Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Ethique et non-Dualité.

Le Tout et la partie …

Qu'est-ce que l'éthique ?

 

L'éthique est l'ensemble des valeurs que chacun fait sienne pour y régler son propre comportement (éthos, en grec), alors que la morale est l'ensemble des valeurs communes (sociétales, civilisationnelles ou culturelles) qui règle les mœurs (mores en latin).

L'éthique est personnelle ; la morale est collective.

 

D'où viennent les valeurs morales ? De Dieu répondront certains, de la Nature diront d'autres, de l'Histoire rétorqueront les troisièmes ; mais peu importe en somme puisqu'ici et maintenant, elles forgent les lois civiles, les pratiques "normales" (conformes aux normes) et les fondements éducationnels.

 

Rien de tel pour l'éthique qui, répétons-le, relève de choix comportementaux personnels ; elle définit ce qui est "sacré" pour soi, sans qu'il y ait, nécessairement, un fondement religieux à cela. On peut, incidemment, faire remarquer qu'il n'y a pas nécessairement congruence entre la morale d'un groupe et l'éthique des individus, et ces divergences ne sont pas obligatoirement source de conflits majeurs … mais susciteront peut-être seulement un jugement d'excentricité.

 

Résumons …

L'éthique est l'ensemble des règles et normes que chacun se construit pour mener sa vie au mieux – au moins mal -  dans un monde pas forcément accueillant et bienveillant, parmi d'autres pas forcément amicaux ou serviables.

D'où viennent ces règles et normes ? Elles ont deux sources : l'éducation reçue et l'expérience vécue. Chacun a donc les siennes.

 

Caricaturalement, on peut distinguer trois moteurs éthiques qui les forgent toutes :

 

  • Je compte plus sur moi que sur les autres (ou le contraire),
  • Je suis très différent des autres (donc je ne suis pas leur égal et ne leur suis pas comparable – ou le contraire),
  • Je vise mon bonheur et pas celui du reste du monde (ou l'inverse).

 

De là dérive la plupart des idéologies politiques et morales religieuses, moyennant, bien sûr, tous les mélanges et tous les dosages possibles et imaginables, … et selon les moments et situations réels de l'existence.

 

Un dernier mot s'impose …

"Conformisme" (dans la même forme) exprime le triomphe de "la morale" collective sur "l'éthique" personnelle alors que "excentrisme" (loin du centre) consacre la situation contraire.

Mais en général, la grande majorité des humains vit dans un savant mélange des deux avec des dosages très variables selon les circonstances et les environnements. Il y a là un côté "caméléon" chez les humains qui, dans le fond, est une forme de souplesse visant la coexistence pacifique, le non-affrontement, l'hypocrisie sociale nécessaire à la tranquillité de tous et de chacun. La paix avec les autres mérite-t-elle bien cette petite entorse à la rigueur envers soi ? Les révoltés et les exaltés ne donneront, à cette question, sans doute pas la même réponse que les modérés et les lénifiants. C'est tout cela la vie en société …

 

Qu'est-ce que la non-dualité ?

 

L'idée originelle est simple (mais "simple" ne signifie pas "facile" pour autant) : rien de ce qui existe n'est séparé de tout le reste. Il y a plus de cinquante ans un de mes maître, taoïste passionné et chevronné, m'avait dit ceci qui a marqué au fer rouge toute ma spiritualité : "Rien n'existe que l'océan unique, mais nous n'en voyons que les vagues de surface en les prenant pour des êtres ou des objets séparés".

C'est une belle définition de la non-dualité c'est-à-dire de l'inséparabilité du Tout et de tout ce qui habite ce Tout, tant dans le présent que dans le passé.

Car rien ne s'efface jamais : le temps ne passe pas, il s'accumule. Tout le passé est là, aggloméré, couche après couche sous la fine pellicule active que nous appelons le "présent". Rien ne meurt jamais, mais tout, un jour ou l'autre, sort d'activité pour rejoindre les couches sédimentaires superposées, empilées et thésaurisées qui forment le corps charnel de la réalité du Réel.

 

Pratiquement, cela signifie que "je" n'existe pas, mais qu'il existe une vague, unique et particulière, toujours changeante et évoluante, à la surface de l'océan du grand-Tout, qui s'est donnée le nom de "je" ou de "moi".

C'est un comble : "je" se prend pour "moi" !

Comme dans un tableau de maître qui serait vivant et évoluant, chaque touche de couleur est unique et a sa propre importance, mais ne prend cette importance que par rapport à toutes les autres touches qui composent le tableau ; le tableau, et lui seul, est une réalité en soi car les touches de couleurs quelque importantes soient-elles n'ont un quelconque intérêt que par leur fonction au sein du tableau.

 

Ethique et non-dualité …

 

En posant face à face les deux idées d'éthique (mes règles et normes telles que je les ai décidés) et la non-dualité (l'inexistence d'un "je" séparé et l'union, l'unitarité, l'unitivité de tout ce qui existe, y compris ce que j'appelle "moi"), montre plus qu'un paradoxe : une incongruité.

Comment un "moi" qui n'existe pas, pourrait-il se fixer des règles à lui ?

 

Si je suis une vague à la surface de l'océan, c'est la loi de l'océan qui détermine toutes mes évolutions de vague et je n'ai pas d'avis à donner (l'idée même d'avoir un avis est absurde).

Si je suis un "être-en-soi" qui se nomme "moi" et qui se prétend indépendant de tout le reste, c'est "ma" loi qui prime.

 

Sauf que la réalité n'est jamais si simple …

Entre le Tout (l'océan, le monde, la masse humaine) et la partie (l'humain unique et particulier que je suis avec toutes mes qualités et mes défauts), sont en rapports dialectiques. Qu'est-ce à dire ? Cela signifie que le Tout s'accomplit grâce à l'accomplissement de ses parties et que lesdites parties s'accomplissent chacune au travers de l'accomplissement du Tout.

Car c'est là qu'émerge le nœud gordien de toute l'affaire : la notion d'accomplissement réciproque.

En réussissant l'accomplissement de soi et de l'autour de soi, en harmonie avec ses propres règles éthiques à soi, chacun contribue à l'accomplissement en plénitude du tout du Réel selon ses propres lois à lui.

Il n'y a pas d'opposition nécessaire ; il y a complémentarité possible.

 

Un exemple bien actuel de cela est donné par l'écologie (je ne parle pas d'écolo-gauchisme ni d'écologisme idéologique) : l'humain (la "partie"), pour survivre et bien vivre a besoin de puiser ses ressources existentielles dans la Nature (le "Tout"). Pour que cette collaboration (cette "communion" faudrait-il dire) puisse perdurer longtemps, il est indispensable que "l'éthique" des humains se développe et s'applique en harmonie avec "la morale" de la Nature (avec ses lois physiques et biologiques, avec ses équilibres et ses faiblesses, avec ses possibilités de reconstitution et d'évolution saine et bénéfique pour toutes les espèces).

 

Cet exemple d'actualité est assez bien illustratif de la problématique générale qui mérite d'être profondément méditée par chacun.

 

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