Le portrait du Juif par un antisémite
En revanche, ce scribouillard dessine un portrait du Juif en quinze points majeurs :
- le tropisme vers l'intellectualité, loin de l'hédonisme légitime des jouisseurs bien gaulois,
- le goût de la métaphysique, du sacré et de la pureté, au-delà des apparences profanes,
- l'horreur de la violence et de la guerre, symbolisée par l'interdit du sang,
- la préférence pour l'organique et l'ouvert fractal (le symbolique et l'herméneutique) contre le mécanique et le fermé,
- la prédilection pour l'Esprit et les idées au-delà des préoccupations pratiques du quotidien,
- le culte de l'autonomie qui récuse le principe de l'obéissance pour l'obéissance et du garde-à-vous devant une autorité humaine,
- l'obsession du juste (tant en justice qu'en justesse), de l'équitable, de l'harmonieux contre la rigidité des règlements et des édits,
- la mystique de l'humilité contre l'ostentation, la fatuité, l'égotisme, l'arrogance et le mépris,
- l'affirmation du droit au-dessus de la force, et la préséance de l'éthique sur toute autre considération,
- l'importance de la sensibilité au-delà des froides ratiocinations,
- l'espoir que l'humain surmontera sa médiocrité et s'élèvera vers le Divin,
- l'essentialité de la lucidité au-delà de tous les pessimismes et de tous les optimismes,
- la conscience que l'avenir se construit et qu'il peut être meilleur si l'on y met sacralisation et spiritualisation,
- la foi en la divinisation de l'humain au fur et à mesure de l'accomplissement de l'homme par l'humain,
- la conviction en la nécessité de construire un monde libéral où chaque humain peut trouver son chemin d'accomplissement,
De là, notre nazillon réactionnaire conclut que le Juif est nécessairement un révolutionnaire idéaliste (donc, à ses yeux, un socialo-communiste dont Karl Marx – renégat et converti - est censé être le prototype et dont Léon Blum – athée - est l'incarnation) qui n'a que dédain pour la réalité et ne vit que de chimères à venir.
Et de confondre, comme il se doit, révolutionnarisme (qu'il nomme aussi "jacobinisme") et messianisme (qui, s'il est personnifié, est fondamentalement bien plus chrétien que juif ; le messianisme juif est impersonnel et symbolise le passage progressif au Surhumain).
Et cette phrase (p. 86) qui dit tout : "(…) il faut noter comme un fait capital et singulier, qui ne souffre aucune exception, que tous les Juifs, depuis leur émancipation, ont toujours été du côté du Progrès contre l'Ordre".
Quand je lis les quinze points du portrait censé être infamant du Juif, j'en arrive à me dire que j'ai bien de la chance d'être juif et à caresser que les Goyim les adoptent pour eux …
La seule note positive de ce pamphlet : l'auteur cherche la bonne solution pour débarrasser l'Europe du cancer juif. Il évoque trois solutions possibles : l'extermination hitlérienne, la ghettoïsation médiévale ou … le sionisme. Il rejette les deux premières et applaudit à la troisième … à la condition que tous les Juifs soient juridiquement israélisés d'office (tout en gardant le droit paradoxal d'habiter et de vivre où ils veulent, mais en tant qu'étranger).
Marc Halévy
Physicien, philosophe et prospectiviste
Le 27/09/2020