Noé et la fin d'un monde
Tout le processus diluvien commence avec la démographie : les hommes pullulent et déstabilisent les grands équilibres de la vie. "Lorsque les hommes eurent commencé à se multiplier à la surface du sol …" (Gen.:6;1).
Et cette pullulation engendre une promiscuité nauséabonde et perverse : "Les fils des dieux virent que les filles des hommes étaient belles …" (Gen.:6;2). Les fils des dieux … : corruption et dévoiement du Logos et de ses forces actives. L'intention créatrice visant le plein accomplissement du Tout, est détournée de son objet par sa partie, les hommes, au profit de leurs propres fantasmes : leurs filles si belles, si attirantes, si envoûtantes.
Et le jugement global tombe : "YHWH regrettera d'avoir fait l'homme sur la Terre et il s'affligera pour son cœur" (Gen.:6;6).
Mais il est un homme qui obtint la faveur divine : "Noé (le Tranquille) était devenu un homme juste (TzDYQ) accompli (TMYM) …" (Gen.:6;9). La clé est là : "juste-accompli" … Ne pourra survivre au déluge (MBWL : maboul) qui attend, que celui qui sera juste-accompli. Ainsi sourd la définition biblique de la sagesse parfaite : juste-accompli.
TzDYQ (juste) dérive de TzDQ (justesse, comme une balance qui pèse juste) et TMYM (accompli) vient de TMM (être achevé) proche de la racine TM qui signifie : "innocent, simple, pur".
Le décor est ainsi planté. Et la similitude avec notre époque est cinglante, criante, hurlante.
Le reste de l'histoire est connue : Noé, le Tranquille, construira son arche, selon les spécifications divines et y entassera quelques couples de tous les animaux afin de survivre au déluge.
Un point parait essentiel : quel sera l'événement déclencheur de la colère divine et du début du déluge ? Le texte ne répond pas.
Il est seulement écrit ceci (Gen.:7:10-11) : "Sept jours après [que Noé et les siens se fussent enfermés dans l'arche] les eaux du déluge viendront sur la Terre. L'an 600 (soit l'an 1556 après l'avènement de l'homme) de la vie de Noé, le deuxième mois, le dix-septième jour du mois, ce jour-là toutes les sources du grand abîme jaillirent et les écluses du ciel s'ouvrirent."
Le 17 du mois de Iyar, la veille du Lag ba-Omer, trente-troisième jour du décompte de l'Omer (qui compte 49 jours) entre Pessa'h (la libération) et Shavouot (la révélation), fête des Kabbalistes suivant l'anniversaire de la mort de Rabbi Shiméon bar Yo'hay.
Puis , ce sera l'épreuve du déluge d'eau pendant quarante jours et quarante nuits. Quarante jours d'horreur et de mort dont la Torah ne dit rien. Mais tout est bien là. Presque toute l'humanité et, avec elle, presque toute vie se noyeront, engloutis sous la masse fluide des eaux du ciel …
Puis ce sera la fin de l'épreuve et les débuts d'un nouveau monde, le premier jour du quatrième mois (Sywan) de l'an 600 de Noé. Très progressivement, les eaux descendront : cela prendra neuf mois, la durée d'une grossesse. Le sol sec apparut aux yeux de Noé le premier jour du premier mois (Nissan) de l'an 601 de sa vie. Puis ce sera la sortie de l'arche, le vingt-septième jour du du deuxième mois (Iyar) de l'an 601 de Noé, soit un an et dix jours après la première goutte de pluie. Enfin ce sera une nouvelle alliance aussi, scellée par l'arc-en-ciel, qui tient en bien peu de préceptes (Gen.:9;1-7) et qui tient toute entière dans ce seul principe : la Vie est sacrée !
Au vu des saccages et pillages effrénés de l'homme sur Terre, il semble, en effet, évident, que la Vie est profondément profanée et que l'humanité n'a plus qu'un seul destin : le Déluge !
Marc Halévy, 13 février 2011.