Le bistrot : explication de la crise financière
Marcel est propriétaire d’un bistrot. Il réalise soudain que
tous ses clients sont des alcolos qui n’ont pas de boulot et ne peuvent donc
plus fréquenter son comptoir, car ils ont vite dilapidé leur RSA (revenu de
solidarité active).
Il imagine alors un plan marketing génial : « Picole aujourd’hui, paie plus
tard ».
Il tient rigoureusement à jour son ardoise de crédits, ce qui équivaut donc à
consentir un prêt à ses clients.
Chiffre d’affaires et bénéfices explosent et son bistrot devient vite, sur le
papier, le plus rentable de la capitale.
Les brasseurs et grossistes se frottent les mains, et allongent bien volontiers
les délais de paiement.
Les clients de Marcel s’endettant chaque jour davantage, acceptent sans
rechigner des augmentations régulières du prix du godet, gonflant ainsi
(toujours sur papier) les marges du bistrot.
Le jeune et dynamique représentant de la banque de Marcel, se rendant compte
que ce tas de créances constitue en fait des contrats à terme (futures) et donc
un actif, propose des crédits à Marcel avec les créances-clients en garantie.
Sa trouvaille géniale vaut au banquier visionnaire un plantureux bonus.
Au siège de la banque, un trader imagine alors un moyen (la titrisation) pour
se faire de belles commissions : il convertit les dettes en PICOLOBLIGATIONS.
Les Picolobligations sont alors « titrisées » (converties en paquets de titres
négociables) afin d’être vendues sur le marché à terme.
Confiants à l’égard de leur banquier et avides de hauts rendements, les clients
ne captent pas que ces titres qui leur sont fourgués comme « obligations AAA »,
ne sont en fait que les créances bidons d’alcolos feignasses.
Les Picolobligations deviennent la star des marchés, on se les arrache et leur
valeur crève tous les plafonds.
Un beau matin, un « risk manager » oublié dans les caves de la banque se
réveille et signale qu’il est temps de demander à Marcel que ses clients
règlent leur ardoise.
Marcel essaie, mais ses clients ne bossant pas, … bernique !
La banque exige alors le remboursement du crédit et le bistrot fait logiquement
faillite, vire ses employés entrainant la faillite de ses fournisseurs en
bibine qui, à leur tour, virent également leurs employés.
Le cours des Picolobligations chute brutalement de 90%.
La dépréciation de cet actif vaporise les actifs et donc les liquidités de la
banque. Mais il y a un problème : sa banqueroute ruinerait trop d’électeurs (« too
big to fail » dit-on).
La banque est donc renflouée par l’État. Ce renflouement est financé par de
nouvelles taxes prélevées chez des employés, les classes moyennes et un tas de
gens qui bossent, ne picolent pas, qui n’ont jamais mis les pieds dans le
bistrot du Marcel…
C’est pourtant pas difficile à comprendre, non ?