Le mythe de la mesure
L'homme est le seul animal qui mesure. Il quantifie ce qui, par nature, n'est que qualitatif. Et ce besoin de tout mesurer, de tout quantifier, n'est que l'expression de celui de dominer et de maîtriser : le chiffre fait croire en la puissance …
Mais rien de réel n'est mesurable[1] comme tel. Pour mesurer, il faut isoler, artificiellement, un paramètre inventé, compatible avec un artefact appelé instrument de mesure. Ainsi, on ne mesure pas un arbre comme tel, mais on peut inventer des grandeurs artificielles comme sa hauteur (maximale ou moyenne, avec ou sans gîte due au vent, à quel instant précis de sa vie, etc …) ou le périmètre de son tronc (avec ou sans la structure fractale de l'écorce, avec un mètre rigide ou mou, avec quelle humidité gonflante de l'air, etc …) ou le nombre de ses feuilles (pendant le comptage, combien tomberont, combien écloront ? une feuille partiellement déchirée compte-t-elle ? etc …) ou tout ce que l'on voudra …
Au contraire de tout ce qui est naturel, seuls les artefacts humains (dont les instruments de mesure) se plient à la géométrie et à l'arithmétique, par construction.
Dans la nature, rien n'est naturellement mesurable. La question du combien n'y a aucun sens.
La quantité est un fantasme : la quantité n'existe pas et toute mathématisation n'est que fantasmagorie[2].
Marc Halévy, 26/8/2011
[1] Aucune horloge ne mesure la réelle durée vécue. Les mesures de l'espace et du mouvement s'excluent mutuellement. Toute mesure dépend principalement du mesureur et de l'instrument de mesure.
[2] La physique est donc condamnée à devenir qualitative et conceptuelle, à redevenir une philosophie de la Nature et à abandonner ses mirages mathématiques et quantitatifs, prédictifs et expérimentaux.