Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Les six piliers du "monde d'après".

En avant-goût de mon livre à paraître à l'automne chez Diateino : "Où va l'humanité ? – Une philosophie de l'histoire".

Le Cosmocentrisme.

En terme généalogique, le cosmocentrisme exprime simplement que l'humanité est un pur produit de l'évolution cosmique. Donc un pur produit de la biosphère terrestre. Et qu'à ces titres, elle est soumise, comme tout ce qui existe aux lois cosmiques qui régissent la totalité de tous les phénomènes.

Derrière cette première définition, surgit l'impérieuse nécessité, pour les humains, de se réancrer solidement dans la réalité cosmique, dans le flux cosmique. Dans le Réel cosmique, tout ce qui existe, possède une "bonne raison" d'exister et doit la chercher, la trouver et l'assumer pleinement.

Se réancrer dans le flux cosmique implique une forme de spiritualité (que l'on retrouve dans la taoïsme, dans le shivaïsme, dans le zen ou dans certaines formes de bouddhisme). Pour reprendre la jolie expression de mon ami Hubert Reeves, il faut prendre conscience que chacun des atomes qui nous composent, est une poussière d'étoile.

Plus concrètement, il s'agit de vivre sur Terre non pas face à - ou contre – la Nature, mais en elle car c'est en elle que tout plonge ses racines, même les humains qui l'ont oublié.

 

Le Téléocentrisme.

En terme téléologique, le téléocentrisme est une philosophie de vie qui oriente toutes les actions, toutes les pensées, toutes les activités vers ce qui a du sens, cers ce qui a une utilité réelle et une efficience réelle au service du projet de vie que l'on s'est fixé.

Il s'agit, en somme, de concentrer son énergie physique et mentale sur ce qui donne sens et valeur à ce que l'on est, à ce que l'on vit, à ce que l'on devient, et ce, de manière cohérente et efficace.

Au diable donc toutes les distractions (ce qui tire à côté, étymologiquement), tous les amusements, toutes les frivolités, toutes les futilités. Le vie est trop courte et le temps trop précieux pour le gaspiller à faire autre chose que ce que l'on s'est assigné comme mission de vie.

Et au-delà de la vie individuelle, le téléocentrisme rejoint le principe de la "raison suffisante" de Leibniz : tout ce qui existe a une "bonne raison d'exister" ; rien n'existe en vain. Comprendre la Vie et sa propre vie, ce n'est pas comprendre le "comment" des choses, mais bien le "pour quoi" (en deux mots) des choses. Quelle est l'intention (la tension intérieure, l'in-tension) profonde qui se cache en tout ? Le téléocentrisme est, en quelque sorte, la mise en pratique d'un intentionnalisme au quotidien : ne rien faire qui n'obéisse à une intention réelle et positive.

En tout, chercher à connaître les intentions plus que les trajectoires.

 

La Noosphère.

En terme topologique, la noosphère est un continent nouveau, au-dessus de la biosphère, où se placent les interconnexions entre tous les esprits humains au moyen des réseaux numériques, mais pas seulement, car il existe des interconnexions directes entre des intelligences humaines par d'autres média que la Toile.

La noosphère, en quelque sorte, s'émancipe de la lithosphère, c'est-à-dire des territoires géographiques et matériels. La révolution numérique (précédée par les révolutions télégraphique, téléphonique, etc …) abolit les distances physiques et amplifie exponentiellement l'interconnexion des esprits indépendamment de leur position géographique.

Cela signifie que la notion de "territoire" se dématérialise et que les "lieux" de vie ne sont plus seulement matériels et physiques.

Il est dès-à-présent possible d'établir de solides et durables relations de connivence, de complicité, d'amitié, de collaboration, etc … avec des humains que l'on ne verra jamais, que l'on ne rencontrera jamais, que l'on ne touchera jamais physiquement.

Mais cela n'empêche, ni n'interdit, ni ne dévalorise nullement la joie de la rencontre physique. L'un n'exclut pas l'autre. Au contraire, la noosphère, en se superposant à la lithosphère, amplifie exponentiellement les possibilités de rencontre … pour ceux qui le désirent.

 

Le Biocentrisme.

En terme écologique, la biocentrisme, face à l'immense crise écologique que nous vivons et aux désastreuses conséquences sur la Nature (dont la survie humaine dépend radicalement) de l'hyperactivité et l'hyper-démographie humaines, affirme que l'humain n'est ni le centre, ni le sommet, ni le but de l'évolution. Ce n'est pas la Nature qui est au service de l'humain, mais l'humain qui doit revenir au service de la Nature, c'est-à-dire de la Vie.

L'humain, parce qu'il est un être pensant (du moins pour la minorité qui non seulement ont un esprit, mais maîtrise aussi son mode d'emploi), doit absolument prendre la responsabilité du respect, de la promotion, de la facilitation et de la sacralisation de la Vie, sous toutes ses formes, dans toutes ses espèces.

C'est cela le biocentrisme, loin des écologismes idéologiques : prendre la Vie au service et mettre l'intelligence humaine à son service. Il ne s'agit pas là d'une divagation romanesque ou utopique ; il s'agit d'une simple prise de conscience simple et profonde : la survie de l'humanité dépend de la bonne santé de la Vie, et non le contraire.

L'humanité doit se mettre au service de la Vie.

 

Le Réseau.

En terme axiologique, le réseau doit remplacer, dans un monde de plus en plus complexe, interconnecté, interagissant, le vieux modèle de la pyramide hiérarchique. Cette pyramide est un modèle monopolaire (une seule pointe au-dessus de tout le reste) c'est-à-dire incapable mathématiquement (cfr. le théorème de David Ruelle) de complexification, c'est-à-dire d'enrichissement, de résilience, de souplesse, d'agilité, etc … Elle ne peut être que lente et lourde, bureaucratique et inefficiente, normative et procédurale dans un monde de plus en plus vivace qui demande de la réactivité précise, efficace et créative.

Un réseau est tripolaire puisqu'il procède de trois instances de gouvernance : le pouvoir pour décider et trancher, le savoir pour connaître et affirmer, et le vouloir pour entraîner et coaliser.

Les deux mamelles d'un réseau sont l'autonomie et l'interdépendance. L'autonomie rend chaque entité du réseau libre et responsable de sa contribution au projet collectif. L'interdépendance rend chaque entité du réseau solidaire et complice de la contribution des autres entités au même projet collectif.

 

L'Ethique.

En terme immunologique, l'éthique est la réponse de fond à toutes les agressions que l'on subit du simple fait d'exister, du simple fait que l'on vit dans un milieu qui voit, en chacun de nous, une ressource, une menace, un obstacle, etc … Face à ces agressions diverses, plus ou moins violentes, plus ou moins dangereuses, chacun doit développer une immunité, c'est-à-dire une résilience efficace.

L'éthique est une telle réponse qui dépasse, et de loin, les anciennes notions de morale ou de législation car la morale est l'ensemble des préceptes conventionnels qui règlent, traditionnellement les mœurs (mores, en latin) alors que la législation est l'ensemble des lois artificielles, qui sont censées protéger la vie publique et le bien commun.

L'éthique est autre chose : elle est l'ensemble des règles de vie que chacun se donne, afin de conformer son comportement (éthos, en grec) avec tout ce qui l'entoure, humain ou non humain.

L'éthique de demain sera une éthique de la non-agression ; elle a pour fondement la volonté impérieuse de prévenir toute forme de violence par la condamnation ferme du principe même d'agression et d'agressivité.

 

Marc Halévy

Physicien, philosophe et prospectiviste

Mars 2021