Pour une humanité adulte
Mais cette question n'est pas la bonne.
L'histoire de l'humanité se développe selon un schéma parallèle à celle de chaque être humain. En psychologie comme en embryologie, la phylogenèse suit l'ontogenèse.
Nourrisson jusqu'au néolithique et petit enfant jusqu'à l'âge du bronze. Bel enfant sage et créatif durant l'antiquité où l'on joue au soldat et à la maman, où l'on découvre le monde et où l'on apprend à se servir de sa pensée. Ensuite, préadolescence médiévale, pétrie de contes de fées et de sorcières, d'anges et de diables, de tourments et de peurs.
Avec l'âge moderne, c'est l'adolescence : affirmation de soi (humanisme), recherche de personnalité (cartésianisme), meurtre du père (athéisme du "Dieu est mort") et mépris de la mère (utilitarisme du "salut par l'économie"), quête d'idéaux et d'Idéal (les Lumières), rêves de puissance (tout savoir, tout exploiter, tout essayer) et ambitions démesurées (tout posséder, tout dominer, tout asservir). Bref, l'hybris, la démesure, l'exubérance, l'arrogance.
La crise majeure de notre époque n'est autre que l'inévitable sortie de cet âge ingrat. L'adolescence est, parait-il, un mal nécessaire. Soit. Mais il faut alors la quitter dare-dare de peur de s'y laisser enfermer. L'adolescent attardé devient vite un adulte raté, un névropathe à vie, un déséquilibré, un psychotique dangereux.
La bonne question est donc : comment faire sortir l'humanité de l'adolescence et comment la faire entrer de plain-pied dans l'âge enfin adulte ?
Les spécialistes situent l'adolescence entre émancipation (affirmer sa puissance, construire une séduction, affronter les tabous) et déviance (expérimenter les interdits, prendre des risques, tester les limites). L'attrait du suicide est caractéristique par peur de se rater.
Ce sont bien là toutes les caractéristiques de la Modernité humaine.
Pour sortir de cette adolescence qui fut émancipatrice mais qui devient suicidaire et déviante si elle perdure, pour entrer dans l'âge adulte, l'humanité doit assumer sa maturité procréative et retrouver les modèles paternel et maternel, c'est-à-dire le sens du Divin et le sens de la Nature : renouer avec la transcendance et avec l'immanence.
Spiritualité et écologie, en somme.
Marc Halévy, janvier 2010.