Evolution. Progrès. Croissance.
Les mots tendent leurs pièges. Ainsi, le mot "progrès" signifie "évolution", mais avec une connotation positive, c'est-à-dire avec un signe "plus". Le progrès c'est donc "plus de …", c'est-à-dire, au travers de notre obsession quantitative, "croissance".
Voilà l'équation fondamentale de notre époque : évolution = progrès = croissance.
Mais croissance de quoi ?
Croissance de la durée de vie (progrès de la médecine) : non merci si la qualité de vie, comme elle le fait, régresse.
Croissance démographique (progrès de l'humanitaire) : non, merci, car c'est du suicide.
Croissance des pouvoirs d'achat : faux, ils régressent (PIB par humain) depuis longtemps.
Croissance de la production mondiale : non merci, c'est aussi du suicide car 80% des ressources non renouvelables ont été détruits en moins de 150 ans et 80% de la consommation de ces ressources ne concernent que 20% de la population mondiale (qui devraient être exemplaires en termes de frugalité).
Croissance de la consommation : non merci, car cela débouche, via la non qualité des produits, sur de l'obésité, des cancers, des allergies, des empoisonnements, des intoxications pandémiques.
Croissance des loisirs (de l'oisiveté) : non merci, car elle induit, auprès des masses, de l'ennui généralisé qui débouche soit sur de la violence (pour l'adrénaline par le sexe, la castagne, la vitesse, l'incivilité, la délinquance, …), soit sur des assuétudes destructrices (les drogues, l'alcool, le spectacle, la fête, le virtuel, …).
Croissance des villes : non merci car cela accélère d'autant la dénaturation de l'homme et le pillage et le saccage de la Nature qui s'appauvrit à vue d'œil.
Croissance du bonheur : non merci car ce bonheur-là est une absence de problème induite par les assistanats généralisés qui, pas si paradoxalement que cela, induisent une haine violente, une jalousie sournoise, un ressentiment coléreux et des désespoirs à la pelle que l'on noie, comme l'ennui, dans les mêmes poisons.
Croissance de la connaissance, de l'intériorité, de la spiritualité : indéniablement indispensable, mais elle concerne qui (une infime minorité) et où en sommes-nous (en régression globale depuis que le christianisme a fait le lit de l'athéisme) ?
Alors, croissance de quoi ? Progrès en quoi ?
Le progrès a été le grand mythe de la Modernité, mais ce progrès moderne n'a été regardé que sous un angle quantitatif et du point de vue de l'observateur extérieur (merci à Galilée et à Descartes). Or, il n'y a jamais de progrès quantitatif ; il y a croissance mais pas progrès. Le progrès authentique, lui, ne peut être que purement qualitatif et intérieur.
Marc Halévy, 7 septembre 2014.