La Santé pour quoi faire ?
La santé pour quoi faire ? Pourrait-on dire en paraphrasant le "la liberté pour quoi faire ?" de Georges Bernanos.
Et d'abord, qu'est-ce que la santé ? La "grande Santé", comme l'appelait Nietzsche, est bien autre chose qu'une physiologie qui tourne à peu près rondement. Un malade en coma profond que l'on maintient artificiellement en vie végétative, est en "bonne santé" au sens biologique, mais on comprend vite que ce n'est pas cela la "grande santé" nietzschéenne.
Depuis Spinoza, on sait qu'un humain est un tout, un corps-esprit-âme unitaire et unifié qu'il faut cesser de disloquer analytiquement : son esprit et son âme sont consubstantiels et coextensifs avec tout son corps, … et vice versa. L'esprit ne se réduit pas du tout au seul cerveau …
On pense et on veut, on ressent et on sait autant avec ses tripes qu'avec sa tête.
La "grande santé" est donc autant mentale que physique ; l'une ne va pas sans l'autre. Il n'y a pas le psychique d'un côté et le somatique de l'autre ; il n'y a que du psychosomatique qui appelle des approches holistiques.
Si l'on veut bien voir que l'humain, comme n'importe quel processus complexe possède cinq dimensions (généalogique : la mémoire, téléologique : la volonté, axiologique : l'intelligence, écologique : la sensibilité, et métabolique : la conscience), on conviendra que la "grande santé" veut que chacune de ces cinq grandes fonctions doit éviter tous les empoisonnements et toutes les intoxications venant de l'extérieur (et Dieu sait s'il y en a de toutes les sortes à profusion dans notre monde cinglé, de la malbouffe aux pandémies, en passant par les fake-news et les délires complotistes, antisémites et tant d'autres).
Oui, la folie du monde humain tend à empoisonner et intoxiquer nos volontés, nos mémoires, nos sensibilités, nos intelligences et nos consciences, à les rendre esclaves de ses drogues, à subjuguer nos corps-esprits-âmes.
Mais avoir nos cinq grandes fonctions en bon état de marche ne suffit pas ; encore faut-il les harmoniser, les aligner, les équilibrer entre elles de manière à ce qu'elles forment un tout bien cohérent. C'est cette cohérence holistique qui me paraît être le signe et la signature de la "grande santé". Et pour cela, il faut que tous les organes, tant physiques que mentaux, fonctionnent au mieux et ensemble, en bonne harmonie et en bonne cohérence.
Mais ces considérations ne répondent pas à la question première : la santé pour quoi faire ?
La pandémie actuelle pose bien cette question. La moyenne d'âge des décédés du fait du coronavirus est de 81 ans en France. Et comme l'a fait remarquer abruptement André Comte-Sponville, on a sacrifié (démagogiquement) l'avenir économique des jeunes à une rallonge de vie pour les très vieux … alors que les pandémies de 1957 et de 1969 ont fait bien plus de victimes, qu'aucun confinement d'aucune sorte n'a été promulgué et que l'on en a très peu parlé (et plus personne ne s'en souvient).
La bonne santé pour quoi faire ? Deux visions s'opposent :
- l'une répond que chaque personne a le droit de vivre pour elle-même, le plus longtemps possible et le mieux possible (c'est l'option française),
- l'autre répond que la société se doit de prendre en charge la santé de celles et ceux qui contribuent vraiment à sa prospérité (c'est l'option chinoise).
Le débat est donc ouvert entre une vision individualiste et une vision collectiviste.
Ce qui me paraît clair, c'est qu'il ne faut pas demander la beurre et l'argent du beurre comme on le fait en France.
Ou bien l'on est individualiste et chacun se prend en charge sans dépendre les assistanats étatiques (version USA), ou bien l'on est collectiviste et l'Etat décide qui peut vivre et qui on laisse mourir (version Chine).
Marc Halévy
Le 26 Avril 2020