- Le spiritualisme (qui remplace l'idéologisme qui était l'intentionnalité du cycle paradigmatique précédent) :
La quête permanente de communion avec la réalité du Réel et l'abandon de tous les mythes concernant l'idéalité, les idéaux, l'humain idéal ou la société idéale.
- Le Réticularisme (qui remplace le hiérarchisme qui était la corporalité du cycle civilisationnel précédent) :
L'affirmation sans détours que toute société humaine doit fonctionner comme un réseau de petites entités auto-responsables, interconnectées, fédérées par un projet fort commun et entretenant des interrelations et interactions constructives denses les unes avec les autres.
- L'Autonomisme (qui remplace l'étatisme qui était la corporalité du cycle paradigmatique précédent) :
L'affirmation claire et nette que chaque entité, personnelle ou collective, est différente de toutes les autres, mais complémentaires et interdépendantes vis-à-vis de toutes les autres, dans le respect réciproque, absolu et garanti de l'autonomie de ces autres.
- Le Holisme (qui remplace le binarisme qui était la logicité du cycle civilisationnel précédent) :
La claire conscience qu'un Tout est plus que la somme de ses parties du fait des interactions existantes et des émergences à construire, et qu'il faut entretenir les bipolarités utiles et tensionnelles, mais éradiquer toutes les dualités et toutes les binarités conflictuelles.
- L'Optimalisme (qui remplace le juridisme qui était la logicité du cycle paradigmatique précédent) :
La claire conscience que rien, jamais, ne peut être réduit à une norme péremptoire ou à une procédure établie, que les tensions bipolaires sont le moteur, à optimiser avec soin, de toutes les évolutions positives et constructives, pourvu qu'elles respectent, réciproquement, les autonomies de tous et de chacun.
- Le Frugalisme (qui remplace l'économisme qui était la constructivité du cycle civilisationnel précédent) :
La claire conscience que toutes les ressources sont épuisables et s'épuisent rapidement, notamment du fait du trop grand nombre de consommateurs et de leurs gaspillages, et que, en conséquence, toute ressource doit être considérée comme éminemment précieuse et n'être utilisée qu'avec une parcimonie scrupuleuse, et seulement si cela est absolument indispensable.
- L'Ecosophisme (qui remplace le technicisme qui était la constructivité du cycle paradigmatique précédent) :
La volonté ferme de se considérer comme au service de l'accomplissement en plénitude de tout ce qui existe, tant dans l'intériorité que dans l'extériorité, et de toujours agir en tant que partie infime d'un Tout unique, unitaire et unitif qui interdit tous les caprices, tous les égoïsmes et tous les abus.
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