Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Méditation prospective.

Pour Espuma ...

Comme le démontre les situations chaotiques qui sont les nôtres aujourd'hui, le paradigme de la Modernité, né vers 1500 à la Renaissance, meurt sous nos yeux et, avec lui, nos illusions quant à l'abondance infinie de ressources, aux technologie mécaniques, aux organisations hiérarchiques pyramidales (notamment étatiques) basées sur les normes et les procédures, l'obsession consommatoire de gros volumes  et de petits prix, et à la toute puissance de l'égocentrisme nombriliste.

 

Il est temps de construire le nouveau paradigme et d'apprendre à vivre autrement, à troquer l'obsession mystificatrice du "plaisir" et du "bonheur", pour une authentique quête de la joie de vivre ! Pour cela, cinq défis sont à relever tant à l'intérieur de nous-mêmes que dans nos relations avec les autres et le monde.

 

Le premier défi est celui de la frugalité qui n'est ni un "manque", ni une "austérité", ni une "privation". Il s'agit simplement, dans tout ce que l'on fait, de pratiquer un minimalisme raisonnable : faire le mieux avec le moins. Construire bien sa vie en consommant le moins possible de ressources matérielles. Remplacer les gabegies matérielles pour de l'astuce intelligente, par du confort intérieur, par de l'intimité chaude et douce. Cela est vrai pour l'habitat, pour les repas, pour les déplacements, pour toutes les exubérances de la vie. "Moins mais mieux" doit devenir le slogan central : remplacer le quantitatif par le qualitatif, remplacer le caprice par l'utile, éliminer tout le superflu et jouir de l'essentiel indispensable.

 

Le deuxième défi est celui que nous jette la révolution numérique à la figure. Tout ce qui est robotisable, sera robotisé. Tout ce qui est algorithmisable, sera algorithmisé. Le cerveau humain ne doit plus être utilisé comme machine à calculer, à mémoriser, à logiciser. Les ordinateurs font cela bien mieux et beaucoup plus vite que nous. Et nous, nous avons mieux à faire. Un ordinateur ne sera jamais capable d'intuition, d'empathie, de compassion, d'humour, de gentillesse, de commisération, d'imagination, de rêverie, d'extase, de tendresse, de cordialité, de sensibilité, de sentiment, de questionnement, d'angoisse, de connivence, de convivialité, d'amour, …

Mais la puissance logique et calculatrice des ordinateurs et des algorithmes pourront (peuvent déjà) amplifier incroyablement ces qualités typiquement humaines. Mais "amplifier" ne signifie pas "remplacer" : l'amplificateur d'un virtuose de la guitare électrique ne génère aucune musique divine.

 

Le troisième défi est de comprendre et d'accepter que le monde humain vit un énorme saut de complexité qui rend caduques les anciennes organisations simplistes et mécanistes qu'étaient les pyramides hiérarchiques, normatives et procédurales. Nous entrons dans l'ère des réseaux c'est-à-dire l'ère des petites entités autonomes qui interagissent fortement entre elles avec une intention passionnée d'accomplir un beau projet commun. Le chemin adéquat est de quitter le mode "obéissance" pour entrer dans le mode "communion" (du latin cum munire : "construire ensemble").

Cela implique des conséquences colossales. Par exemple : la fin du salariat puisque chacun devra devenir une entité autonome porteuse de son propre projet de vie, responsable de son ouvrage et en charge de sa propre virtuosité et de ses propres progressions.

Autre exemple : une entreprise, ce n'est plus un patron et des salariés ; c'est un architecte et des associés, des collaborateurs, des partenaires et des fournisseurs qui accomplissent ensemble une œuvre collective par laquelle chacun trouve ses satisfactions matérielles et immatérielles.

 

Le quatrième défi est de sortir du consumérisme, de l'obsession du PIB ou du chiffre d'affaire, du règne du "consommer beaucoup et n'importe quoi". Il s'agit de sortir définitivement de l'ancienne logique de gros volume et de prix bas (qui est aujourd'hui la logique centrale de la productivité industrielle et de la rentabilité de la grande distribution), pour entrer définitivement dans une logique basée sur la valeur juste d'utilité réelle de tout ce que l'on acquiert qui doit être utile, utilisable et utilisé. Cela implique une bifurcation forte d'une logique de la propriété individuelle vers une logique de l'usage adéquat (de plus en plus de matériels se louent et se partagent selon les besoins que l'on en a).

 

Le cinquième et dernier défi est celui de retrouver du sens. La question centrale ne doit plus être "comment vivre ?" mais bien "pour quoi (en deux mot) vivre ?". Longtemps la question du sens de l'existence a été occultée par les croyances religieuses. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Il est vital que chacun retrouve le chemin de son intime vocation, de sa mission, de son propre projet de vie. L'effondrement du paradigme moderniste qui dura de 1500 à 2050 et qui se termine par un 20ème siècle profondément nihiliste, matérialiste, nombriliste et athéisant, ressuscite une appétence spiritualiste profonde qui s'écarte radicalement des dogmatismes religieux, mais qui entend donner une dimension spirituelle à la vie intérieure et extérieure : la vie intime et sociale spiritualisée repose sur un acte de foi et sur un projet collectif qui visent l'accomplissement de l'humain au service de l'accomplissement de la Vie (versant écologique) et de l'Esprit (versant noologique).

C'est cette Sagesse-là qu'il nous revient de construire.

 

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