Introduction aux sciences de la complexité
Ce livre présente les différents concepts et modèles fondateurs. Il est présenté sous forme de livre-syllabus interactif. Les sciences de la complexité sont une émergence récente en réponse aux impasses méthodologiques et épistémologiques des sciences classiques. Les systèmes complexes ne peuvent plus être découpés par le scalpel analytique. Cela concerne des domaines aussi variés que la physique théorique, les sciences de la vie, l'écologie, l'économie, la sociologie ou le management, partout où se niche de la complexité.
Résumé
Les sciences de la complexité sont une émergence récente en réponse aux impasses méthodologiques et épistémologiques des sciences classiques face à des phénomènes aussi divers que les comportements chaotiques, les processus d'auto-organisation et d'autopoïèse, les structures dissipatives, les organi+sations fractales, etc.
Là où il y a complexité, le tout est toujours plus que la somme de ses parties : le système est plus qu'un simple assemblage de composants car y naissent des propriétés émergentes dynamiques qui appartiennent à l'ensemble sans appartenir à aucun des constituants. De tels systèmes ne peuvent plus être découpés par le scalpel analytique : la méthode cartésienne et le principe réductionniste deviennent inopérants.
Ces problématiques concernent des domaines aussi variés que la physique théorique, les sciences de la vie, l'écologie, l'économie, la sociologie ou le management, partout où se niche de la complexité.
Ce livre « Introduction aux sciences de la complexité » présente les différents concepts et modèles fondateurs de cette science de demain. Son langage est clair et très peu mathématique, les concepts et modèles sont structurés logiquement et abordés systématiquement. Sa présentation originale en fait un outil de travail à trois dimensions. Chaque double page contient en effet trois espaces : le premier est une diapositive des mots et idées clés ; le second est réservé aux notes personnelles du lecteur et le troisième commente afin d’aider la compréhension.
Préface
Si nous avons tous une notion intuitive de ce qu'est la complexité, une définition précise n'est pas simple à poser. Pourtant, le monde qui nous entoure est complexe. L'exemple le plus frappant est la vie, phénomène complexe par excellence, lui-même tellement difficile à définir.[1] La vie est complexe par le fait que décomposer un organisme vivant en ses composantes (organes par exemple) tue l'organisme et donc détruit l'objet même de l'étude, la vie, qui est le résultat de l'imbrication des nombreuses interactions entre les parties qui la constituent. Un système complexe est donc plus que la somme de ses constituants. D'après cette définition, la société et la plupart des entreprises industrielles ou de service sont aussi des entités complexes car intimement dépendantes des interactions, psychologiques celles-ci, entre leurs membres.
Le titre de l'ouvrage de Marc Halévy-van Keymeulen, "Introduction aux sciences de la complexité" est un peu paradoxal en ce sens que les sciences, en particulier les sciences naturelles, sont par construction rationnelles et donc non complexes. Rien n'est moins complexe qu'un "nombre complexe" en mathématique, car il est parfaitement défini et représentable. Les sciences naturelles sont faites d'axiomes simples et d'observations expérimentales de base, desquels se déduit un ensemble de conséquences. Le plus paradoxal est que des équations à priori simples dans leur écriture peuvent reproduire valablement des facettes de la complexité du monde. Le mouvement chaotique de certains systèmes mécaniques découle directement de la seconde loi de Newton. La turbulence d'un fluide en mouvement est contenue dans les équations de Navier-Stokes de la mécanique des fluides, etc. Le chaos, découvert récemment par les scientifiques, est un exemple de système complexe pour lequel une modification aussi petite soit-elle des conditions initiales peut en modifier totalement l'évolution. Un système complexe est imprévisible dans ses détails. C'est l'effet papillon : le battement des ailes d'un papillon à Pékin peut affecter le temps qu'il fera quelques jours plus tard à Paris.
Les sciences peuvent permettre d'appréhender des comportements complexes. Certaines transitions de phase en thermodynamique sont complexes parce qu'elles peuvent naître un peu partout pratiquement au même moment dans le système étudié. La thermodynamique est extrêmement riche, en particulier celle des systèmes irréversibles qui biaisent l'invariance par inversion du temps des phénomènes macroscopiques. Or, nous sommes baignés par de tels systèmes, qui sont par nature dissipatifs et responsables de structures étudiées par Ilya Prigogine, prix Nobel de Chimie en 1977. C'est dans l'équipe de Prigogine à l'Université Libre de Bruxelles que Marc Halévy-van Keymeulen a travaillé un certain temps après avoir décroché son diplôme d'ingénieur en sciences nucléaires. Il n'est dons pas surprenant qu'il se soit intéressé très tôt à la complexité et qu'il ait tenté d'appliquer des concepts simples de physique à des mondes en principe totalement déconnectés d'elle, mais tellement semblables à travers leur complexité. La complexité est unique, mais ses facettes sont innombrables.
Il m'est souvent arrivé comme doyen d'une faculté des sciences de vouloir introduire un changement dans un mode de fonctionnement. J'ai souvent été surpris par la vivacité avec laquelle des membres du conseil facultaire ont le don de dénicher un point de détail qui pourrait poser problème dans certaines circonstances si ce nouveau mode était adopté. Pour cette raison, pertinente, ils rejettent l'ensemble de la proposition. Une telle attitude est le fruit de notre culture rationnelle, "décortiquante", qui nous empêche souvent de percevoir la globalité d'un principe ou d'un système. Cette attitude réductionniste peut devenir réductrice pour la mise en place de certains changements imposés par l'évolution du monde. La complexité ne se découpe pas, elle s'apprécie dans sa globalité. Cependant, les sciences traditionnelles sont mal armées pour une vision holistique des choses. Ce livre peut nous aider dans cette direction. Il se situe à la frontière entre les sciences nobles et la philosophie, et touche à tout ce qui nous entoure.
Professeur Philippe Lambin
Doyen de la Faculté des Sciences (Université de Namur)
[1] Une école interdisciplinaire postdoctorale a été organisée sur ce sujet précis en janvier 2006 aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix, sous le titre "Qu'est ce que la vie ?".