Banque et finance : Bienvenue dans le monde des adultes
Lorsque, entre 1980 et 2005, les banques se gavaient d'actifs toxiques, économiquement vides mais spéculativement juteux, et qu'elles pouvaient offrir, à la fois, des dividendes et des rémunérations gargantuesques, du crédit presque gratuit et des rémunérations de dépôts jusqu'à 7% au-dessus de la croissance économique réelle, l'homme de la rue n'y trouvait rien à redire. Au contraire, il en redemandait.
Maintenant que ces mêmes actifs toxiques empoisonnent toute la planète financière parce que, précisément, ils sont économiquement vides et ne sont que des promesses de promesses et des paris sur une croissance qui est définitivement derrière nous, ce même homme de la rue s'indigne.
Cette puérilité est proprement insupportable, mais elle est un fait humain maintes fois avéré.
Lorsqu'aujourd'hui les Etats, toujours friands de tenter de prendre le contrôle de l'économique pour l'inféoder aux courtes vues politiques, disent vouloir sauver les banques, ils ne disent rien d'autre, au contribuable, que ceci : "Il est temps de casquer ! Vous avez pris, il faut maintenant payer".
Durant le quart de siècle mentionné, les baby-boomers se sont goinfrés, leur patrimoine a prospéré considérablement sans qu'ils ne fassent rien de spécial pour cela. Et aujourd'hui déjà, et demain plus encore, ce sera la génération Y qui payera la note. Mais cette génération-là peut aujourd'hui être aussi arrogante et égocentrique précisément parce que leurs parents, baby-boomers, se sont emplis les poches et ont pu financer tous leurs caprices d'enfants trop gâtés. Ce n'est donc que juste retour.
La première leçon de tout ceci est simple et claire : quand on a accepté de s'engraisser à peu de frais, il faut accepter de maigrir dans l'effort et le tourment.
La seconde leçon de tout ceci est moins évidente, mais combien plus profonde : les banquiers sont des boutiquiers comme les autres qui, malgré leurs grands airs, leurs chief economists à la noix et leurs bureaucratiques systèmes de contrôle, ne comprennent rien à la réalité économique et se laissent berner, comme n'importe quel boursicoteur de base, par les délires spéculatifs. Ils n'ont aucune autre éthique que celle du profit à court terme, comme n'importe quelle entreprise économique, comme n'importe quel parti politique.
Longtemps on a prétendu que toute la planète financière était gouvernée par le principe de confiance. Cela fut peut-être vrai (j'en doute pour ma part, croyant bien plus à la manipulation et à l'escroquerie légalisées). Maintenant, cette confiance est définitivement morte et enterrée. Plus jamais l'homme de la rue ne croira en la vertu prudentielle des banquiers, en la clairvoyance et en la puissance des politiques, en la capacité de sagesse des uns et des autres.
La confiance est morte ! Bienvenue dans le monde des adultes !
Marc Halévy, Le 27/09/2011