Prospective : synthèse 2022.
De l'étude prospective de "The Economist" ressort dix ruptures qui ne font que reprendre les dix effondrements du paradigme moderne (connus et décrits depuis30 ans dans mes publications) et les dix manifestations de chaotisation qui leur répondent (idem).
Quels sont ces "dix" ?
- Effondrement du principe démocratique et chaos illibéral.
- Effondrement des institutions médicales et chaos pandémique.
- Effondrement de la finance mondiale et chaos inflationniste.
- Effondrement du principe salarial et chaos du télétravail.
- Effondrement du mécanique et chaos du numérique.
- Effondrement des banques centrales et chaos des cryptomonnaies.
- Effondrement de la biosphère et chaos bioclimatique.
- Effondrement des déplacements longs et chaos aéronautique.
- Effondrement de la paix spatiale et chaos du spatio-tourisme.
- Effondrement de l'esprit sportif et chaos médiatico-politico-financier.
Les deux derniers points sont anecdotiques. Les huit premiers, cependant, correspondent bien à la photo de "l'état du monde" aujourd'hui (connue depuis longtemps), mais ne disent rien de la construction du futur.
La séquence fondamentale : "Effondrement – Chaos – Emergence" s'arrête là au milieu du gué.
Comme exprimé plus haut, toutes les institutions mises en place par le paradigme moderne (pour rappel : démocratique, gouvernementale, administrative, partisane, syndicale, sanitaire, énergétique, technologique, sécuritaire, humanitaire, médiatique, universitaire, académique, etc …) sont devenues totalement incapables d'assurer leur mission à l'échelle de l'Etat-Nation. Celui-ci a perdu toute souveraineté du simple fait que la globalisation des problématiques a induit un foule d'interdépendances majeures rendant totalement caduque et obsolète la notion même de souveraineté. On ne peut pas être en même temps souverain (être maître chez soi) et interdépendant (dépendre en tout des autres).
La continentalisation est dès lors inéluctable (Euroland, Angloland, Latinoland, Afroland, Islamiland, Russoland, Indoland et Sinoland). L'Angloland, le Russoland et le Sinoland ont déjà pris un gros tour d'avance ; si l'Union Européenne ne se fédéralise pas très vite pour devenir enfin l'Euroland, elle deviendra le paillasson des trois leaders dans la course à la continentalisation.
Une des dimensions de cette indispensable continentalisation passe par les réseaux numériques (plus par les réseaux noétiques que par les médias sociaux). Chaque continent doit impérativement maîtriser sa propre Toile, ses propres algorithmes, ses propres normes, ses propres règles : les Etats-Unis, suivis par la Chine, l'ont parfaitement bien compris. Encore une fois, l'Union Européenne est très en retard.
Comme toujours en période chaotique, les voyous en profitent pour placer leurs pions et distiller leurs venins ; c'est le cas avec l'islamisme, le wokisme, le racialisme, l'indigénisme, le décolonialisme, le genrisme, l'écolo-gauchisme, le black-bloquisme, l'ultraféminisme, le gilet-jaunisme, et j'en passe et des pires.
Et derrière toutes ces mouvances nauséabondes, fleurit, sans riposte sérieuse, la tactique de l'ostracisation (cancel culture), de la censure arbitraire et du terrorisme intellectuel (que les institutions moribondes en déshérence enfourchent pour se donner l'illusion qu'elles existent encore …).
Nous sommes là en pleine chaotisation culturelle et intellectuelle ; on y foule allègrement au pied les principes de vérité (notamment historique et scientifique) et de liberté (de pensée, d'expression, d'image et de parole),
Il est temps de répondre à ces deux questions graves : dire n'importe quoi est-il gage de vérité ? faire n'importe quoi est-il gage de liberté ? Recherche de vérité et construction de liberté au service de quoi ? De la vengeance de mort (comme le voudraient les victimismes artificiels qui intoxiquent tous les médias) ou de la joie de vivre (comme il le faudrait pour offrir, sans tricher et sans mentir, un monde de bonne paix, de bonne santé et de bonne véridicité aux générations futures) ?
La finance, tant spéculative qu'étatique, a pu, longtemps, donner l'illusion d'un monde prospère et d'une économie croissante. Cette illusion est aujourd'hui brisée. Les finances publiques, à tous les niveaux, sont en faillite ; et la finance spéculative, dans toutes ses dimensions, ne vit plus que d'artifices. Il faut donc acter la fin du financiarisme mondial et revivifier l'économie entrepreneuriale (c'est-à-dire le libéralisme fondamental, sans financiarisme), la seule qui produise de la valeur d'utilité (le financiarisme ne produit rien).
Les temps vont être durs :
- La pandémie a vidé toutes les caisses et usé toutes les planches à billets, donc l'argent est devenu rare et sera cher : inflation.
- La croissance économique éhontée de ces cinquante dernières années accompagnée d'une croissance démographique globale délirante, a vidé tous les réservoirs des ressources nécessaires, donc les flux matériels deviennent rares et chers : pénurisation.
Il faut donc quitter le modèle de l'économie de masse, d'hyperconsommation et de prix pas et construire une économie d'utilité, de frugalité et de valeur haute.
La photographie géopolitique actuelle est assez édifiante dès lors que l'on regarde les futurs continents :
- Le Latinoland, l'Afroland et l'Indoland essaient, péniblement de survivre.
- Le Russoland et l'Islamiland vivent – agressivement - sur le compte, bientôt à sec, de leurs réserves d'hydrocarbures : leurs tyranneaux, genre Poutine ou Erdogan, vont bientôt disparaître.
- L'Angloland et le Sinoland exploitent à fond ce qui reste de l'ancien paradigme, le premier pour garder son "hégémonie", et le second pour la lui rafler ; ce sont deux fuites en avant pour régner sur un monde qui n'existe déjà plus ; mais cette course effrénée à la croissance (économique, financière ou militaire) est un pur suicide, pour eux d'abord, mais pour toute la planète ensuite.
- Et il ne reste que l'Euroland qui a si difficile à se fédérer vraiment malgré qu'elle soit le berceau, le porteur et le détenteur des idées-phares qui construiront l'avenir de l'humanité au travers du nouveau paradigme en gestation.
On parle beaucoup – et à raison – du dérèglement climatique ; mais celui-ci n'est que la face la plus visible d'une chaotisation profonde, durable et souvent irréversible de la relation vitale entre l'humanité et sa planète. Le problème écologique est bien plus vaste, plus grave et plus global que le seul problème climatique.
On ne peut sauver, en même temps, d'une part, le mythe de la "croissance" humaine en tout (démographie, consommation, production, bien-être, bonheur, etc …) et, d'autre part, la réalité de la survie de l'humanité.
Trois problèmes majeurs se posent :
- La démographie : à l'horizon 2200, la Terre ne pourra porter et nourrir durablement que deux milliards d'humains.
- Les ressources : lorsque toutes les ressources matérielles terrestres (qui couvrent 85% des besoins actuels) seront épuisées, très peu d'entre elles (malgré les incantations écologistes) seront (un peu) remplaçables et ce, pour des raisons strictement thermodynamiques.
- Les pollutions thermiques, chimiques, plastiques, gazeuses, microbiennes, etc … déstabilisent et/ou détruisent beaucoup d'écosystèmes absolument vitaux.
Face à ces fléaux, les réponses sont : frugalité démographique, frugalité consommatoire et frugalité pollutoire. Le plaisir des consommations matérielles devront être remplacées par la joie des expériences immatérielles.
La révolution numérique ouvre deux chemins :
- celui des maladies infantiles et ludiques que sont les médias sociaux, le streaming, les métavers, etc … qui ont pour vocation unique de faire beaucoup d'argent en crétinisant les masses populaires ; cette voie est un fléau qu'il faut combattre en la boycottant systématiquement ;
- celui de l'amplification notoire des capacités humaines tant physiques (robotiques) que mentales (algorithmiques – il ne s'agit aucunement de cette ineptie baptisée "intelligence artificielle", mais bien d'intelligence humaine augmentée ou amplifiée), avec une conséquence majeure : celui de la transformation radicale et du déplacement spectaculaire des activités proprement humaines vers le non-robotisable et le non-algorithmisable (et ce sont des champs immenses et inépuisables). Le salariat va quasi disparaître, le télétravail va devenir la norme, chacun deviendra son propre fonds de commerce, chacun sera autonome et responsable de soi.
Avec la fin du paradigme moderne né à la Renaissance, se clôt le paradigme de la science classique c'est-à-dire de la science mécaniciste, analytique, réductionniste et déterministe qui considérait l'univers comme un assemblage de briques élémentaires, interagissant par hasard par des forces élémentaires, selon des lois élémentaires au sein d'un espace et d'un temps indépendants de ce qui s'y passe.
Place, maintenant au paradigme de la science complexe c'est-à-dire à une science organiciste, holistique, constructiviste et intentionnaliste qui considérera le Réel comme un processus global tissé de myriades de processus particuliers, fondé sur une substantialité, une vitalité et une logicité qui évolue par émergences successives suscitées par le besoin de dissiper des tensions trop vives entre ses différents pôles.
La frontière artificielle entre "sciences dures" et soi-disant "sciences humaines" (qui ne sont que des conjectures, souvent idéologiques) n'aura plus aucune raison d'être : tous les processus, aussi complexes soient-ils comme l'esprit, l'histoire ou les communautés des humains, ne seront plus que des cas applicatifs particuliers de la cosmologie complexe.
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