Naissance d'un Christ nommé Jésus
La naissance de la dissidence pharisienne (les Péroushim, en hébreu : les "séparés") se situe au 4ème siècle avant l'ère vulgaire et, avec elle, l'importation de croyances concernant "l'après-mort", étrangères à la Torah.
Le salut eschatologique est très présent dans le judaïsme pharisien et rabbanite, mais le salut sotériologique en est presque absent ... Quelle est cette source d'inspiration eschatologique qui a abreuvé toute la littérature juive apocalyptique des trois derniers siècles avant l'ère vulgaire et dont le "Livre de l'Apocalypse" de Jean n'est qu'un plagiat christianisé.
L'idée centrale de l'eschatologie juive originelle s'ancre dans l'espoir d'une restauration de la lignée davidique, interrompue, au 7ème siècle avant l'ère vulgaire, par l'invasion de Nabuchodonosor, la destruction du Temple et la mort du dernier roi davidique du royaume de Judah.
Tous les anciens rois de la Maison d'Israël était des Oints d'huile sacrée (cfr. Samuel), donc des Messies ("oints" en hébreu) et des Christs ("oints" en grec).
L'espoir d'une restauration de la lignée davidique était donc, littéralement, une espérance messianique (mais qui, donc, ressortit d'une espérance politique et non pas d'une espérance spirituelle ou mystique).
Cette eschatologie n'implique nullement "une fin des temps" … mais seulement la fin d'une carence politique.
D'où, donc, vient cette idée d'une finitude de l'histoire humaine et d'une abolition du monde, idée qui s'installera durablement dans les successives mouvances pharisiennes, rabbiniques et talmudiques ?
Cette idée n'est, à ma connaissance, ni égyptienne, ni grecque, ni persane, ni indienne … D'où vient-elle ?
Il y a un saut énorme entre Isaïe (eschatologie politique) et Daniel[1] (eschatologie théologique). Que s'est-il passé entre ces deux visionnaires ? Est-ce Daniel lui-même qui a franchi le pas par extrapolation, ou s'est-il inspiré ailleurs, mais où ?
Quoiqu'il en soit, tout a été fait, dans les premiers écrits chrétiens, pour faire "coller" la vie de Jésus avec les prophéties d'Isaïe et pour faire de lui un "roi des Juifs" descendant direct de David, l'assimilant ainsi au Messie politique (ce qui fut le motif officiel de son exécution par les Romains - cfr. INRI). L'assimilation de Jésus au Messie théologique de Daniel est postérieure et est, sans doute, la conséquence de l'échec politique de Jésus en termes de restauration de la royauté davidique. Aux yeux de ses disciples (tous Juifs, ne l'oublions pas), Jésus est le Messie ; mais puisque, visiblement, il n'est pas le Messie politique d'Isaïe (malgré tous les efforts faits pour l'y assimiler), il est "forcément" le Messie théologique de Daniel.
Ainsi se déroula la divinisation de l'homme Jésus en "Fils du Père", Dieu en Dieu, deuxième personne de la même substance divine.
En bref : le Juif Jésus a été proclamé Messie-Christ au sens théologique, du fait de son échec politique en tant que Messie davidique, et ce dans et parles milieux pharisiens inspirés par les prophètes Isaïe (pour le messianisme politique) et Daniel (pour le messianisme théologique).
Il est à remarquer, d'ailleurs, que pour renforcer sa thèse, le christianisme ancien a rendu canonique le second livre de Daniel qui a été exclu du canon juif.
[1] Daniel prophétise au milieu du 2ème s. avant l'ère chrétienne. Il sera, avec Isaïe, un des grands inspirateurs du christianisme.
Marc Halévy - Le 14/01/2021