Vers une autre cosmologie
Contrairement à ce que voudraient croire nos fantasmes mathématiques humains, rien, dans l'univers n'est symétrique, rien n'est géométrique (tous ceux qui, un jour, ont fait de la cuisine ont expérimenté qu'aucun fruit ou légume, qu'aucun morceau de viande ou de poisson ne "colle" avec les droites et les cercles de nos outils humains).
Même si les mathématiques peuvent parfois en simuler certains aspects, le cosmos n'est pas mathématique.
Le Réel participe d'une autre logique ( constructive et non déductive, opportuniste et non légaliste, intentionnelle et non causale, …) que celle du langage mathématique. Le processus cosmique n'est pas un assemblage additif de grandeurs quantitatives qui se conservent : il n'y a pas d'immuabilité de l'Être, mais il y a un Devenir en construction permanente selon un principe d'optimalité eidétique.
Ce principe eidétique n'est ni purement "quantitatif" (mathématique), ni purement "qualitatif" (esthétique), mais qui relève d'une "troisième voie".
Celle-ci est celle du "constructif" : celle de l'accomplissement optimal – la fois quantitativement et qualitativement , celle de l'intentionnalité.
Il n'y a aucune "loi", ni mathématique, ni esthétique, donnée a priori ; c'est en se construisant que le cosmos s'est donné (par émergence, après essais et erreurs) des règles d'efficience qui sont, progressivement, devenues des "lois universelles" avec des "constantes universelles".
Il faut apprendre à comprendre le Réel comme un organisme vivant qui, selon ce qu'il vit, adopte et adapte des comportements les plus adéquats possibles qui, s'ils se révèlent vraiment efficaces, deviennent ses réflexes (son instinct), puis ses règles de vie.
Et il faut apprendre à tirer toutes les conséquences fondamentales de cette nouvelle posture cosmologique … Par exemple :
- Comprendre que le Réel prématériel n'avait encore rien de "mathématisable" et donc qu'extrapoler mathématiquement les lois actuelles du cosmos vers le passé, en amont du stade d'émergence des lois conservatives qui ne concernent que la Matière, n'a aucun sens : le big-bang n'est pas l'émergence du Tout à partir du Rien, il est l'émergence des lois de la Matière au départ de la soupe prématérielle.
- Comprendre que l'esprit humain et tous ses attirails est un pur produit de la "couche" matérielle du Réel, qu'il est donc coincé entre la couche prématérielle et la couche immatérielle (celle des principes intentionnels atemporels) ; les langages humains qui sont tous des émergences de notre expérience matérielle, sont donc totalement inadéquats pour aborder la réalité prématérielle et la réalité immatérielle.
- Comprendre que l'originelle "couche" prématérielle est purement dynamique ; elle consiste en de l'activité pure (que l'on peut qualifier de "bosonique" pour faire un pont avec le modèle standard quantique) où les notions de volumes et de formes n'ont aucun sens. Ainsi, les dimensions topologiques (le volume spatial) et eidétiques (la complexité formelle) du cosmos n'y étaient que latentes ou embryonnaires ; elles ne se sont déployées, dans un mouvement d'expansion, qu'avec l'émergence de la Matière qui avait besoin d'espace volumique et de complexité eidétique pour s'accomplir.
Ce qui change profondément, dans cette nouvelle vision cosmologique, c'est l'idée axiale du téléocentrisme (la primauté de l'intention) qui exprime que l'évolution de l'univers n'est pas due à une "poussée" du passé, mais bien à une "attraction" du futur. Cet intentionnalisme (dénué de tout finalisme) ouvre les portes à un créativisme cosmique et donc à des espaces d'autonomies locales que le déterminisme mécaniciste rendait impossibles.
Le cosmos n'est pas mathématicien, il est architecte, mi-ingénieur astucieux et économe, mi-virtuose créatif et génial.
La vieille intuition maçonnique du "Grand Architecte de l'Univers" est absolument fantastique.
Marc Halévy
Physicien, philosophe et prospectiviste
Le 04/11/2020