Une Spiritualité pour demain.
Cosmosophie post-cartésienne
La seule évidence est celle-ci : il y a pensée (c'est-à-dire un discours), donc il y a existence (c'est-à-dire du non-néant absolu).
La démonstration en est triviale : en écrivant ce qui précède, je démontre factuellement qu'il existe quelque chose (un générateur d'idées et un support pour l'écrit) qui n'est pas le néant et que ce quelque chose pense (construit, évolue) puisqu'il écrit des mots qui ont du sens.
Je nomme "Matière" le support de ce qui est pensé par écrit.
Je nomme "Vie" le mouvement de cette pensée.
Je nomme "Esprit" le générateur de cette pensée.
Donc, il y a "Matière".
Il y a "Vie".
Et il y a "Esprit".
Et je décide d'appeler "Réel" l'ensemble de cette Matière, de cette Vie et de cet Esprit qui existent et qui, donc, ne sont pas du Néant absolu.
Ainsi la première certitude absolue est qu'il existe un Réel qui contient, à la fois, de la Matière (Substantialité), de la Vie (Constructivité) et de l'Esprit (Logicité).
Mais si ces trois manifestations du Réel produisent de la pensée, cela signifie sans doute que le Réel a une bonne raison de le faire. Cette bonne raison, je l'appelle "Intentionnalité".
Ainsi, voilà posé définitivement le tétraèdre cosmosophique : le Réel existe et il se manifeste par une Intentionnalité (une in-tension, un projet), une Substantialité (une substance, une énergie), une Logicité (une logique, des règles) et une Constructivité (une évolution, un travail).
La première bipolarité (celle de la Substantialité) à concevoir est celle du global et du local afin de bien comprendre que le Réel qui s'incarne, se vit et se pense dans ce qui est en train de s'écrire ici, est purement local, inséré dans un global qui le dépasse ; cette première bipolarité introduit l'idée de spatialité. C'est cette spatialité floue qui induit l'idée d'un "moi" local qui manifeste, ici et maintenant, le Réel, son Intentionnalité, sa Substantialité, sa Logicité et sa Constructivité.
De là aussi, une seconde bipolarité (celle de la Constructivité) entre ce qui est déjà accompli et ce qui est encore en train de s'accomplir : c'est la temporalité.
Deux autres bipolarités, symétriques des deux premières, apparaissent alors.
La bipolarité qui dynamise l'Intentionnalité (entre pugnacité et pacification).
Et celle qui dynamise la Logicité (entre rationalité et créativité).
La philosophie classique a souvent pris, très erronément, les mathématiques en exemple de vérité et certitude absolues, alors que les mathématiques ne sont qu'un édifice logique purement axiomatique n'ayant aucun rapport avec le Réel.
Cette logique et cette axiomatique sont purement conventionnelles ; comme un pur jeu de l'esprit n'ayant aucune réalité en soi et pour soi.
Aucun nombre arithmétique, ni aucune figure géométrique n'existent dans le Réel. Ce ne sont que des convention, des caricatures, des idéalisations et des approximations de quantités et formes que l'humain croit trouver et voir dans la Nature.
Il est dit que la vérité pure ou la certitude pure sont symbolisées par 1+1=2.
Mais "1", cela n'existe pas. On peut parler d'un pruneau ou d'un chien pour signifier que ce pruneau-là ou ce chien-là est bien là … et que cet autre pruneau est bien là, un peu plus loin. Quant à affirmer que leur somme a un sens, c'est téméraire : ces deux pruneaux ont certaines caractéristiques communes, mais ils diffèrent totalement l'un de l'autre : "deux pruneaux", cela ne signifie rien car il y a ce pruneau-ci totalement différent et incomparable à ce pruneau-là..
La convention arithmétique fait que l'addition nie ces différences et idéalise la notion de "pruneau" devenue totalement abstraite, donc irréelle.
Rien dans le Réel ne se somme. Ni ne se soustrait, ni ne se multiple, ni ne se divise au sens arithmétique de ces opérations.
Une cellule, par méiose, se divise, mais cette division cellulaire ne donne pas deux moitiés, mais bien deux cellules entières et autonomes, totalement différentes l'une de l'autre.
Le nombre est censé n'être que la cardinal d'un ensemble. Soit. Mais un ensemble de quoi ? Dans le Réel, il n'existe pas d'ensemble dénombrable ; il n'existe que des portions d'espace remplies de manifestations disparates où l'idée de dénombrabilité n'a aucun sens.
Cosmosophie spinoziste.
De Philippe Danino :
"La conception spinozienne de Dieu se démarque radicalement des conceptions anthropomorphiques des religions traditionnelles créationnistes (…) [qui] posent une forme de transcendance et, avec elle, une séparation de Dieu et du monde."
Je pense que le 21ème siècle et ceux qui suivront, en abandonnant le mythe du Salut (dans un "au-delà" ou un "après" imaginaires) pour entrer dans la pratique spirituelle de l'Alliance avec le Réel, ici-et-maintenant, en quittant le mythe de l'éternité pour entrer dans l'idée d'intemporalité, seront clairement et radicalement spinozistes.
Il est grand temps de remiser toutes les mythologies (religieuses et idéologiques) dans les placards de l'histoire, et promouvoir une spiritualité forte et profonde, alimentée de monisme (l'Un), d'immanentisme (le Tout), de réalisme (le Réel), etc …
Dieu est le Réel.
Et le Réel est la Substance unique dont procède tout ce qui existe, puisque tout ce qui existe n'est que manifestations particulières de cette unique Substance qui est Dieu.
Dieu n'a que faire des humains.
Ou, plus exactement, Dieu attend des humains, comme de tout ce qui existe en lui et par lui, qu'ils contribuent au mieux à son propre accomplissement vers sa propre plénitude.
C'est là tout le fondement de toute éthique : est Bien ce qui contribue à l'accomplissement de Dieu et est Mal tout ce qui lui nuit. Il n'y a ni jugement, ni récompense, ni punition ; en revanche, la voie du Bien qui est la voie de l'accomplissement, est aussi la voie de la Joie.
L'athéisme (la croyance en le néant et à l'absurde) est une stupidité.
Le théisme (la croyance en un Dieu personnel, créateur du monde mais étranger à lui) aussi.
Leibniz …
Tout ce qui existe et évolue, a une bonne raison d'exister et d'évoluer.
Cette bonne raison est unique : l'accomplissement divin en plénitude. C'est l'in-tension (l'Intentionnalité) unique et universelle.
La Voie de l'Alliance qui se dessine, est au fond la voie de l'Accomplissement mutuel.
"Alliance" et "Accomplissement" deviennent synonymes.
Ni sotériologie. Ni eschatologie.
Ni Salut. Ni Apocalypse.
Dans le vocabulaire de Spinoza, le Réel-Dieu est la Substance unique qui possède quatre attributs : son Intentionnalité, sa Corporalité, sa Logicité et sa Constructivité.
Chacun de ces attributs se manifeste selon des modalités variables en fonction des circonstances, mais toujours dans le cadre d'une bipolarité qui lui est propre, à savoir : une Intentionnalité entre pugnacité et pacification, une Corporalité entre expansion et concrétion, une Logicité entre rationalité et créativité, et une Constructivité entre émergence et intégration.
La puissance divine est immanente et présente en chacune de ses manifestations.
Elle reflète les potentialités présentes dans les quatre attributs qui se conjuguent dans tous les processus, qu'ils soient locaux ou globaux.
La liberté et l'autonomie s'opposent à la contrainte et non à la nécessité.
L'autonomie, c'est se déterminer soi-même dans le champ des possibles, en dépit des contraintes, mais en harmonie avec la nécessité.
Ne pas confondre intentionnalité et détermination. L'in-tension détermine les choix, mais ne les exclut pas. L'erreur mécaniste est de croire au déterminisme strict qui revient, au fond, à croire que tout problème n'a qu'une seule solution, donc que le Réel est strictement linéaire, ce qui est faux dès que l'on monte dans l'échelle des complexités
Le Réel divin est Un. Il est une Unité animée (mise en mouvement) Dès lors qu'une Foi devient croyances, elle dégénère et s'étiole pour devenir dogmes.
par une Intentionnalité (une in-tension ou tension intérieure, intrinsèque) qui est de s'accomplir en plénitude.
Pour ce faire, il dispose de trois moteurs bipolaires (chaque dipôle possède un pôle local, spécifique, particulier et un pôle global, universel, général) : celui de la Corporalité (spatialité et gravité), celui de la Logicité (rationalité et créativité) et celui de la Constructivité (complexité et uniformité).
Dès lors qu'une Foi devient croyances, elle dégénère et s'étiole pour devenir dogmes.
Le Salut de mon âme ?
Mais mon âme, c'est moi.
Mon âme, c'est ce qui m'anime, ici et maintenant, au cœur de ma vie.
Il n'y a là rien à sauver, mais tout à accomplir.
Tout ce qui naît, meurt.
Tout ce qui commence, finit.
Tout ce qui émerge, s'effondre.
C'est cela la Vie éternelle du Réel : une succession d'émergences et d'effondrements, selon des rythmes spécifiques.
Il n'y a rien à sauver, ailleurs ou plus tard, mais tout à vivre, ici-et-maintenant.
En harmonie avec la tradition, on pourrait dire que tout ce qui arrive, tout ce qui évolue, est tenaillé par des bipolarités dont un pôle est celui de la Masculinité (spatialité, uniformité, rationalité vers plus de généralité - conquérir comme un guerrier) et dont l'autre est celui de la Féminité (gravité, complexité, créativité vers plus de spécificité - cultiver comme un jardinier).
Le Réel est l'Un (ou le Divin, ou le Mystère) dont la nature intime s'exprime au travers de quatre attributs : une Intentionnalité servie par une Corporalité (fondement de la physique relativiste), une Logicité (fondement de la physique quantique) et une Constructivité (fondement de la physique thermodynamique).
Les religions sont une vulgarisation de la spiritualité et les théologies sont des rationalisations des religions.
Religions et théologies sont à mettre au rebut.
Ne garder que la spiritualité.
Le Réel est infini dans la temporalité, n'ayant ni commencement, ni fin.
En revanche, le Réel remplit bien tout son espace (non euclidien, non absolu, non newtonien) qui n'est pas infini, mais fini, en constante expansion.
L'espace n'est pas un contenant, mais une mesure du contenu.
L'Univers et la Matière sont les expressions corporelles du Réel.
La Nature et la Vie sont les expressions constructales du Réel.
Le Cosmos et l'Esprit sont les expressions logicielles du Réel.
Mon âme est "moi".
Elle émergea avec "moi" et s'effondrera avec "moi".
Elle n'a pas à être sauvée, mais bien à être accomplie.
C'est cela la voie de la Joie.
La vague manifeste réellement l'océan, mais n'est pas l'océan.
L'Univers, la Nature, le Cosmos manifestent réellement le Réel, mais ne sont pas le Réel.
En paraphrasant Paul Claudel …
La Joie n'est pas un but mais un mode de vie.
Tout ce qui existe et évolue, n'existe et n'évolue qu'au sein de ce Tout total et unique qu'est le Réel-Un-Divin.
Il y a parfaite cohérence et interdépendance entre chaque partie, aussi infime soit-elle, et le tout du Tout pris globalement, ainsi qu'entre ces parties entre elles.
Tout ce qui existe et évolue, est en interrelation hologrammique avec tout le reste.
Toute démarche spirituelle authentique vise à communier totalement avec la réalité du Réel.
Cela implique de comprendre et d'adopter son Intentionnalité (contre la bêtise des humains, s'il le faut), et de s'accomplir pleinement et conjointement dans les trois dimensions corporelle, logicielle et constructale, et ce, en optimisant les tensions sur chacune de ces trois dimensions entre le pôle général masculin et le pôle spécifique féminin..
Notre époque vit un énorme saut épistémologique : l'analycisme cartésien est notoirement incapable d'aborder la complexité, du simple fait qu'il est notoirement impossible d'étudier la Vie en découpant un vivant en petits morceaux. Le Tout est plus que la somme de ses parties. C'est ce que l'on appelle des propriétés émergentes (comme la Vie ou la Pensée) qui ne sont JAMAIS réductibles aux éléments de l'ensemble qui les produit. L'approche alors doit résolument être holistique et synthétique, et non plus analytique et réductionniste.
Mon existence réelle consiste à œuvrer (seul ou en communion avec d'autres) pour réaliser un noble projet de vie, au moyen de mes ressources disponibles ou accessibles, et selon mes règles de vie.
Transposons …
Au sein du Réel, la Constructivité réalise l'Intentionnalité au moyen de la Corporalité et selon la Logicité.
Symboliquement …
L'Âme, c'est l'Intentionnalité.
Le Corps, c'est la Corporalité.
L'Esprit, c'est la Logicité.
Le Cœur, c'est la Constructivité.
Ces quatre modalités ne sont pas de entités séparées, en interaction, ce sont quatre modalités communiantes et interdépendantes, complémentaires et omniprésentes.
La complexité et l'uniformité sont les deux voies formelles complémentaires pour l'optimisation de la Constructivité dynamique, mais aucune de ces deux voies n'est intrinsèquement préférables à l'autre, même si certaines configurations particulières doivent préférentiellement privilégier l'une plutôt que l'autre.
La créativité et la rationalité sont les deux voies formelles complémentaires pour l'optimisation de la Logicité eidétique, mais aucune de ces deux voies n'est intrinsèquement préférables à l'autre, même si certaines configurations particulières doivent préférentiellement privilégier l'une plutôt que l'autre.
La gravité et la spatialité sont les deux voies formelles complémentaires pour l'optimisation de la Corporalité topologique, mais aucune de ces deux voies n'est intrinsèquement préférables à l'autre, même si certaines configurations particulières doivent préférentiellement privilégier l'une plutôt que l'autre.
Les quatre causes d'Aristote, dans la métaphore de la construction d'une maison, se retrouvent parfaitement dans la cosmosophie nouvelle …
La cause finale est l'Intentionnalité par le travail du Commanditaire.
La cause matérielle est la Corporalité par le travail du Pourvoyeur.
La cause formelle est Logicité par le travail de l'Architecte.
La cause effective est la Constructivité par le travail des Maçons.
Il faut bannir le verbe "créer" au sens de la fabrication par un créateur, mais hors de lui, d'une créature.
Rien de noble n'est "création" ; tout l'essentiel est "émanation".
Il faut bannir du langage le mot "créationnisme" et le remplacer toujours par le mot "émanationnisme".
L'Art authentique est toujours un art qui fait émaner l'œuvre de l'Artiste : tous ces "artistes" qui fabriquent des objets ou des spectacles, ne sont que des fabricants.
Un compositeur musical, une poète, un philosophe, un mystique, un cosmologiste, un maître spirituel, un architecte, un professeur … voilà les véritables Artistes qui font émaner une œuvre authentique du plus pur fond d'eux-mêmes.
Le Réel est sa propre Intentionnalité, sa propre Corporalité, sa propre Logicité et sa propre Constructivité.
Elles forment, ensemble, sa propre nature intemporelle, incréée, inépuisable.
Quelle pitié de confondre, quasi systématiquement, "finalisme" et "intentionnalisme". Le finalisme viserait un futur prédéfini, un but prédéterminé, un objectif prévu. Avec l'intentionnalisme, rien de tel. Rien n'est visé de prédéfini dans le futur ; ce qui est moteur, c'est le principe d'optimisation des tensions dans chaque présent, localement et globalement.
L'in-tension n'est pas un but, mais une règle de vie permanente, active dans chaque ici-et-maintenant en même temps que dans le partout-et-toujours.
L'éthique n'est donc pas dictée par une quelconque "progression" vers une finalité prédéfinie (ce serait le principe de Salut), mais bien par l'application plus ou moins efficace de la règle d'optimalité (c'est un principe d'Alliance).
L'in-tension ? Toujours choisir la voie vers le meilleur !
Le meilleur par rapport à quoi ? A la perfection !
Qu'est-ce que la perfection ? L'accomplissement en plénitude.
Comment définir cet accomplissement en plénitude ? Voilà la question finale : celle de "l'Attracteur universel".
L'Intentionnalité est la capacité d'engendrer un projet.
La Corporalité est la capacité d'engendrer une chose.
La Logicité est la capacité d'engendrer de la connaissance.
La Constructivité est la faculté de mettre en œuvre ces trois capacités.
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