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Monisme

L'équation essentielle est Réel = Un = Tout = Dieu.

Le monisme n'est pas qu'une métaphysique "orientale" qui est commune au shivaïsme, au védantisme, au taoïsme, voire au kabbalisme juif et au soufisme musulman.

Quoique âprement et obstinément combattu par le christianisme qui y voyait, à juste titre, l'antithèse du monothéisme (par définition dualiste), le monisme a une longue et belle histoire au sein de la pensée occidentale.

 

Cette histoire débute avec Héraclite d'Ephèse, se prolonge avec Xénophane (et sa doctrine du Un) et avec son élève Parménide (et sa doctrine de l'Être).

Aristote, contre le dualisme radical de Platon, partage un monisme mitigé.

Contre les pluralismes de l'atomisme et l'épicurisme, le monisme devient ensuite le fondement de l'école stoïcienne après Zénon de Kition.

Plotin, Proclos et le néoplatonisme (qu'il vaudrait mieux appeler le néo-monisme tant le dualisme platonicien lui est étranger) prendront le relais.

Le moyen-âge profondément chrétien, n'a pas pu éviter des résurgences monistes (toutes condamnées) avec Jean Scot Erigène, puis avec Eckhart von Hochheim et les mystiques rhénans (Jan van Ruysbroeck, Hildegarde von Bingen, Gertrude de Helfta, Haldewijch d'Anvers, Mechtilde de Magdebourg, Henri Suso et Jean Tauler).

Après la Renaissance et contre le cartésianisme dualiste, surgissent les grands noms du monisme européens : Baroukh Spinoza, parfois Blaise Pascal, souvent Gottfried Wilhelm Leibniz.

Puis ce sera le tour, au début du 19ème siècle, de l'école romantique allemande avec, surtout, Johann Gottlieb Fichte, Georg Wilhelm Friedrich Hegel et Friedrich Schelling (avec sa Naturphilosophie), puis, dans une certaine mesure, Arthur Schopenhauer ou Friedrich Nietzsche, et Ernst Haeckel ou Ernst Mach,  Hans Christian Ørsted ou Gustav Fechner.

En Grande-Bretagne on trouve le mouvement enclenché par Francis Herbert Bradley qui s'est poursuivi, jusqu'à nos jours, dans le monde anglosaxon.

En France, un peu plus tard, on trouve, à la suite de Charles Renouvier, Henri Bergson et Pierre Teilhard de Chardin (bien sûr condamné par la papauté catholique).

 

Quelques sentences monistes de bon aloi (extraites d'articles de Wikipédia et reformulées plus adéquatement) :

 

  • L'unité fondamentale du cosmos ou de l'univers y rend la matière et l'esprit indissociable.
  • Le monisme interdit de dissocier les sciences de la nature et celles de l'esprit.
  • Le monisme établit un rapport étroit entre le philosophie et la science.
  • Le monisme fait référence à une philosophie continuiste de l'Être, fondée sur l'idée d'une continuité et d'une unité fondamentales de la nature organique avec la nature inorganique, et sur l'abolition des frontières traditionnellement installées entre le végétal et l'animal, ou encore entre l'animal et l'humain.
  • Le Réel est sa causalité propre ; elle est immanente, en aucun cas surnaturelle ou transcendante.
  • Tout ce qui est, est en soi Un.
  • Tout, dans sa diversité, est essentiellement Un.
  • Le monisme s'insurge contre le dualisme platonicien (et chrétien, et cartésien) de l'âme et du corps (…) contre le dualisme aristotélicien de la puissance et de l'acte.
  • La conception de l'univers repose sur un principe unique, le Logos, qui lui donne sa cohérence et son unité.
  • Chaque chose dans la nature est une parcelle de Dieu au sens où rien ne peut exister en dehors de lui.
  • La Nature s'identifie à un Dieu unique, infini et impersonnel.
  • Le spiritualisme moniste postule l'existence d'une finalité dans le Nature et affirme la nature spirituelle de la réalité. Il soutient le plus souvent l'existence d'une "volonté universelle conscient" et on qualifie de "monisme volontariste" la thèse selon laquelle l'unique principe constitutif de l'univers est la Volonté (Schopenhauer) plutôt que l'Idée ou l'Intelligence (Hegel).
  • Le monisme affirme une unité inexprimable qui transcende la pensée même.
  • Il n'y a rien, à proprement parler, de réel sinon l'Absolu lui-même : tout, hormis l'Absolu, est apparence ou illusion.
  • Le monisme affirme un seul et même être d'ordre spirituel.
  • L'expérience de l'Absolu, de type mystique, est atteinte lorsqu'elle manifeste cette totalité indifférenciée, autrement dit, cette unité spirituelle indivisible.
  • L'Un absolu est parfaitement concret et indivisible : il ne peut donc être saisi par aucun concept ni aucune abstraction.
  • L'Un absolu est universel : il ne peut donc être inclus dans une expérience particulière et limitée.
  • L'Un absolu constitue l'unique réalité : il ne coexiste donc avec rien, et le monde pluriel dont nous faisons l'expérience, n'est qu'une illusion.
  • Le monisme rejette résolument l'idée même d'une existence séparée, non seulement pour les objets, mais également pour les propriétés des objets.
  • La réalité est une, elle est en ce sens un Absolu, indivisible et inaltérable.
  • La seule relation qui possède quelque forme d'existence est la relation interne du tout et des parties, car elle permet seule de concevoir la distinction entre réalité (une) et apparence (multiple).
  • Il n'existe véritablement qu'un seul étant concret, à savoir l'Univers entier.
  • Le Réel est une énorme structure spatiotemporelle extrêmement complexe, avec un grande variabilité locale, mais qui ne possède aucune partie à proprement parler.
  • Le Réel est un objet concret suffisant pour expliquer comment le monde évolue, car la totalité de l'histoire causale du Réel peut être décrite en termes d'aspects physiques dynamiques le caractérisant.
  • Si le Réel se composait de parties véritablement existantes, ces parties seraient dans ces conditions redondantes d'un point de vue explicatif, constituant alors, sur le plan ontologique, des entités épiphénoménales.
  • Le monisme affirme la primauté de la structure et du processus par rapport aux objets individuels.
  • Chaque élément du Réel renvoie à la structure de l'univers en son entier.
  • L'ordre implicite est un principe dynamique sous-jacent qui comprend, dans son processus, la totalité des choses, mais qui ne s'y réduit pas. Les entités normalement considérées comme physiques, telles que les atomes ou les particules subatomique, et les entités abstraites que sont, par exemple, les états quantiques, constituent, à la fois, des parties de cette totalité et une approximation de l'unique principe.
  • Le monisme affirme un système de fondation qui ne va pas du bas vers le haut, en partant des particules élémentaires (assemblisme), mais du haut vers le bas, en partant de l'univers tout entier, du cosmos (émergentisme).

 

A ces citations, il faut encore ajouter quelques points essentiels :

 

  • Le Réel est absolument Un ; telle est la définition du monisme.
  • Tout ce qui existe n'est que vagues à la surface de l'océan : les vagues existent, mais aucune n'existe en soi puisque chacune n'est qu'une manifestation particulière, mais indissociable, de l'océan qui est la seule réalité.
  • Toutes les vagues de l'océan sont totalement interdépendantes les unes des autres.
  • Toutes les formes d'atomisme sont totalement incompatibles avec le monisme. Ce sont des pluralismes.
  • Toutes les formes de dualisme sont totalement incompatibles avec le monisme. Ainsi de tous les monothéismes.
  • Le Réel s'exprime selon trois voies : la voie topologique (qui inclut la spatialité), la voie eidétique (qui inclut la complexité) et la voie dynamique (qui inclut la temporalité).
  • Le Réel évolue par accumulation temporelle ; il est une mémoire qui s'accumule en se construisant et qui se construit en s'accumulant. C'est cela même sa Substance.
  • Le Réel évolue par structuration complexe ; il est une organisation qui émerge en se construisant et qui se construit en émergeant. C'est cela même son Intelligence (son Logos).
  • Le Réel évolue par expansion spatiale ; il est une distribution qui se volumise en se construisant et qui se construit en se volumisant. C'est cela même sa Vitalité.
  • A partir de la Substance, la Vitalité et l'Intelligence engendrent la Matière.
  • A partir de la Vitalité, l'Intelligence et la Substance engendrent la Vie.
  • A partir de l'Intelligence, la Substance et la Vitalité engendrent l'Esprit.
  • Dans le Réel, chaque processus particulier évolue sous la pression de trois tensions intrinsèques et immanentes entre six pôles ontologiques : la tension dynamique entre généalogie et téléologie, la tension topologique entre bromatologie et écologie et la tension eidétique entre axiologie et immunologie.
  • D'un point de vue spirituel, le monisme métaphysique ouvre un regard mystique relevant du panenthéisme où le Divin, le Réel et l'Un forment un seul et même concept indissociable.
  • Tout ce qui existe est en Dieu (c'est l'étymologie de "panenthéisme"), un Dieu immanent et impersonnel qui est l'Un et qui est le Réel.
  • Le Réel-Dieu-Un contient intégralement et définitivement, tout le présent vécu et tout le passé accumulé : par essence, tout est éternel et immortel, passivement dans la mémoire cosmique du passé et activement dans l'activité cosmique du présent.
  • Chacun revivra éternellement ce qu'il a vécu. Chacun fabrique, à chaque instant, son propre paradis et son propre enfer.
  • Dans le Réel, rien n'est assemblage, mais tout est émergence.
    • Ainsi un couple n'est pas un assemblage de deux personnes, mais l'émergence issue de la fusion de deux ex-personnes.
    • L'équation de l'assemblage est : 1+1=2 … alors que l'équation de l'émergence est : 1+1=1 …
  • Toute la dynamique du Réel est animée par une téléologie ontique qui n'est, à proprement parler, ni une Finalité (au sens d'Aristote), ni une Volonté (au sens de Schopenhauer), mais bien une Intention. C'est parce qu'il existe cette Intention intrinsèque et immanente qu'il peut y avoir Vitalité eidétique et Expansion topologique.
  • L'Intention est première.
  • L'Intention engendre la Substance mémorielle dont est issue la Matière, l'Intelligence eidétique dont est issu l'Esprit, et la Vitalité topologique dont est issue la Vie.
  • La nature profonde de cette Intention première, source de tout ce qui existe, est le Mystère qu'il revient à la mystique panenthéiste de découvrir.
  • Le Mystère de l'Intention cosmique porte un nom, mais ce n'est qu'un nom : Accomplissement en plénitude … Que signifie "s'accomplir pleinement" ?
  • Au sein de l'Un-Réel, tout est cause et effet de tout.
  • La logique d'évolution du Réel est un constructivisme qui n'est ni causalisme (mécanicisme, déterminisme, hasardisme), ni finalisme (il n'y a ni but, ni plan, ni objectif …).
  • Le Réel se construit, par dissipation des tensions. Cette dissipation est soit entropique (dilution), soit néguentropique (émergence).
  • Le Réel se construit sempiternellement comme il peut, sur fond ce qu'il est déjà devenu.
  • Le Réel se construit toujours de la façon la plus optimale possible, partout et globalement, dans une dialectique permanente entre le Tout et chacune de ses parties, selon les circonstances, selon la configuration alentour.
  • Le Réel s'improvise de façon très structurée.

 

Ce monisme panenthéiste fondera la doctrine philosophique et la spiritualité mystique de l'ère civilisationnelle qui s'ouvre sous nos yeux et qui succèdera à la christianité (de 400 à 2050).

 

Marc Halévy

Physicien, philosophe et prospectiviste

Le 05/04/2021