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Philosophie maçonnique

Auteur : Marc Halévy - Année de publication : 2008
Editeur : OXUS (Piktos) - Collection : Spiritualités
Langue : Français - Format : 13-21 cm - Pages : 230
Public : Tout quiconque, maçon ou non-maçon, qui veut comprendre la Franc-Maçonnerie par ses racines et ses fondements.
ISBN : 978-2-8489-8115-4

Tant a déjà été écrit sur la Franc-Maçonnerie. Parfois du bon, voire du très bon. Le plus souvent du mauvais, surtout du très mauvais. Philosophiquement, il faut apprendre à toujours s'étonner de l'évidence, de la banalité, du quotidien. Pourquoi, donc, la Franc-Maçonnerie est-elle, depuis si longtemps, sujette à tant de littérature, autant que sujette à tant d'âneries ?

Résumé

Voir la présentation de ce livre sur le site de l'éditeur.



Qu'est-ce que la Franc-maçonnerie ? Une école de sagesse. Elle est une philosophie de vie en ce sens qu'elle cultive - c'est bien l'étymologie du mot "philosophie" - l'amour de la sagesse. Ou, à tout le moins, l'amour d'une sagesse.

Pour retourner aux racines grecques, la sagesse maçonnique ne relève pas de la doxia, de l'opinion, mais bien de la praxis, de la pratique. En ce sens, la régularité maçonnique, n'est pas une orthodoxie, mais une orthopraxie. Il ne s'agit nullement de définir quelle est la "bonne" destination, ni le "bon" chemin, mais bien de circonvenir la "bonne" façon de marcher : va où tu veux, mais marche avec souffle (Force), avec élégance (Sagesse), avec art (Beauté) …

Ni le chemin, ni le chemineau n'importent ; seul le cheminement compte.

Qu'est-ce qu'un Franc-maçon ? Celui qui cultive la parfaite maîtrise de l'art d'être homme utile à l'œuvre. Devenir pierre pour le Temple de l'Esprit : pierre de fondation enfouie ou clé de voûte somptueuse, qu'importe pourvu qu'elle soit parfaite.

C'est là toute une philosophie de vie qui se dessine, tout un art de vivre. La philosophie maçonnique.

 

Préface

Tant a déjà été écrit sur la Franc-maçonnerie. Parfois du bon, voire très bon. Le plus souvent, du mauvais, surtout du très mauvais.

Philosophiquement, il faut apprendre à toujours s'étonner de l'évidence, de la banalité, du quotidien. Pourquoi, donc, la Franc-maçonnerie est-elle, depuis si longtemps, sujette à tant de littérature, autant que sujette à tant d'âneries ?

Le mythe du "secret maçonnique" n'émoustille plus que les ignorants : il n'y a pas, il n'y a jamais eu, il n'y aura jamais de "secret maçonnique", pas plus que de "complot maçonnique".

Le seul "secret" de la Franc-maçonnerie est archi-connu depuis des millénaires : l'essentiel est indicible. Le nœud de la foi en la vie et en ce qui la dépasse est si personnel, si vécu, si profond qu'aucun mot n'est capable de le transcrire dans aucun des langages des hommes. Ce secret tout intérieur est celui de tout homme qui se tient debout face à l'existence et qui ressent la vie de l'univers grouiller dans son sang, dans ses nerfs, sous sa peau.

Quant aux secrets de pacotille, "mots, signes et attouchements" et autres détails rituéliques, n'importe quel profane les trouvera dans les nombreux "tuileurs" qui ont été édités et distribués dans le grand public depuis le célèbre Prichard en 1726.

Le "complot" maçonnique n'est pas moins mythique et fantasmagorique. Il est vrai que la maçonnerie irrégulière française, sous la troisième république, a eu la fâcheuse tentation d'intervenir dans les débats politiques afin d'y faire entendre la voix d'un anticléricalisme aussi inadéquat que déplacé. Ce fut une déviance. Comme sont encore parfois les déviances népotiques et affairistes qui ressurgissent de temps à autre, très rarement heureusement, dans certaines Loges excentriques, dévoyées, périphériques. La Franc-maçonnerie est une société humaine comme toutes les autres. Malgré ses systèmes d'autoprotection, il peut arriver qu'une brebis galeuse s'y immisce et parvienne à nuire, un temps, avant d'en être impitoyablement chassée. Cela fait les gorges chaudes des paranoïaques en tous genres et les titres gras d'une certaine presse vulgaire. L'homme est ainsi.

La Franc-maçonnerie n'est pas une secte. Elle n'est même pas une société secrète ressortissant du syndrome "conspiratore romantico". Elle est une société discrète. Et sa discrétion n'a qu'une seule, mais forte, motivation : se protéger des malveillants, des parasites, des hallucinés.

Devenir Franc-maçon, c'est d'abord être sain de corps et d'esprit, être paisible et bienveillant, être habité par une tension, par une soif, non pas de vérité, mais de sens. La quête maçonnique est tout intérieure et n'a que faire des péripéties mondaines. Ceux qui y cherchent du pouvoir, de l'influence, des privilèges, des prébendes, en seront pour leurs frais. J'en ai connu qui avaient réussi à s'infiltrer, à tromper notre vigilance et notre bienveillance. Ils ne sont pas restés longtemps. L'initiation a glissé sur eux comme l'eau sur les plumes d'un colvert. Pour la plupart, ils n'ont jamais franchi la barre du grade d'apprenti, et s'en sont allé, écœuré, déçu, frustré, grossir les rangs des délateurs. L'orgueil et la vanité sont ainsi : les hommes détestent la mise à mal de leurs fantasmes égotiques … Ils ne la pardonnent jamais.

Mais aucune démonstration n'y fait. La superstitieuse croyance en le machiavélisme maçonnique est là. Bien là. Enracinée dans l'inconscient collectif. Prête à résurgence au moindre prétexte. Comme l'antisémitisme auquel l'antimaçonnisme s'apparente sur plus d'un point. On pourrait, on devrait, en ce sens, réécrire un autre "Bréviaire de la haine" et un parallèle à cette "Histoire de l'antisémitisme" qui consacrèrent magistralement Léon Poliakov.

Car antimaçonnisme il y a, dans tous les pays, dans toutes les couches sociétales, des plus élitaires (qui pestent, au fond, de n'en faire pas partie) aux plus populaires (qui haïssent tout ce qui leur semble inaccessible).

D'où cela peut-il bien provenir ? La réponse est malheureusement fort simple : les sociétés humaines, comme les individus humains vulgaires, cherchent toujours la cause de leurs malheurs, réels ou, le plus souvent, imaginaires, à l'extérieur d'elles-mêmes. C'est la trop simple mais si terrible loi du bouc émissaire.

La mécanique est bien huilée, depuis le temps. Quelque chose ne va pas. Récurremment. Il y faut un responsable. Ce ne peut être moi, bien sûr, puisque je suis la victime et que la victime ne peut jamais, par essence, être responsable de son propre malheur : il est évidemment exclu que ce soient mes propres faiblesses, mes propres bévues, mes propres limites qui induisent mes propres déconvenues. Si ce n'est moi, c'est donc un autre. La société ? Oui, mais c'est un peu vague. La famille ? Oui, mais c'est trop proche, trop conflictuel. Alors, les autres ? Oui, bien sûr, les autres. Mais pas tous les autres. Les autres vraiment autres. Les autres qui vivent autrement, qui pensent autrement, qui parlent autrement. La cause, c'est l'étranger, donc l'étrange, le différent. Le Juif. Le Franc-maçon. Ce n'est même pas du raciste ethnique ou culturel, c'est de la simple bêtise méchante, fondée sur le refus de l'autocritique, de l'auto-lucidité, de l'auto-questionnement. C'est la faute à l'autre. Au vraiment autre. La question est réglée et permet l'économie de toutes les remises en cause de soi : mes malheurs, c'est eux !

La Franc-maçonnerie, parce qu'elle est discrète et cooptative, excite l'imaginaire des débiles.

Si elle est discrète, ce serait donc parce qu'elle a quelque chose à cacher. Si elle est cooptative, ce serait donc par présomption vaniteuse, par orgueil élitaire, par mépris de l'homme normal puisque médiocre.

A partir de là peuvent déferler les vagues de calomnies, de soupçons, de rumeurs, de médisances dont la croustillance, aussi populaire que pitoyable, fera la pâture des journaleux en mal d'intelligence. Lorsque l'actualité est en panne, lorsque les sujets à la mode sont usés, lorsque les événements sensationnels se font rares, il est toujours un magazine quelconque - très quelconque - pour faire un "dossier spécial" sur la Franc-maçonnerie. Et il y a toujours des cohortes de gogos pour en absorber le tirage exceptionnel.

Curieuse logique de ce bouc émissaire, encore, que l'on cultive jalousement en son sein : ça pourra toujours servir lors de la prochaine crise qui ne manquera pas de venir nous rappeler, sous peu, que tout va mal à cause de lui.

Mais assez parlé du mécanisme pernicieux des fantasmes et haines antimaçonniques. Ce livre a une tout autre ambition. Celle d'aller aux tréfonds de la nature maçonnique, au-delà des sempiternels ouvrages d'histoire maçonnique, au-delà des lamentables "révélations" de telle ou telle pseudo-Loge, de tel ou tel "dignitaire" évincé ou frustré.

Notre travail, ici, tente de compléter d'autres travaux, souvent remarquables, d'herméneutique maçonnique : ceux de Jean-Pierre Bayard, bien sûr, mais aussi de Daniel Ligou, de Daniel Béresniak, de Paul Naudon, de Jean Tourniac et de tant d'autres érudits maçons qui ont déjà tout écrit sur ces thèmes riches et fertiles.

Il ne s'agit plus, pour nous, de gloser, savamment, mystiquement, sur tous ces fabuleux détails symboliques qui constituent la chair vive de la Franc-maçonnerie, mais de l'étudier comme un tout, comme un système vivant global, comme un paradigme en marche. Un paradigme autoréférentiel qui déploie un espace de pensée - un espace noétique - où des hommes, par leurs ascèses, par leurs travaux, par leurs recherches, construisent de nouvelles cathédrales de sens, de sagesse et d'art de bien vivre.

Six thèmes successifs seront abordés : les finalités, les méthodes, le cadre, les généalogies et les fondements de cette pensée maçonnique qui se déploie depuis trois siècles (si l'on remonte à la fondation, à Londres, en 1717, de la Maçonnerie moderne), depuis cinq siècles (si l'on remonte à l'arrivée de maçons "spéculatifs", alchimistes ou rosicruciens, aux côtés des maçons "opératifs"), depuis un millénaire (si l'on remonte à la naissance de cet art des bâtisseurs de cathédrale, héritiers des traditions celtes, des hérésies chrétiennes et des techniques maures et byzantines).

La finalité de ce travail est d'extraire de tout cela, les fondamentaux philosophiques qui étayent toute la tradition maçonnique et, surtout, qui nourriront son futur.