Tisserand de la compréhension du devenir
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La fin de la Modernité et la troisième voie …

Dans moins d'un siècle, les livres d'Histoire présenteront les USA et l'URSS comme les illusions majeures et opposées marquant le déclin et la fin de la Modernité.

Les mots "mercantilisme[1]" et "socialisme" qui viendraient spontanément à l'esprit pour caractériser ces illusions délétères, sont insuffisants puisqu'ils ne couvrent que les manifestations d'une erreur beaucoup plus profonde : celle du refus de la nature réelle du monde et de l'homme, celle de la volonté de violenter cette nature profonde pour la conformer à des caprices infantiles appelés "idéaux".

Ce refus, sous deux formes contraires, de la nature n'est que l'autre expression du mythe du progrès qui est au cœur de la Modernité. Car le "progrès", depuis la Renaissance et plus encore depuis les Lumières et obsessionnellement depuis les moments marxiste, scientiste et positiviste, n'est que l'autre manière d'affirmer la caducité de ce-qui-est en vue d'établir un mieux-que-ce-qui-est.

Que ce soit par l'idéologie et la terreur, ou par l'argent et la cupidité, il s'agit d'opposer un monde idéal, complètement fantasmagorique et imaginaire, utopique et illusoire - celui de l'égalité et de la solidarité, d'un côté, celui de l'abondance et de la gabegie, de l'autre -, au monde réel. Il s'agit, dans les deux cas, d'affirmer un pouvoir sur le monde et sur l'homme.

Dans les deux cas, aussi, il s'agit de vivre dans des villes dénaturées. Car les idéologies modernes, celle de l'argent comme celle de la révolution, sont des fermentations urbaines. Toute la Modernité est un phénomène urbain, on ne le soulignera jamais assez.

La campagne, elle, n'a que faire des idéologies, n'a que faire du politique, n'a que faire d'affairisme ou de révolutionnarisme.

La campagne vit dans la Nature et par la Nature. La ville vit hors d'elle et contre elle.

La campagne n'est, pour autant, ni angélique, ni paradisiaque : elle est dure au travail, âpre au gain, méfiante aux étrangers, cancanière et médisante, mesquine et perfide, elle est comme l'homme est dans sa réalité. Elle a bien des travers mais elle n'idéologise rien, mais elle n'idéalise rien.

Le bon sens paysan et le pragmatisme campagnard ne sont que deux expressions, parmi d'autres, de ce réalisme foncier, clairement opposé à tous les utopismes, à tous les idéologismes, à tous les idéalismes, de gauche comme de droite. Le réel est ce qu'il est et est pris - et aimé - comme tel.

Le réalisme, c'est-à-dire l'acceptation du monde et de l'homme tels qu'ils sont, voilà la troisième voie, celle du troisième millénaire : cultiver le Réel et non le combattre.

Marc Halévy, Le 16/04/2010


[1] Et non "capitalisme" car si le mercantilisme est bien un état d'esprit, une posture comportementale, une manière d'être et de vivre le quotidien (faire de l'argent, faire des affaires, être obnubilé par le fric, etc …), le capitalisme est une doctrine économique basée sur l'investissement et la rémunération du risque et de la propriété. Ce qui caractérise l'idiosyncrasie américaine, c'est bien plus son mercantilisme obsessionnellement actif à travers toutes les catégories sociales.