L'émergence de la Franc-maçonnerie
Comment la Franc
Ce qui deviendra la Franc-maçonnerie est une des réponses (les protestantismes en furent une autre) aux deux grandes crises qui ébranlèrent la fin de la féodalité aux 13ème et, surtout, 14ème siècles : la crise du catholicisme et la crise du féodalisme.
Le christianisme, de la première période (de 400 à 950), celui du haut Moyen-âge, celui du rêve mérovingien et carolingien, était essentiellement monastique. Le monastère roman en est le symbole le plus éclatant. Les moines défrichent les terres, copient les textes et étudient les chemins du Salut. Cette christianité-là fut essentiellement mystique. Et foisonnante, bouillonnante de ce que l'on appelle aujourd'hui les hérésie qui jaillirent par dizaines : des ariens aux nestoriens en passant par le ébionites, les nazoréens, les pélagiens, et tant d'autres …
Cette première période se termine par le grand schisme d'orient entre le Catholicisme romain et l'Orthodoxie grecque (qui essaimera, ensuite pour fonder l'Orthodoxie slave).
Les premiers Maçons, pas encore "francs" (dotés d'une franchise de passage d'un "pays" à l'autre) sont formés aux arts de la construction par les moines.
Le christianisme catholique de la seconde période (de 950 à 1500) se sécularise ; il quitte les monastères pour se développer dans les églises, les basiliques et les cathédrales. Le clergé séculier prend le pas sur le clergé régulier. La papauté devient toute puissance et impose ses pouvoirs sur les ordres monastiques (dont certains, comme les Templiers, résisteront longtemps jusqu'à leur destruction finale et le supplice de Jacques de Molay et de ses frères en le Christ).
Le prêtre prend le dessus sur le moine. La pratique supplante la mystique.
Dès le début du 15ème siècle, la papauté romaine devient une chasse gardée des grandes familles italiennes. Et comme le pouvoir corrompt, le Vatican devient une puissance d'argent (mentionnons la vente des indulgences, par exemple) et un lieu de "dérèglement de tous les sens" (qu'il suffise de penser aux Borgia, par exemple).
Le faste ecclésial explose et exige des lieux de culte de plus en plus grands et fastueux, devenant des livres de pierres pour des populaces illettrées : ce sera le style gothique. Ce sera l'apothéose de l'art des Maçons opératifs.
Et c'est là que se révèle la seconde grande crise de ces époques : celle du féodalisme dont le principe était que chacun était attaché à sa "tenure" et appartenait à son seigneur … sauf "franchise" attribuée à certaines corporations dont les indispensables activités nécessitaient des libres déplacements d'une seigneurie à l'autre, d'un fief à l'autre, d'un royaume à l'autre.
La corporation des tailleurs de pierre, dont la virtuosité était si recherchée et demandée sur tous les chantiers de l'Europe, obtint cette franchise et les maçons devinrent des Francs-maçons.
Ainsi naquit la Franc-maçonnerie opérative. Vu de l'extérieur, cet affranchissement était institutionnel et l'appartenance à l'institution maçonnique "donnait franchise" de circulation et de travail. Mais vu de l'intérieur, cet affranchissement était aussi spirituel et moral, lié à la mission des "imagiers" de tailler des statues et des chapiteaux dont les figures et symboles devaient édifier les ignorants et instruire les illettrés. Il fallut donc devenir expert en symbolique. De plus, les plus vieilles chartes dites des "Anciens Devoirs" (Old Charges, en anglais) stipulaient que le Franc-maçon était obligé, là où il était autorisé à exercer son art, "d'obéir aux lois et de pratiquer la religion du pays". Car la religion catholique d'alors était encore plurielle au travers, notamment, de la disparité des cultes des Saints dont le foisonnement transformait le monothéisme théorique en un polythéisme mythologique de fait.
Les Francs-maçons opératifs étaient alors confrontés à une tension bipolaire grandissante : d'un côté, le christianisme catholique unitaire et unifié, mystique et extatique qu'ils avaient hérité des moines d'antan, et de l'autre côté, la multiplicité des cultes, pratiques, superstitions et croyances les plus diverses liées au cultes spécifiques de Saints locaux (qu'ils se devaient de respecter).
De là l'émergence d'une Maçonnerie à la fois Franche (au-dessus des liens de "tenure") et Spiritualiste (au-dessus des pratiques religieuses).
Emergence "par le haut", donc, au-dessus des crises profondes du catholicisme et du féodalisme.
La naissance des protestantismes procédèrent de la même logique d'affranchissement à la fois du centralisme sécularisé du catholicisme et des contraintes autoritaires (et guerrières, avec les croisades) des seigneurs féodaux.
Ce n'est donc pas un hasard si la Franc-maçonnerie opérative s'est surtout préservée dans les royaumes devenus protestants : l'ennemi commun était la dégénérescence d'un catholicisme papal suranné (qui lui a bien rendu la monnaie de sa pièce en excommuniant tous les Francs-maçons, "pour des raisons de nous seul connues" dira la bulle In Eminenti de Clément XII en 1738).
Ce qu'il faut retenir de ce processus de l'émergence de la Franc-maçonnerie du fait de la double crise majeure du catholicisme et du féodalisme, c'est la naissance d'une véritable universalité et d'une véritable spiritualité de la Franc-maçonnerie qui se place d'emblée au-dessus du religieux et au-dessus du politique (les sujets et discours politiques et religieux sont d'ailleurs, encore aujourd'hui, formellement interdits dans les Loges régulières).
Retenons donc ces héritages profonds qui définissent les assises de toute Franc-maçonnerie authentique :
une fidélité initiatique au-dessus de toutes les modes,
une spiritualité biblique au-dessus de toutes les religions,
une universalité mystique au-dessus de toutes les nations.
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-maçonnerie a émergé durant le Moyen-âge ?