Macroéconomie : bilan et perspectives
Le problème de l'évaluation macroéconomique est le choix des variables et paramètres (en fait, la macroéconomie n'existe pas : elle n'est que l'intégrale de microéconomies aléatoires et imprévisibles. Lire à ce sujet "Le Cygne noir" de Nassim Nicholas Taleb chez "Les belles lettres").
- Premier exemple : le PIB est un MAUVAIS paramètre qui inclut SURTOUT des transactions financières qui n'ont rien à voir avec l'emploi et la valeur réellement produite (cfr. Stiglitz et autres) (Un ancien responsable de la Banque centrale de Belgique, Bernard Lietaer, a pu avancer qu’avant la crise, sur les 3 200 milliards de dollars (2 272 milliards d’euros) qui s’échangeaient quotidiennement sur les marchés financiers, seuls 2,7 % correspondaient à des biens et services réels !).
- Second exemple : le taux de chômage ne signifie rien d'autre que le périmètre de l'assistanat généralisé : si les allocations de chômage sont ramenées à zéro, il n'y a plus de chômage. Plus les allocations sociales sont élevées, plus il y a de gens pour en profiter : c'est de l'arithmétique.
Par contre, il faut marteler deux constats essentiels.
- Primo : nous vivons largement au-dessus de nos moyens (avec de l'argent qui est de la fausse monnaie fabriquée sur le dos de nos petits-enfants) ; cela fait cinquante ans que l'on fait croire, par pure démagogie, aux pauvres qu'ils peuvent vivre comme des riches.
- Secundo : les "travailleurs" travaillent de moins en moins et il y a de plus en plus de parasites sociaux. De plus, du fait de l'incroyable incurie de nos systèmes éducatifs, nous fabriquons de plus en plus d'inemployables qui seront les pauvres et les exclus de demain. Déjà aujourd'hui, la totalité du PIB de nos pays est produite par moins de 15% de la population totale, ce qui est intenable.
La "crise" que nous vivons, a encore de très "beaux" jours devant elle (les plus grosses bulles à éclater sont à venir : CDS, crédit américain à la consommation, spéculation sur les dettes faramineuses et faillites des Etats, spéculation sur les ressources primaires, énergétiques et alimentaires, spéculation sur les terres arables, etc …). Tout ce que l'on nomme gracieusement "reprise" n'est que redistributions de fausse monnaie - tout droit issue des planches à billets - orchestrées par des Etats démagogiques en faillite dont les dettes pharaoniques devront être payées par les générations futures : en bref, nous finançons les pauvres d'aujourd'hui (la paix sociale, autrement dit) en fabriquant de plus pauvres pour plus tard.
Cela s'appelle de la fuite en avant ! Ou, pour parler en financier, de la cavalerie : dépenser aujourd'hui de l'argent que l'on a pas et qui devra être remboursé demain par quelqu'un d'autre.
Globalement, il ne s'agit pas de "crises" mais de mutation paradigmatique, c'est-à-dire d'un changement radical de logique économique et sociale, avec effets de seuil, ruptures profondes, irrémédiables exclusions et conflits majeurs. Il faudra encore au moins une décennie pour "passer de l'autre côté" et retrouver une nouvelle homéostasie mondiale basée sur d'autres valeurs et concepts ; en attendant, il s'agit de travailler et de se serrer sérieusement la ceinture. Rien - ni l'Etat, ni le reste - ne peut y faire quoique ce soit : les ressources deviennent rares, la démographie est galopante et l'appétence consommatoire augmente : l'équation arithmétique est d'une simplicité enfantine. Il suffit de mêler malthusianisme et darwinisme pour comprendre qu'il n'y a pas d'autre issue que soit un miracle de sagesse collective mondiale , soit des catastrophes en série (lire à ce sujet mon "Principe Frugalité" qui sortira en Février chez Dangles). Et je ne crois guère aux miracles surtout en matière d'intelligence humaine (l'échec évident du "sommet" de Copenhague me donne bien raison, malheureusement).
Enfin, plus globalement encore, il ne faut jamais oublier que l'économie officielle (le total des PIB du monde, c'est-à-dire le total de toutes les déclarations d'impôts) ne représente qu'un sixième du total mondial de l'économie réelle (les trois autres "économies" sont parallèles : l'économie pirate (dont le travail "au noir"), l'économie mafieuse et l'économie démonétisée (troc, monnaies privées (type SEL), prosumérisme, services rendus, bénévolat, etc …). En période de crise, depuis toujours, l'économie officielle se vide au profit des économies parallèles (cfr. le "marché noir" pendant la seconde guerre mondiale).
De façon générale, plus les pouvoirs institutionnels veulent "réguler" l'économie, plus l'économie leur échappe et fuit vers des mondes parallèles où il n'y a pas de "social" du tout. Le problème n'est pas la régulation de l'économie, mais sa marginalisation : tant que l'argent sera roi, l'économie sera reine.
Lorsque l'argent sera esclave et non maître, alors l'économie sera servante et docile.
Marc Halévy, janvier 2010