Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

"L'ordre des choses" de Michel Maffesoli - Notes et commentaires de lecture

Merci à toi, Michel, de m'avoir permis de n'être d'accord avec toi sur presque rien, mais, ainsi, de m'avoir obligé à penser le pourquoi de ce désaccord.

Il faut le dire clairement : l'inconscient, freudien ou non, n'existe pas !

L'inconscient est une excuse pour évacuer la responsabilité de ses actes, pensées et paroles.

"C'est pas ma faute, m'sieur, c'est mon inconscient !"

Comme les "bouffées délirantes incontrôlables" de Kabili Traoré, tortionnaire et assassin musulman de cette vieille dame juive nommée Sarah Halimi.

Il faut sortir définitivement de cette fiction freudo-gauchiste qui veut que les actes et paroles d'un individu ressortissent de la culpabilité de la société qui l'a produit.

La "société" est une fiction abstraite (comme le peuple ou la nation) qui ne produit rien du tout. Chaque personne est le produit de sa famille et de son parcours, de sa généalogie personnelle. Chacun a toujours le choix final de ses actes et de ses paroles. Chacun est toujours totalement responsable de ses propres faits et gestes. Il n'y a jamais de circonstances atténuantes.

 

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Comme tous les 550 ans, en moyenne, nous vivons une "Renaissance" qu'il vaudrait mieux appeler de son nom technique : "palingénésie", c'est-à-dire une régénération, une revivification, un renouvellement, une transmutation globale, une bifurcation paradigmatique qui touche tout le "phénomène humain" pour reprendre l’expression de Teilhard.

 

La pandémie n'est que la partie émergée et visible de la chaotisation globale du monde humain que nous vivons actuellement, coincés entre deux paradigmes : l'ancien, dit "la Modernité", qui s'effondre et le nouveau (qui n'a pas encore de nom officiel mais que l’appellerais volontiers "noétique") qui émerge.

Toutes les dimensions du monde humain sont en pleine crise de chaotisation tant avec le monde extérieur : la biosphère (d'où les pandémies, le dérèglement climatique, la chute de biodiversité, la dérégulation océanique, etc ...), que dans sur toutes les dimensions intérieures de ce monde humain (science, économie, géopolitique, idéologie, éthique, culture, psychosociologie, spiritualité, etc ...)

 

Et la dimension maçonnique n'y échappe pas non plus : les "temps modernes" s'effondrant, la part du monde maçonnique qui se réfère encore aux "Lumières", à l'humanisme, au laïcisme, à l'égalitarisme, à l'universalisme, etc ... bref, à la Modernité finissante, est en train de s'effondrer avec elle. Il est donc urgent, pour la Franc-maçonnerie authentique, de retourner à ses racines intemporelles et de fermer, définitivement, la parenthèse funeste de la "voie substituée" ou de ce que l'on appelle ridiculement la maçonnerie "libérale".

Il n'y a pas deux manières de vivre la Régularité maçonnique ; celle-ci est unique et intangible, intemporelle, héritée des constructeurs d'abbayes romanes et de cathédrales gothiques, inscrite sur les plus vieux manuscrits des 13ème et 14ème siècles.

 

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De Joseph de Maistre :

 

"L'homme ne peut rien apprendre qu'en vertu de ce qu'il sait déjà."

 

Le processus de la connaissance est un constructivisme.

L'esprit est un processus qui se construit comme un édifice, chaque couche nouvelle se superposant à l'accumulation des couches antérieures.

Et il ne faut pas croire le pédagogisme ambiant : il n'y a pas de cathédrales haute et majestueuse sans fondation solide, ancrée et dure à faire.

On ne construit rien "hors sol". Sans très bonne maîtrise des langages de base, aucune connaissance ferme et aucune pensée sérieuse ne peut être construite.

En ce sens, les systèmes éducatifs actuels sont des catastrophes.

 

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L'humain nietzschéen est le pont entre l'animal humain et l'être surhumain.

Si l'animal humain est grégaire et social (seul, il ne survivrait pas en milieu sauvage), l'être surhumain, vers lequel l'humain – du moins une minorité – chemine, lui, sera autonome et asocial.

La socialité exprime l'animalité fossile de l'humain.

 

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Réduire le "Je" au "Tout" (altruisme ou entropisme ou socialisme ou mysticisme) ou réduire le "Tout" au "Je" (égotisme ou néguentropisme ou individualisme ou athéisme) sont deux erreurs délétères. Pour le dire autrement, l'individuation sans intégration comme l'intégration sans l'individuation, sont tout simplement impossibles.

La réalité, qu'elle soit sociale, écologique ou cosmologique, est une perpétuelle dialectique entre le local (l'intériorité du système) et le global (l'extériorité du milieu).

Le global engendre le local et le local vivifie le global. L'un sans l'autre sont stériles.

 

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Tout processus est une dialectique permanente entre une mémoire et un projet.

Rejeter la mémoire pour "libérer" le projet (le progressisme) ou châtrer le projet pour "préserver" la mémoire (le conservatisme) sont aussi mortifères l'un que l'autre.

 

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Il y a, comme toujours, quatre moteurs à l'évolution de quelque société humaine que ce soit : son histoire identitaire, son écosystémie vitale, ses modèles culturels et son projet collectif.

Les pouvoirs (économiques, politiques, noétiques) ne sont là que pour dissiper optimalement les surtensions.

Dès lors que les surtensions saturent l'ensemble, cette société se chaotise afin de faire émerger un autre paradigme qui remettra en cause l'identité centrale, les principes de son écosystémie, la structure de ses modèles et la nature de ses intentions.

La transformation des pouvoirs suivra.

L'essentiel est de bien comprendre la logique de cette émergence qui est tout sauf démocratique et collective : toute société humaine est constituée de 80% de moutons qui suivent le troupeau après avoir bêlé et piétiné un bon coup.

Ce troupeau n'est jamais le moteur de la bifurcation. Ni les pouvoirs "d'avant".

 

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Ce que l'on appelle une "tradition", ce sont des idées qu'une ancienne élite a créées et rendues assez puissantes pour qu'elles se transmettent par les masses, de génération en génération.

 

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Tout arbre naît, croît, culmine, rabougrit et meurt.

Tout arbre a de multiples racines, un tronc central, des branches faîtières qui divergent et portent une frondaison faite de rameaux, feuilles, fleurs et fruits.

Dès que le terreau s'appauvrit ou que le climat se durcit, l'arbre peine à survivre.

 

Il en va ainsi de tout ce qui existe : de l'humain comme d'un paradigme, de la science comme d'une culture, d'une tradition comme d'une philosophie, d'une spiritualité comme d'une religion, d'une communauté comme d'une technologie, etc …

 

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Il est utile de voir que les tenants du relativisme philosophique disent qu'il n'y a aucune vérité absolue et que chaque époque et chaque lieu ont leurs vérités éphémères.

Mais n'est-ce pas énoncer une vérité absolue que d'affirmer la relativité absolue de toute vérité humaine ?

 

Il me semble moins prétentieux et plus cohérent d'affirmer que le Réel, par essence, est absolument vrai (puisqu'il est le Réel dans sa réalité et sa cohérence, toutes deux intrinsèques et essentielles), mais que cette vérité absolue du Réel est difficilement et rarement accessible aux esprits humains qui, peu à peu, tentent de s'en rapprocher par un vaste processus constructiviste, foisonnant d'essais et d'erreurs.

 

En regardant ce processus, on comprend que les "vérités" humaines sont de moins en moins relatives au fur et à mesure que l'on approche de la vision claire de la cohérence vraie du Réel.

En revanche, il est pertinent de dire qu'un jugement n'est jamais vrai, au sens absolu ; mais une connaissance peut le devenir.

 

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Il faut renvoyer dos-à-dos tous les "progressistes" et tous les "traditionnalistes" car, très simplement, l'évolution de tout processus complexe (et le "phénomène humain" en est un) repose, dialectiquement :

  • sur une modèle général intangible et immuable, universel et cosmologique (voilà qui fait applaudir les traditionnalistes)
  • mais qu'à chaque cycle du temps, à chaque bifurcation, à chaque mutation paradigmatique, émergent de nouvelles configurations et complexités aussi nouvelles qu'imprédictibles (voilà qui fait exulter les "progressistes", malgré que tout fantasmagorie idéologique y soit résolument inutile, inféconde et nocive).

 

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Toute idéologie "progressiste", parce qu'elle voit tout dans un rétroviseur tourné vers le passé, est la pire des expressions d'un conservatisme délétère.

 

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Toute idéologie n'est que fantasmagorie !

 

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Etymologiquement, est "moderne" ce qui est à la mode. Et ce qui est à la mode, ne vaut rien puisque la mode est soit affaire de snobs (la mode par exhibitionnisme), soit affaire de plèbe (la mode par conformisme).

 

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Il faut toujours avoir des convictions, mais jamais de certitudes.

 

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Si la sociologie – malgré que ce domaine soit, aujourd'hui, rongé par toutes les idéologies les plus nauséabondes – est le nom que l'on peut donner à l'étude des processus collectifs humains, alors :

 

  • la sociologie est, avec beaucoup d'autres, une branche d'application de la physique des processus et systèmes complexes (hors de là, il n'y a que des conjectures fantasmagoriques),
  • la sociologie englobe quelques autres sous-branches comme l'histoire, l'économie, la politique, la culture, la religion, l'écologie, etc …
  • la sociologie est une étude des relations et interactions extérieures entre humains, mais n'englobe pas l'étude du fonctionnement intérieur de l'humain qui comprend la physiologie, la noologie et les interrelations entre elles.

 

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De Paul Valéry :

 

"Parfois je pense, et parfois je suis."

 

Et pas forcément en même temps …

 

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Dans le domaine pensant de l'esprit, trois mondes se côtoient : celui des faits (fournis par la sensibilité et la mémoire), et ceux des images et des concepts (fournis par l'imagination et l'intuition).

Les "faits" sont des données brutes, plus ou moins avérées et validées, venant du vécu (des expériences).

Les "images" sont des structures imaginaires qui assemblent des faits pour en faire des chimères (des mythes).

Les "concepts" sont des idées conçues pour tenter de rendre compte de la cohérence entre les faits (des théories).

 

Ces trois mondes correspondent aux trois domaines généraux communs à tous les processus, même s'ils y portent d'autres noms.

Et comme toujours, ces trois mondes, souvent antagoniques ou contradictoires, engendrent des tensions qui doivent être optimalement dissipées par une instance harmonisante et validante que l'on peut appeler la "raison" qui est le cœur actif de l'intelligence (une des cinq composantes de l'esprit).

Lorsque la raison s'affaiblit ou démissionne (comme c'est le cas à notre époque),  ces trois mondes entrent souvent en conflit.

 

A notre époque, le monde des images tend à devenir hégémonique, détournant, dévoyant et déformant les concepts et les faits pour en alimenter ses mythes (le prototype en est le mythe complotiste). La sensibilité se fait émotivité, l'intelligence se fait falsificatrice, et l'imagination mythique prend le pouvoir au total mépris de toutes les réalités, de toutes les connaissances et de tous les savoirs.

 

L'imaginaire (et tous les caprices qui l'accompagnent) a pris le pouvoir : on se réinvente soi-même (sexe, genre, tatouage, piercings, tonsure, coloration, scarification, …) et on réinvente sa relation au monde (racialisme, islamisme, indigénisme, écologisme, véganisme, gauchisme, hyperféminisme, …).

Tout est réinventé dans des paysages imaginaires, irréels, surréalistes, mythiques et artificiels. Plus rien n'a de réalité.

Et si d'autres s'avisent à montrer la réalité du Réel et l'artificialité de tous ces mensonges mythologisés, il suffit de les assassiner pour résoudre le problème.

On en est là !

 

Trois questions se posent donc, avec une certaine urgence :

 

  • Comment restaurer la véracité des faits ?
  • Comment restaurer la validité des concepts ?
  • Comment restaurer l'efficience de la rationalité ?

Il ne s'agit pas de restaurer les piliers du paradigme "moderne" aujourd'hui révolu (rationalisme, intellectualisme, positivisme, idéologisme, laïcisme, universalisme, égalitarisme, …). Il s'agit de dépasser les mythologies reptiliennes et archaïques, inhumaines et haineuses, agressives et meurtrières, qui germent partout, et de procéder à une respiritualisation de l'Humain et à une resacralisation de la Vie … en attendant, qui sait, une sacralisation de l'Esprit.

 

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Il est vraiment dommage que Proudhon continue de souffrir de l'étiquette pesante et stérile de l'anarchisme, alors qu'il a inventé un associationnisme qui ressemble de plus en plus à nos réseaux productifs, associatifs et noétiques. Je ne lui reproche qu'une seule chose : son antisémitisme (il a assimilé, trop vite et sans attention, le monde juif et le monde financier). Mais il n'est pas le seul à être tombé dans ce panneau sordide.

 

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Pour les gens de gauche, les Juifs sont tous des banquiers, forcément véreux. Et pour les gens de droite, les Juifs sont tous des communistes, forcément sanguinaires.  Sans oublier que, pour la plupart des catholiques, voire chrétiens, les Juifs sont tous des déicides, forcément sacrilèges.

 

Le plus drôle – si j'ose dire –, c'est que les trois grandes causes de l'antisémitisme (les soupçons sur la religion, la communauté et l'argent) sont le fait de trois juifs : Jésus, Marx et Rothschild …

Heureusement, il n'y eut que les deux premiers à être des renégats !

 

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Dès que les humains ont compris leur grande inaptitude à survivre en milieu sauvage, ils se sont unis par souci d'efficacité sur deux plans : anticiper les dangers et opportunités (c'est le rôle du sorcier, de l'autorité noétique) et coordonner les actes et mouvements (c'est le rôle du chef, du pouvoir politique).

Il fallut donc, très vite, trouver les méthodes qui permettent d'asseoir stablement et durablement l'autorité du sorcier (pour croire à ce qu'il dit) et du pouvoir du chef (pour obéir à ce qu'il exige).

Il n'y en a en fait que trois possibilités : l'élection, l'hérédité ou la cooptation.

Aujourd'hui, il y a toujours ceux qui savent et ceux qui commandent (ces deux fonctions exigent des talents et des aptitudes différentes), mais les bonnes méthodes pour asseoir leurs autorités et pouvoirs ne sont toujours pas ni plus solides ni plus fiables.

Avec le néolithique et l'advenue de l'agriculture, de l'élevage et des artisanats, une troisième fonction sociétale est née : la puissance économique de l'entrepreneur dont la tâche est d'approvisionner les autres en denrées utiles ou désirables.

Voilà toute la structure triadique de toutes les collectivités humaines depuis 10.000 ans. La seule chose qui ait changer, ce sont les modalités concernant les pouvoirs (désignation, consécration, contrôle).

Et, comme par hasard, ces trois axes (politique, noétique et économique) correspondent, trait pour trait, aux trois domaines de tout processus complexe : le domaine topologique pour les territoires (politique), le domaine eidétique pour les connaissances (noétique) et le domaine dynamique pour les activités (économique).

 

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Certains se réfèrent encore à la phénoménologie.

Il est pourtant évident que le mouvement phénoménologique – comme la mouvance existentialiste, d'ailleurs – a débouché sur une échec philosophique cuisant.

Il ne peut accoucher que des questions sans réponse, des observations sans explication, des catalogues de faits sans connexions ni cohérences, un monstre de relativisme.

Le fait de se concentrer sur la perception des seules apparences et sur l'analyse des rapports entre la pensée et ces apparences, engendre un colossal – mais stérile – Ouroboros.

Parce qu'elle récuse, à la fois, l'idée que l'esprit humain n'est qu'une manifestation de l'Esprit cosmique, et l'idée que c'est ce même Esprit cosmique qui produit les phénomènes et leur aperception, dans une unité absolue qui transcende le sujet et son objet, la phénoménologie tourne en rond et psychote (comme son pénible sous-produit américanisé appelé "philosophie analytique").

La phénoménologie est, sans doute, le développement ultime des subjectivismes cartésiens et kantiens.

La phénoménologie, c'est la conscience qui tourne autour d'elle-même.

 

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L'expression substantivée du "vivre-ensemble" m'agace prodigieusement. La seule vraie vie de chacun est sa vie intérieure et intime. C'est là et là seulement que se place l'essentiel.

A part quelques très rares exceptions, "les autres" me sont totalement étrangers et indifférents : ils ne sont que des utilitaires, porteurs de flux, matériels ou immatériels, dont je peux avoir besoin.

Plus leur vie intérieure – la seule importante et authentique, rappelons-le – est pauvre et vide, plus les humains se tournent vers "les autres" pour la remplir de leurs vides à eux.

Ce n'est que cela, la socialité : la mise en commun des vides intérieurs en vue d'en détourner la conscience que l'on pourrait en avoir.

Le "vivre-ensemble" est une mutualisation du vide, de la pauvreté et de l'ennui qui habitent ces âmes médiocres. Le "vivre-ensemble" n'est que du "jouer-ensemble", du "s'amuser-ensemble",  du "perdre-son-temps-ensemble", du "tromper-l'ennui-ensemble", du "combler-le-vide-de-la-vie-ensemble".

Pour celui qui vit une vie intérieure intense et riche, "l'autre" est toujours un importun qui dérange.

 

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Le retour forcené des images, icônes, totems, tatouages, … en tous genres est le signe le plus flagrant de la régression et de la dégénérescence culturelles actuelles.

 

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Il y a, pour moi, synonymie totale entre culturel et sociétal, entre culture et socialité.

Pour moi, la culture est l'ensemble de toutes les superstructures comportementales et éthologiques qui sont communes à une collectivité, quelle qu'elle soit.

Cette superstructure fixe les mœurs – mores en latin – codifiés en morale ; elle s'est construire sur une infrastructure biologique et génétique bien spécifique

La socialité révèle de la culture qui, elle, relève de la nature collective.

Et le problème posé par certaines minorités activistes, est l'incompatibilité radicale entre leurs comportements et la culture ambiante.

 

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Platon fait dire à Socrate dans "Le Cratyle", cette ânerie grave :

 

"Mais si tout change sans cesse,

aucune science n'est possible ?"

 

Cette énormité n'a qu'une seule source : l'attachement de Platon à une métaphysique de l'Être, c'est-à-dire de l'immuable et de l'intemporel "derrière" les phénomènes, les mouvements et les mutations.

Héraclite d'Ephèse, pourtant, avait déjà penser une métaphysique du Devenir … Mais rien n'y fit : Parménide avait déjà gagné.

 

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Le paganisme n'a rien à voir avec l'athéisme comme les vociférations dualistes chrétiennes ont réussi à le faire croire.

Le paganisme est la déification et la sacralisation du Réel comme Matière, Vie et Esprit, comme Unité foncière et comme Nature intelligente.

Aujourd'hui, si l'on voulait parler de la même démarche spirituelle en évitant le piège des mots détournés et vilipendés, il faudrait parler, comme je le fait, de panenthéisme (monisme, immanentisme, émanationnisme, émergentisme, vitalisme, intentionnalisme, constructivisme, etc …).

Il ne s'agit nullement d'une négation du Divin. Tout au contraire. Mais il s'agit bien d'un refus des dualismes monothéistes ; refus qui fut celui, au sein du christianisme, des Evangiles gnostiques, d'un Denys l'Aréopagite, d'un Jean Scot Erigène, d'un Maître Eckhart d'Hochheim, d'un Angelus Silésius, d'un Pascal (parfois), d'un Teilhard de Chardin (souvent), … qui fut, ailleurs, celui des kabbalistes juifs ou des soufis musulmans, aussi, sans parler du taoïsme ou du védantisme, plus lointains.

 

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L'humain doit urgemment réapprendre à coconstruire un monde réunifié et réenchanté en collaboration avec toutes les formes et forces de la Matière, de la Vie et de l'Esprit.

Il doit d'urgence désapprendre à se croire venu d'ailleurs ou allant ailleurs que de ce monde-ci, tel qu'il est et tel qu'il va.

C'est lui qui doit se mettre au service du Réel et non l'inverse.

 

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La difficulté n'est pas tant de trouver une bonne solution que de bien poser le problème.

Et la difficulté de la difficulté, c'est de savoir qu'els sont les vrais problèmes de la vraie vie.

 

Au fond, il n'y en a que pas tant que cela … même bien peu, en définitive.

Vivre content de ce que l'on est devenu.

Vivre satisfait de ce que l'on gagne ou possède.

Vivre proche de la Nature.

Vivre en reliance avec le Réel.

Vivre dans l'amour de quelques-uns et dans l'indifférence de tous les autres.

Vivre en pleine conscience de la sacralité de tout ce qui existe.

Vivre !

 

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De mon ami Michel Maffesoli :

 

"La statistique est l'astrologie du monde moderne."

 

Le culte des sondages. La religion des palmarès. La grand'messe des pronostics. Le messie "probabilité".

 

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Faut-il opposer "l'image" (ce qui se trace ou se dessine) et "la parole" (ce qui se dit ou s'écrit) ?

La Torah le fait, interdisant l'image et sacralisant la parole. Pourquoi ? Parce que l'image induit l'idolâtrie (Ex.:20;4 et 5).

Mais aussi parce que l'image simplifie, caricature, infantilise et pointe vers le "Ceci n'est pas une pipe" de René Magritte, ou vers la différence cruciale entre "la carte" (l'image) et "le territoire" (le réel).

De plus, l'image se reçoit unilatéralement : elle est passive, alors que la parole s'échange et est, dès lors, active.

Le désastre, aujourd'hui, est que l'image prend toute la place avec l'audio-visuel amplifié par le numérique (sans parler de la BD), et fabrique de vrais "idiots-virtuels".

L'esprit des masses se déshabitue à utiliser des concepts jugés trop difficiles à manipuler. On ne pense plus ; on ingurgite.

La pensée, la parole et l'intelligence s'appauvrissent d'autant, et à grande vitesse.

L'image induit des fantasmes et des fantasmagories qui détournent l'humain de sa réalité et de sa mission.

 

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Chaque idéologie s'est créé son propre style artistique reflétant la manière dont il a envie d'être représenté et montré.

Plus cette idéologie est totalitaire, plus ce style est lourd et laid.

 

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La Modernité, entre Renaissance et aujourd'hui, se confond avec le Bourgeoisisme : le règne de la quantité, de la matérialité, de l'argent, de la ville (le bourg), de la marchandisation, de la moraline, du savoir-vivre, de la littérature, de la conformité, etc …

La Renaissance marque les débuts de l'économie marchande et industrielle (c'est une erreur de croire que la production de masse et en série est née avec la révolution thermique du 19ème siècle ; celle-ci n'a fait que l'amplifier et l'accélérer) et donc ceux du "bourgeois" urbain.

Le bourgeoisisme triomphe au 19ème siècle, siècle : il détrône les Rois et il installe le positivisme, le rationalisme, le nationalisme, l'industrialisme, le démocratisme (surtout censitaire), le socialisme (l'appétence des prolétaires à devenir bourgeois), l'agnosticisme, … au pouvoir.

 

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Il est temps que chacun redevienne responsable, personnellement et juridiquement, de ses propos, paroles, écrits quel qu'en soit le support.

Le principe en est simple : tout propos qui agresse une personne vivante, nommément désignée, est condamnable dès lors que la personne en question porte plainte.

En revanche, la liberté de parole doit être totale dans le champ des idées et des opinions générales – aussi stupides soient-elles.

 

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Le mépris agressif des sociologues, des politiques et autres universitaires pour l'économie est sidérante. Ces gens-là ne mangent-ils pas, ne boivent-ils pas, ne consomment-ils pas, n'habitent-ils nulle part ? Ce profond dédain pour l'économique est typique de nantis privilégiés (le plus souvent assistés parasitiques des institutions étatiques) qui s'autoproclament "au-dessus" des mesquineries concrètes de la survie banale (tout en professant des idéologies le plus souvent gauchisantes).

Ils ne veulent pas comprendre que les vilaines activités économiques forment le socle essentiel de toute socialité, préalablement à toute forme d'activité intellectuelle ou culturelle.

Sans économie, il ne reste plus rien qu'une jungle de gens affamés, armés de gourdins.

Produire, vendre et distribuer, d'abord ; le reste (qui n'intéresse, malheureusement, qu'un tout petit nombre) vient bien après.

Il n'y a pas d'intelligence sans un minimum de satiété préalable.

Il n'y a pas de culture sans un minimum de prospérité préalable.

L'économique précède l'académique.

 

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Et toujours cette même et si pénible confusion entre économisme, libéralisme, capitalisme et financiarisme.

Rappelons les définitions :

 

  • Economisme : réduction de toute socialité au pur et simple économique.
  • Libéralisme : promotion de toutes les autonomies personnelles et collectives contre toutes les formes de totalitarisme, même doux.
  • Capitalisme : puissance de l'argent comme moteur de financement des entreprises et initiatives, tant privées qu'étatisées.
  • Financiarisme : activité purement spéculative ayant pour seul but de faire de l'argent avec de l'argent, sans travail.

 

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Les masses ne pensent pas ; elles adoptent les slogans des démagogues qui les flattent.

Elles vont toujours là où ils les poussent … et s'aperçoivent, trop tard, qu'elles sont dans une impasse. Alors elles écoutent d'autres démagogues et les suivent ailleurs … si elles ne sont pas enfermées dans une prison politique.

 

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La démocratie, c'est la loi des démagogues au lieu de la loi des aristocrates.

 

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En physique, les masses sont toujours des puissances inertielles de résistance au mouvement, occupant de l'espace.

En politique aussi.

En physique, les masses, c'est ce qui résiste aux forces extérieures.

En politique aussi.

 

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La notion grecque de "bon tyran" (cfr. Aristote), c'est-à-dire d'un gouvernement aristocratique pratiquant l'évergétisme (la gouvernance au service exclusif du bien-vivre commun), est totalement d'actualité.

Les démocratismes sont obsolètes et les totalitarismes sont haïssables.

 

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L'humain ne peut plus se penser comme "un élément extérieur et hétérogène", au-dessus de la Nature cosmique. Il en est à la fois le produit et une (infime) partie intégrante.

Il est urgent que l'humain reprenne conscience de sa totale appartenance au Réel qui le dépasse infiniment, et y reprenne sa juste et modeste place.

Il est urgent de passer de l'anthropocentrisme au cosmocentrisme.

 

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Le bon sens "populaire" n'est qu'une vague trace des idées des élites ancestrales.

Il est l'art délétère de réduire la complexité actuelle aux ombres d'une "sagesse" dépassée et du passé.

 

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Un arbre, pour être et rester sain, a besoin de basses racines pour capter l'eau et les sels minéraux de la terre, et il a besoin de hautes feuilles pour capter la lumière du soleil et l'air du vent dans le ciel.

Filons la métaphore …

Un esprit, pour être et rester sain, a besoin d'un enracinement profond dans une généalogie culturelle pour y puiser les connaissances (vraies et fausses) qui ont été accumulées dans la mémoire collective, et il a besoin de capter la lumière cosmique et divine, et des inspirations fluides et abstraites pour construire sa propre vision systémique du monde.

Les quatre éléments doivent alimenter l'arbre : l'eau, la terre (les sels), le feu (la lumière) et l'air. De même en ce qui concerne l'esprit. Se contenter de l'eau et de la terre (la tradition, la mémoire, etc …) venant du bas, voue l'esprit au même dépérissement que s'il se limitait à la seule lumière et à la seule inspiration venant du haut (l'illumination, l'imaginaire, le fantasme, etc …).

La dialectique entre la Terre et le Ciel est vitalement indispensable pour construire une pensée saine.

Ni le seul enracinement dans la Terre, ni la seule illumination venue du Ciel ne suffisent : penser, c'est instaurer un dialogue entre ces deux sources de la Connaissance qui se construit et qui, ce faisant, se rapproche, progressivement, de la Vérité connue du seul Réel.

En matière de Gnose, ni "l'âge d'or" du passé, ni "la parole perdue" n'ont de signification : tout reste à construire.

Rien n'a été perdu ; tout reste à trouver.

 

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Il est intéressant de constater que partout dans les mythologies, dans les "contes et légendes", dans certains livres sacrés, il y a une constante idée récurrente : le "miracle" !

Ce qui fait l'essence même de ces histoires, c'est que, par le miracle (l'intervention des esprits surnaturels), certains humains privilégiés puissent échapper au Réel et à ses lois d'airain.

Ces "histoires" véhiculent, en fait, une peur et une haine du Réel.

D'où l'importance de la "prière" qui est supplique quémandeuse pour que l'ordre du Réel soit enfreint au profit du héros et ce, bien entendu, à la condition expresse de sa "pureté".

De là il faut conclure que le grand défi du nouveau paradigme qui s'ouvre, soit le rejet de toutes ces balivernes (le surnaturel, les miracles, la prière) et l'assomption radicale du Réel tel qu'il est et tel qu'il va.

Il va falloir, dare-dare, respiritualiser et resacraliser le Réel en tant que tel et comprendre, enfin, que rien, absolument rien, n'existe hors de lui et de son évolution par sauts successifs d'émergence.

 

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De mon ami Michel Maffesoli :

 

"Dire oui tout de même à une existence précaire et précieuse à la fois. Un tel stoïcisme (…) est un fondement de la sagesse populaire (…)."

 

Michel, comment oses-tu écrire de pareilles inepties ?

D'abord, la "sagesse populaire", cela n'existe pas : les masses sont dans l'hybris permanent (il suffit d'assister à un match de foot pour s'en convaincre).

Ensuite, le stoïcisme est le prototype de la doctrine aristocratique inaccessible à la plèbe.

Enfin, la populace n'accepte en rien la vie telle qu'elle est, et elle passe son temps à exiger des miracles (naguère religieux, aujourd'hui économiques ou politiques) que les démagogues promettent de réaliser … bientôt.

 

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Il est absurde et criminel, au nom des excès du rationalisme, de rejeter toute rationalité et de s'en remettre totalement, comme le fait notre époque, à l'émotivité.

L'émotion est ennemie jurée de la réalité du Réel ! Le Réel n'a pas d'émotion et ne connaît ni souffrance, ni morale, ni justice, ni remord, ni regret.

Il est temps d'éradiquer toutes les formes d'anthropomorphisme.

 

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Le néant n'est ni le vide, ni le manque. Le néant est le non-étant ; il n'existe pas. En revanche, les vides et les manques existent bel et bien et appellent à être remplis : ce sont là des espaces de création qui attendent, plus ou moins patiemment, l'acte créateur.

 

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La vacuité hindouiste, reprise par le bouddhisme et par le zen (qui est, avant tout, un taoïsme augmenté de méditation), n'est en rien un néant !

 

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Il est effrayant de lire que certains puissent croire que chacun n'existe que par sa relation à l'autre, que dans le regard de l'autre, qu'en fonction de l'autre ; que la vraie vie est sociale et que ses manifestations les plus réelles et fondamentales s'expriment dans les "vibrations" collectives comme les spectacles populaires, les concerts pops, les compétitions sportives (sur les dégradants gradins), les grand-messes (pseudo)religieuses, les médias sociaux, les meetings politiques ou syndicaux, et toutes les manifestations de foule …

Il est affligeant de découvrir que ces mêmes idiots ne voient pas que ces "communions" populacières ne sont que le reflet dramatique d'immenses vides intérieurs que l'on comble, artificiellement et éphémèrement, par quelques illusions égrégoriques.

Gustave Le Bon avait, en son temps, étudier cette "psychologie des foules" pour en conclure qu'elle exprime une dégénérescence vers le degré "zéro" de l'intelligence humaine, un triomphe du cerveau reptilien sur le néocortex.

La liesse populaire relève de l'euphorie, de l'ivresse, de l'hypnose, de l'orgiaque, de l'hybris … mais elle est absolument étrangère à toute joie authentique. Sa seule conséquence est la gueule de bois, tant physiologique que psychologique.

D'où donc vient cette incapacité de beaucoup à comprendre que la seule vraie vie authentique est radicalement intérieure ?

 

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Le vrai problème de notre époque – et du changement de paradigme qu'elle vit -, c'est le remplacement des élites d'hier par les aristocraties de demain.

 

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Hors le couple vrai qui est une communion fusionnelle d'un homme et d'une femme complémentaires, personne n'a besoin des autres ; mais tous nous avons besoin du produit de l'activité des autres. Et donc, les autres qui importent, sont ceux dont les produits témoignent d'une vraie virtuosité rare.

 

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Au-delà des authentiques communautés de vie ayant un vrai patrimoine et un vrai projet communs, les notions de solidarité, générosité, fraternité, compassion, gratuité, dévouement, abnégation, sacrifice, partage, charité, etc … sont de purs fantasmes sentimentalistes.

 

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Lorsque l'on philosophe, il ne faut surtout jamais confondre "l'autre" (l'autre humain) et l'Autre (la totalité de ce qui m'est extérieur au sein du Réel-Un).

Il est évident que "l'autre" fait intégralement partie de l'Autre, mais de façon souvent insignifiante.

L'Autre est le pendant du Soi qui est, au-delà du "moi", la totalité de ce qui m'est intérieur au sein du Réel-Un.

La tradition védantiste avait nommé l'Autre, le Brahman, et le Soi, l'Atman, et avait bien abouti à cette équation radicalement moniste que le Brahman et l'Atman sont une seule et même réalité : le Réel-Un.

Cette vérité fait s'effondrer, en même temps, toute idée d'altérité et toute idée d'ipséité.

Il ne reste alors plus que le Réel-Un paré de ses infinies manifestations phénoménales, comme autant de vagues à la surface de l'océan unique.

 

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La banalité pourrait être émerveillante si tant de médiocrité ne venait la ternir trop souvent.

Il faut exercer une solide volonté pour dégager la vie concrète de toute cette fange humaine si médiocre qui la recouvre sans cesse.

Alors seulement, on s'émeut du vol d'un bourdon, du chant d'un coucou, d'une feuille de noisetier ou d'une fleur de lys.

 

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Il est récurrent, en phase de chaotisation, entre ancien et nouveau paradigmes, qu'il y ait des mouvances de nostalgie profonde – stérile, mais rassurante – qui voudrait retrouver dans la "tradition" les repères que la chaotisation a rendu obsolètes.

Un retour rassurant aux mythes des origines, de "l'âge d'or", des racines.

Le racialisme ou le fondamentalisme ne sont pas autre chose. Ils exigent une réécriture falsifiée de l'histoire pour effacer l'inéluctabilité de la chaotisation qui bouleverse tous les repères "d'avant".

Un Français naguère noir ou musulman, devient, à présent, un "racialisable" ou un "radicalisable". Il n'est plus rien par lui-même et se raccroche au plus visible, au plus élémentaire, au plus racinaire : la couleur de sa peau, les prières de son enfance.

 

Ou alors, pour échapper au Réel qui le rattrape sans cesse, il se prend à se rêver autre qu'il n'est, en termes de physionomie, de morphologie, de culture, de sexe ou de genre : même fuite éperdue et perdue d'avance.

 

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Michel Maffesoli a raison lorsqu'il écrit ce constat : "Mobilisation particulièrement évidente pour les jeunes générations pour lesquelles le 'projet', sous ses diverses formes, ne fait plus recette. L'accent étant plutôt mis sur l'intensité du moment".

Au nom d'un rejet supposé d'une logicité globale de la construction de soi et de l'autour de soi, Michel s'en réjouit.

Quant à moi, je m'en attriste car, sans projet, il n'y a plus de raison d'exister, il n'y a plus d'œuvre à accomplir, il n'y a plus de sens de la vie … et il ne reste plus que des épaves dérivant au gré des courants de mode ou de caprice, à la merci de n'importe quel prêcheur ou démagogue.

Ne pas savoir où l'on va, c'est n'aller nulle part.

Ou bien l'on construit sa vie, ou bien l'on vagabonde sa vie.

Et Michel de rêver un monde de vagabonds qui vagabondent ensemble pour n'aller nulle part, au service de rien, sans aucune autre raison d'être que la satisfaction immédiate de leurs caprices du moment.

 

*

 

Au fond de lui-même, chaque humain est infiniment et définitivement seul.

Et cette solitude peut être vécue comme une grâce ou comme une souffrance.

Je la vis personnellement comme une grâce puisque mon intériorité intime et profonde est le seul lieu de ma totale et parfaite liberté.

Se savoir seul, c'est se savoir libre.

La prison de chacun, c'est les autres.

 

Dans son "La positive solitude", Hervé Magnin écrit :

 

"Quand on est constamment avec les autres, on se perd dans toutes ces relations, on subit en permanence leur influence. (…) Prendre du temps pour être seul est une source d’épanouissement car on prend de la distance par rapport à ce qu'il se passe dans le monde, dans sa vie. Cela favorise une certaine qualité d’introspection. (…) Lorsque l’on a l'habitude d'expérimenter des choses seul, on est plus serein et on ne cherche pas à tout prix à les vivre à travers et avec les autres. (…) Pour la société, si l'on est seul c’est que l’on n’est pas sociable"

 

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La phénoménologie, au fond, n'est que l'expression intellectualisée d'une allergie profonde au travail théorique qui, au-delà des phénomènes, veut comprendre le noumène, c'est-à-dire le Réel en tant qu'il est ce qu'il est, indépendamment de celui qui l'observe.

 

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La nostalgie est le non-souvenir d'un art de vivre qui n'a jamais existé.

La nostalgie est la retombée d'une fantasmagorie imaginaire.

C'est l'autre face de ce "bon vieux temps" qui n'a jamais existé mais que l'on se plaît à sempiternellement réinventer.

Michel Serres a écrit un très bon livre sur ce thème.

 

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Dans l'échelle de la sensibilité, au plus bas, l'émotion est exécrable et, au plus haut, le sublime est divin.

Aujourd'hui, nous sommes tombé au plus bas de cette échelle !

L'émotivité est le cancer de l'esprit ; elle ronge tout sur son passage et surtout, avant tout, elle gangrène la réalité du Réel que l'on ne voit plus qu'au travers du verre déformant de la sensiblerie.

 

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La sublime : oui !

L'émotion : non !

 

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Presque rien, dans le Réel, n'est linéaire (parce que presque rien n'y est additif).

La science – la physique – pendant longtemps, parce qu'obsédée de mathématisation et d'équations solubles, a cherché à tout linéariser et, de ce fait, est passée à côté de tout ce qui est complexe, de tout ce qui est irréversible, de tout ce qui est non déterministe.

 

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Il est vraiment urgent que les "sciences" sociales et humaines prennent conscience ("Science sans conscience n'est que ruine de l'âme" disait François Rabelais) que, tant qu'elles resteront de pures conjectures souvent idéologiques et qu'elles n'accepteront pas de n'être que des champs d'application particuliers de la science physique (la physique des processus complexes, s'entend), elles ne seront aucunement crédibles.

L'univers réel n'a pas attendu l'émergence de l'humain pour se doter d'une logicité globale et profonde qui englobe et pilote tous les processus, l'humain compris !

Les sociologues, économistes, psychologues, historiens, etc … de demain, seront des physiciens, ou ne seront pas !

Sous peine de fondre et de disparaître, les "sciences molles" doivent devenir des "sciences dures".

 

Remarque : "sciences dures" ne signifie pas forcément "sciences exactes" … Ces sciences-là sont dures par la dureté (rigueur, précision, systématicité) de leurs méthodes. Les résultats atteints ne sont pas forcément exacts … et s'il ne le sont pas, il faut pouvoir en évaluer la marge d'erreur.

 

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On ne voit que ce que l'on cherche à regarder.

On n'entend que ce que l'on cherche à écouter.

On ne pense que ce que l'on cherche à comprendre.

C'est la volonté qui dirige la perception et la conception.

 

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Le Réel est une immense dialectique entre sa Mémoire et son Intention.

Tout le reste n'est que modalités et sauts émergentiels.

 

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Quand donc comprendra-t-on que les objets n'existent pas en eux-mêmes puisqu'ils ne sont tous que des vagues à la surface du même océan appelé "Réel".

Une vague est une manifestation, mais pas un objet.

 

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D'Emile Durkheim :

 

"La loi suit les mœurs."

 

C'est l'évidence même. Il n'existe aucune morale naturelle, aucun droit naturel qui seraient indépendants de la réalité vécue des gens, à telle époque, dans telle contrée.

La loi n'est toujours que conventionnelle. La loi n'est jamais que la traduction technique des habitudes de vie, des peurs et aspirations du lieu et du moment.

 

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La rationalité et la raison ne se réduisent heureusement pas à la seule déduction logique de conséquences exactes ("exact" ne signifie pas forcément "vrai") à partir de postulats présupposés.

La rationalité est bien plus que cette logique déductive ; elle est un processus de validation globale et systématique (c'est cette systématicité systémique qui fonde la rationalité) à la fois des conséquences déduites, mais surtout des postulats préliminaires.

Quand on prétend, par exemple, que le marxisme est "rationaliste", donc "scientifique", on se trompe : si ses déductions sont parfois logiquement exactes, ses prémisses et postulats sont profondément faux … avec les conséquences que l'on sait : une théorie fausse ne peut être appliquée sur le Réel que dans la violence totalitaire.

 

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La raison donne raison … dans les sens et à tous les niveaux de la démarche de pensée.

 

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La raison n'est qu'un des outils de l'intelligence.

 

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Aujourd'hui, au nom des abus d'un certain rationaliste positiviste et scientiste, on en vient, par raccourci, à condamner l'intelligence au profit de l'émotion.

Apologie consternante de la bêtise et de l'ignorance, de la barbarie, donc.

 

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Certains aimeraient faire de la solidarité et de la générosité (bref, de la charité chrétienne) des absolus. Rien n'est plus faux.

Toute générosité, toute solidarité, pour être réelle et efficace, doivent être sélectives et électives.

On n'est vraiment généreux et solidaire qu'envers des gens que l'on a choisi.

Pour les autres, il ne reste qu'une indifférence au mieux bienveillante.

 

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Interdépendance ne signifie pas solidarité.

Le sentiment de solidarité est une émotion vécue, mais l'interdépendance est une réalité factuelle (et utilitaire) qui n'implique aucun sentiment.

Je suis interdépendant de mon boulanger pour mon approvisionnement en bon pain, certes, mais le fait que ce boulanger soit mon ami et qu'il puisse compter sur moi en cas de pépin, est une toute autre affaire.

 

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La pensée rationnelle et la passion ne sont nullement opposées ou contradictoires, dès lors que, par passion, on entende "enthousiasme" ("dans le souffle des dieux") et non "émotion" ou "désir" ou "envie" c'est-à-dire "caprice".

Mettre la pensée au service d'un enthousiasme c'est-à-dire d'un projet, d'une œuvre, d'un chantier de vie, est la meilleure chose qui puisse arriver.

 

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L'enthousiasme est probablement l'énergie qui manque le plus dans notre monde humain actuel.

La plupart de nos contemporains oscillent entre indifférence, dégoût et caprice.

 

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L'intuition n'est rien d'autre - mais c'est énorme et quasi incroyable – qu'une reliance et une résonance entre un esprit humain et l'Esprit cosmique dont il est une manifestation locale et qui se pense à travers lui.

L'intuition n'est pas rationnelle, mais elle est encore moins émotionnelle.

C'est elle qui est la source de tout processus de pensée. C'est elle qui le provoque, l'irrigue et le nourrit.

L'intuition est une sensibilité particulière, une sensibilité au sublime, non polluée par les émotions (qui ne sont aucunement des reliances, mais seulement des bulles de sensiblerie qui tournent en rond et en boucle).

 

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Pratiquer l'originalité exubérante, ce n'est pas rechercher le remarquable, c'est chercher à se faire remarquer, pour se faire croire qu'on existe.

 

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Le "pourquoi" est oiseux.

Le "comment" n'est que technique.

Seul le "pour quoi" est intéressant.

En tout, chercher l'intention !

 

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L'expression nommant le "vibrer-ensemble" qu'il est convenu d'utiliser pour caractériser toutes les manifestations de foule, surtout jeunes, est riche de sens.

Car qu'est-ce qu'une vibration sinon un simulacre de mouvement qui reste sur place. C'est donc quelque chose qui relève de l'instant vécu, hors passé et hors avenir, sans mémoire ni intention.

Juste être là et secouer quelque chose, à l'intérieur. Mais secouer quoi ? La rassurance pour le faible de se sentir fort par le nombre : "Je ne suis rien, je suis vide, je suis nul, mais, avec les autres, je me sens fort et vivant car ils me remplissent de leur médiocrité".

Peu importe le prétexte (musical, sportif, religieux, politique, syndical, …), tout est bon pour aller se croire vivant en compagnie d'autres zombies qui viennent là, pour chercher la même chose.

 

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Le mot "zombie" me fait dire que notre époque vit une processus diffus, viral et insidieux de zombification de tous ceux qui ne comprennent rien à la Vie au-delà de leur petite et médiocre existence nombriliste (surtout chez les jeunes, mais pas seulement).

Le TLF définit, très justement le zombie comme une "Personne vidée de sa substance, sans volonté.".

 

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Ce que Michel Maffesoli appelle les "tribus postmodernes" ne sont que des "conglomérats de zombies", des "bandes de paumés en voie de radicalisation".

Il faut les distinguer radicalement des "réseaux noétiques" et des "clans aristocratiques".

Ce sont ces derniers qui sont déjà les moteurs du dépassement des vieilles pyramides de l'ancien paradigme ; les tribus de barbares n'y ont aucun rôle sauf celui de semer de la violence là où il n'en faudrait pas.

 

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De Friedrich Nietzsche :

 

"Le savant, conformément à sa nature, est infécond (…) et est animé d'une sorte de haine naturelle contre les hommes féconds. Ce qui explique pourquoi, de tous temps, les génies et les savants se sont combattus."

 

C'est le combat naturel de la mémoire (l'érudition) et de l'intention (la création).

Mais, comme toujours, cette bipolarité est indispensable et vitale, entre conservativité et constructivité.

 

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Le populisme est une aberration agaçante. Le fait de croire que le "génie" du peuple est de loin supérieur à l'intelligence des génies, est proprement sidérant.

Rien n'est jamais sorti des masses plébéiennes. Ce sont les locomotives qui tirent les wagons et non l'inverse.

 

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Il faudra bien, un jour, que les tenants de l'altruisme explicitent qui est cet "autre" pour lequel ils gesticulent tant.

Il est pour moi bien plus essentiel de sauver les abeilles du Morvan que de sauver les affamés du Sahel.

La Vie importe infiniment plus que l'humain.

Rien n'est plus détestable que l'humanisme ou, pire encore, l'humanitarisme.

Pourquoi donc le darwinisme (la sélection naturelle du plus apte) devrait-il s'appliquer à toutes les espèces sauf à l'humain ?

C'est la vie sur Terre qu'il faut sauver. Pas l'humain. Il y a aujourd'hui 5.5 milliards d'humains en trop sur notre petiote planète. Et ce "trop" tue tout le reste.

 

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Il faut se méfier de toutes les envolées idéalisantes repérées sur les médias sociaux. Notamment celles concernant le solidarisme larmoyant envers des "victimes" présentées comme telles. Le grande majorité de ces postures ne font qu'entériner une émotivité éphémère sans aucune autre conséquence pratique que d'avoir "communier" dans une sensiblerie conformiste. Pour le reste, il s'agit de mercantilisme pur et simple, fomenté par certains qui tentent de tirer des profits, sonnants et trébuchants, du larmoiement ambiant.

Il faut cesser de croire que les médias sociaux reflètent une pensée réelle et populaire, venant s'opposer au cynisme des institutions.

Les médias sociaux ne sont qu'une immense entreprise manipulatoire sur les esprits faibles en quête d'émotionnalité.

 

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Le désir est haïssable.

Le désir d'être autre que ce que l'on est ou de posséder autre chose que ce que l'on a.

Le stoïcisme et le bouddhisme, chacun à sa manière, ont clos le débat là-dessus.

Le désir exprime le refus du Réel, au présent, tel qu'il est et tel qu'il va. Il veut toujours autre chose qui n'est pas.

Si le plaisir se présente, pourquoi ne pas l'accepter ? Mais surtout, il ne faut jamais le rechercher car le plaisir, alors, devient un esclavage.

L'hédonisme est une impasse porcine qui est la négation absolue de l'ascèse de l'accomplissement de soi et de l'autour de soi.

 

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Jusqu'à aujourd'hui, j'avais utilisé, à tort, le mot grec Logos pour exprimer le fait que le Réel était gouverné par une logicité à la fois absolue et immanente que l'on pouvait assimiler à la notion d'Esprit cosmique ou de Divin ou de Dieu.

Il me faut changer de vocable et parler, dorénavant, de Nomos, de cosmonomie fondamentale pour exprimer que le Réel est absolument gouverné par des règles, des lois, des normes irréfragables qui gouvernent tout ce qui existe.

Le Logos n'est plus que la formulation, l'expression, l'explicitation du Nomos.

La cosmonomie représente l'idée fondamentale que l'ordre (Kosmos) du Réel est gouverné par une Règle unique (Nomos), transcendante et immanente, qui régit le tout de ce qui existe.

L'Esprit cosmique est ce Nomos ! Le Logos n'en est plus que l'explicitation.

 

Aurélien Barrau et Daniel Parrochia écrivent, d'ailleurs, en ce sens :

 

"La science de l’univers, du système-univers considéré dans son ensemble depuis l’éventuel instant initial jusqu’à l’éventuel instant final sans aucune limite spatiale, aurait pu se proclamer cosmonomie."

 

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EN RESUME

 

Tout au long de son "L'Ordre des Choses", mon ami Michel Maffesoli ne semble pas vouloir comprendre que le "phénomène humain" (comme n'importe quel processus) évolue (doit évoluer constamment pour se perpétuer) sous la tension de trois dialectiques (trois bipolarités, donc, dont chacune induit une loi normale de répartition des individus) qui sont indispensables et vitales comme moteur de la vie :

 

  • Sur le plan topologique : chaque humain est à la fois social (intégration extérieure) et asocial (individuation intérieure).
  • Sur le plan dynamique : chaque humain est à la fois énergique (constructivité projective) et inertiel (passivité traditionaliste).
  • Sur le plan eidétique : chaque humain est à la fois rationnel (intelligence structurante) et émotionnel (sensiblerie empathique).

 

Michel espère un humain enfin débarrassé de son asocialité, de sa intellectualité et de la rationalité afin que ses racines les plus primitives (socialité tribale, traditionalisme ancestral, émotivité lacrymale) triomphent enfin contre les "méfaits" de la civilisation. Il aspire donc à une dégénérescence, à une régression, à une re-barbarisation de l'humanité, et semble croire, dur comme fer, que tel sera le nouveau paradigme en émergence.

Cette nostalgie racinaire est absurde car, l'évolution d'un processus n'étant jamais réversible, un retour à quelque "âge d'or" que ce soit est simplement impossible (l'histoire est un constructivisme accumulatif).

En revanche, ce qui est vrai, c'est que la période inter-paradigmatique (que nous vivons) est  chaotique et propice à toutes les barbarisations temporaires (islamisme, wokisme, gauchisme, fascisme, genrisme, etc …).

 

Marc Halévy - Juin 2021