L'initiation de Moïse
Le parcours initiatique de Moïse est relaté dans le livre de l'Exode du verset 2;11 au verset 4;26 inclus.
Le nom de Moïse (MoShéH, en hébreu) lui est donné :
"Et l'enfant grandira et elle [sa mère] s'en viendra vers la fille de Pharaon et il deviendra pour elle pour fils et elle nommera son nom : 'Moshéh', et elle dira : 'comme hors de l'eau je l'ai tiré (MaShaH)'."
Première phase :
"Et il adviendra en ces jours-là et Moshéh sortira vers ses frères et il verra dans leurs souffrances, et il verra un individu égyptien (borné) frapper un individu hébreu parmi ses frères."
L'expression "et il verra DANS leurs souffrances" est impressionnante : il ne s'agit pas seulement de constater les souffrances, mais de les ausculter en profondeur pour y découvrir leurs causses profondes …
Il tue le "borné" et l'ensevelit, croyant n'avoir pas été vu. Mais le lendemain, il doit déchanter et il décide de fuir jusqu'au royaume de Madian (MDYN signifie en hébreu : "querelle") où, assis près d'un puits (l'eau, toujours), il rencontre et épouse Tziphorah ("l'oiselle"), une des sept filles du prêtre (Cohen) qu'il avait aidée à puiser l'eau et à repousser des pâtres agressifs.
D'elle, naîtra un fils nommé Gershom (GRShM : "étranger là").
Fin de la première phase initiatique de libération au travers des épreuves de la Mort, de la Peur et de l'Amour.
Moshéh se libère de l'esclavage doré que fut son enfance à la cour de Pharaon, dans la tendresse de Biltia, fille de celui-ci. Cette libération passe par le meurtre du garde-chiourme, symbole de la coercition et de l'enfermement. Mais cette libération intérieure isole le futur initié qui a, ainsi, renoncé à cette "servitude volontaire" qui est le lot désiré et voulu de la majorité des humains. La libération de soi est vue comme une excentricité, un non-conformisme, une rupture avec la morale convenue et les mœurs ambiants.
Se libérer, c'est se révolter. C'est quitter le troupeau. C'est, comme le firent l'Humain et la Vivante, renoncer à l'innocence et à la naïveté d'un Jardin d'Eden, aussi factice qu'hypocrite.
On ne quitte pas le monde de la profanité et de la médiocrité incognito ; les autres vous montrent du doigt !
Deuxième phase :
Moïse, devenu le pâtre de Yétro, parcourt le pays …
"(…) et il conduira avec le troupeau au-delà du désert et il ira vers la montagne des dieux de dévastation. Et il verra un messager de YHWH vers lui au cœur du feu du milieu du buisson et il verra et voici : le buisson brûlait en feu et le buisson nullement consumé."
La voix de YHWH, du sein du buisson ardent, l'appelle, le fait se déchausser pour marcher sur "l'humus de sainteté" (adamat-qodèsh) et proclame :
"(…) Moi-même [je suis] les dieux de tes pères, les dieux d'Abraham, les dieux d'Isaac et les dieux de Jacob (…)"
Moshéh reçoit alors la mission de sortir les Hébreux de l'esclavage, hors du pays des "bornés" (Mitzraïm). Il rechigne. YHWH insiste en évoquant les souffrances de la Maison d'Israël.
La mission est donnée :
"Car j'adviendrai avec toi et ceci, pour toi, [sera] le signe car moi-même je t'envoie pour faire sortir avec le peuple, hors d'Egypte ; vous servirez avec les dieux sur cette montagne."
Alors, la grande révélation métaphysique vient du buisson ardent :
"Je deviendrai ce que je deviendrai".
Et suit la promesse du don des six territoires : ceux des "soumis" (Cananéens), des "peureux" (Hétéens), des "bavards" ((Amoréens), des "orgueilleux" (Phéréziens), des "péremptoires" (Hévéens) et des "piétineurs" (Jabuséens). Et cela deviendra une "contrée ruisselante de lait et de miel". Et l'on pourra dire :
"YHWH des dieux des Hébreux s'est manifesté au-dessus de nous."
On voit clairement les termes de l'Alliance : Moshéh libère les Hébreux de la maison d'esclavage en échange de territoires conquis sur les six grandes faiblesses humaines (la soumission, la peur, la futilité, l'orgueil, le dogmatisme et la violence)
Après la libération de soi, vient le temps de la révélation mystique : vivre libre n'est pas un but, mais un moyen au service de ce qui nous dépasse. Mais quelle est cette instance qui nous dépasse et qu'il faudrait servir (comme un desservant sacerdotal sans non comme un esclave soumis) ?
Cet instant de la révélation indique le sens et la valeur de l'existence, mais sans encore les leur donner puisque le chemin reste à faire. Mais au moins, l'initié comprend maintenant vers où il doit cheminer et pourquoi.
Cette révélation mystique peut paraître mystérieuse : "Je deviendrai ce que je deviendrai". Sans entrer trop dans le détail, deux remarques s'imposent :
- le verbe "devenir" indique que le Divin est un processus en devenir, en voie de perfectionnement et d'accomplissement, loin de ces dieux parfaits et immuables que certaines religions proposent ; on est là bien plus proche d'Héraclite d'Ephèse que de Platon (inspirateur de toutes les théologies chrétiennes et musulmanes)
- le "ce que" n'est pas un "qui" et pose un principe essentiel : le Divin est impersonnel, contrairement à l'image qu'en donne trop souvent les monothéismes (ce que n'est aucunement le judaïsme originel qui est une monolâtrie au sein d'un polythéisme).
Dernière phase :
Moshéh acquiert des pouvoirs (son bâton peut devenir un serpent-devin, sa main devient lépreuse et se guérit, et il peut transformer l'eau en sang).
Ainsi, Moshéh quitte Madian et son beau-père Yétro qui le bénit : "Va en paix".
Dans une auberge, sur sa route, Moshéh vit une scène pour le moins étrange …
"(…) et YHWH le rencontrera et il cherchera sa mort."
Tziphorah le sortira de ce mauvais pas en circoncisant son fils pour restaurer l'Alliance : "(…) les sangs unissent pour les circoncisions" …
C'est la grande étape de purification où l'ancien homme profane doit mourir pour que renaisse le nouvel homme initié, capable d'accomplir sa mission au service du Divin et de libérer les autres humains, encore prisonniers des esclavages.
Cette purification qui permet l'Alliance, passe par la circoncision du fils, c'est-à-dire par la transmission du pouvoir de Vie (le prépuce symbolise le cadenas qui empêche cette transmission de Vie).
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