Qu'est-ce que le management ?
La marche d'une entreprise est un processus complexe. Et comme tout processus complexe, elle possède trois axes d'évolution que, techniquement, on appelle topologique (ses territoires), dynamique (ses moteurs) et eidétique (ses fondements).
Chacun de ces trois axes est le terrain de tensions entre deux pôles qui, le plus souvent s'opposent.
Dans ses territoires, l'entreprise doit affronter, en même temps, en termes de qualité et de prix, de communication et d'image, à la fois les marchés (c'est-à-dire les utilisateurs et acheteurs potentiels) et les concurrents (qui, par définition, voudraient conquérir quelques parts de ses marchés).
Quant aux moteurs, l'entreprise en a deux qui s'opposent souvent : son projet (sa raison d'exister, sa finalité, son intention) et ses patrimoines (financiers, fonciers, immobiliers, son parc de machines, mais surtout ses savoir-faire; sa mémoire, son histoire, …) ; mais la construction et la réalisation du projet impliquent, le plus souvent, des risques et des aléas susceptibles de dévaloriser certains patrimoines.
Sur l'axe des fondements, il s'agit de construire une organisation optimale et efficace qui optimisent l'usage des moyens (humains et non humains) mis en œuvre, mais en même temps et contradictoirement, il faut oser "miser" des ressources afin de faire progresser l'entreprise et ses produits.
Le schéma ci-dessous représente cette tripolarité et les six tensions qu'elle induit.
On comprend alors que le management de l'entreprise soit cette fonction centrale qui consiste à dissiper toutes les tensions déjà évoquées, et à optimiser cette dissipation.
L'entreprise est bien une "structure dissipative" pour user de la terminologie d'Ilya Prigogine.
Le management est un lieu d'arbitrage et de choix, de stimulation et de risques. Le management, quoiqu'en disent certains manuels simplistes, n'est pas une science. Il n'existe aucune science du management. Le management n'est pas affaire de savoir, mais de talent.
Bien sûr, la rationalité doit y jouer une rôle majeur. Mais aussi l'intuition, la lucidité, l'intelligence et l'imagination … sans oublier puissance de la mémoire et le courage de la volonté.
La petite matrice ci-dessous tente de synthétiser le grand changement de paradigme que l'entreprise et son management sont en train de vivre.
Pôles |
Ancien paradigme |
Nouveau paradigme |
Patrimoines |
Financiers |
Immatériels |
Projet |
Productivité |
Virtuosité |
Organisation |
Pyramidale |
Réticulée |
Innovation |
En prix |
En valeur |
Marchés |
De plaisir |
D'utilité |
Concurrence |
Guerrière |
Partenariale |
On le voit, la management vit une belle révolution !
Toute entreprise est un processus de transformation qui puise des ressources néguentropiques (ayant valeur, de ce fait) dans le monde extérieur pour alimenter ce même monde extérieur avec des produits de plus haute néguentropie (ayant plus de valeur) et des rejets de très haute entropie (donc de basse valeur et, parfois, de haute toxicité puisque l'entropie est l'ennemi de la vie, la mort étant son triomphe).
Pour être clair, la néguentropie mesure la complexité, la richesse et l'utilité d'une entité, quelle qu'elle soit. L'entropie, elle mesure, au contraire, l'uniformité, l'homogénéité, le vide et l'inutilisabilité d'une entité.
Par exemple, un tronc d'arbre qui possède de réelles valeurs et utilisabilités, va être transformé en un meuble de plus haute valeur et utilisabilité, et en copeaux et sciures de valeur et d'utilisabilité quasi nulles. Mais cette transformation ne pourra se faire que moyennant l'injection, dans le processus de transformation, de génie et de travail humains, amplifiés par des machines qui ont, elles-mêmes, consommé du travail, du génie est des ressources.
Le gros problème est que les concepts de néguentropie et d'entropie ne sont pas des grandeurs conservatives.
On ne pourrait, par exemple, jamais dire que la somme de la néguentropie et de l'entropie sortant du processus de transformation, serait égale à la néguentropie entrante augmentée de la néguentropie d'apport (génie et travail humains amplifiés par des machines). Le second principe de la thermodynamique et l'injection de travail et de génie amplifiés, s'y opposent.
Le schéma de principe, ci-dessous, exprime l'essence même du processus entrepreneurial en termes thermodynamiques :
Cette approche thermodynamique non conservative perturbe grandement la vision classique du management s'appuyant sur l'idée de conservativité des flux de valeurs économiques (c'est la vision comptable et le fondement de la "balance carrée"). C'est évidemment faux puisque, à tous les échelons, il y a des déperditions non mesurables et des injections immatérielles (génie, talant, savoir-faire, …) absolument non quantifiables.
De là, une conclusion s'impose : le management est un art et non une science !
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